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La poussée russe s’accélère et les Ukrainiens dans une situation désespérée avant l’arrivée de l’aide américaine

Tchasiv Iar, Otcheretyne. Depuis la mi-avril, les assauts russes dans ces zones du front de l’Est ont doublé d’intensité et devraient se poursuivre jusqu’à l’arrivée des munitions occidentales, très attendues par les Ukrainiens qui en manquent cruellement.

Parmi les derniers succès russes, les conquêtes d’Otcheretyné et de Solovyové, revendiquées ces derniers jours par Moscou. Dimanche, des panaches de fumée noire se sont élevés dans le ciel de la région, témoignant des bombardements et des combats en cours.

Otcheretyne, qui comptait avant la guerre quelque 3 000 habitants, est située à une douzaine de kilomètres au nord d’Avdiïvka, prise par Moscou en février.

Après la prise de cette ville forteresse hautement symbolique, les forces russes, mieux armées et plus nombreuses, gagnent du terrain vers l’Ouest.

Mais c’est à partir de la mi-avril que leur avance s’accélère sur Otcheretyne, finalement conquise en seulement deux semaines. Les chiffres quotidiens fournis par l’état-major de Kiev parlent d’eux-mêmes : dimanche, il a relevé pas moins de 125 attaques russes sur les 700 kilomètres de front, dont plus de la moitié uniquement vers Otcheretyné/Avdiïvka et Tchassiv Iar.

A titre de comparaison, fin mars, l’Ukraine recensait 53 attaques, dont 21 dans ces deux zones. Loin de constituer une avancée massive, l’avancée rapide de la Russie dans ce domaine a néanmoins surpris et suscité des critiques.

« Effondrement des défenses »

La chaîne Telegram DeepState, proche de l’armée ukrainienne, a imputé au commandement d’une unité déployée à Ocheretyne, la 115e brigade motorisée, « l’effondrement des défenses dans toute la région, provoquant des pertes considérables ». Les soldats « n’ont pas échappé », a défendu la brigade sur sa page Facebook, expliquant avoir perdu des hommes et des positions à cause des tirs quotidiens de forces russes « dix à quinze fois » plus puissantes que celles des Russes. Ukrainiens.

L’Ukraine alerte depuis des mois sur son manque de munitions, accusant notamment les retards de l’aide occidentale. Washington a récemment validé un programme d’aide de 61 milliards de dollars, au grand soulagement de Kiev. Mais il faudra du temps pour que cette aide se concrétise sur le champ de bataille.

« L’ennemi comprend que dans deux mois, des munitions (…) commenceront à apparaître », explique à l’AFP Yuri Fedorenko, commandant du bataillon de drones Achilles de la 92e brigade, qui opère sur le front de l’Est. « Ces deux mois de guerre vont donc être très, très intenses. L’ennemi essaiera d’en prendre le plus possible d’ici là », prédit-il.

À ce rythme, les troupes russes pourraient bientôt menacer la route stratégiquement importante T0504, désormais à une dizaine de kilomètres de la ligne de front.

Le long de cette route au nord d’Otcheretyne, des employés civils creusaient encore jusqu’à récemment des tranchées et des fossés antichar. « Ils ont commencé il y a deux semaines », a déclaré un habitant du village de Novoolenivka, à proximité des fouilles en cours.

La route mène à l’ouest jusqu’à Pokrovsk et au nord-est jusqu’à Kostiantynivka, une base logistique ukrainienne, avant de passer au sud de Chassiv Yar, l’un des objectifs actuels de Moscou.

Le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Oleksandr Syrsky, a assuré que la Russie souhaitait s’emparer de cette ville stratégique « d’ici le 9 mai », soit jeudi. Cette date marque la victoire soviétique contre l’Allemagne nazie, élément central du récit patriotique du Kremlin.

La Russie n’atteindra pas son objectif cette semaine, mais son armée est à l’offensive dans toutes les directions pour éliminer cet obstacle clé. Cela pourrait l’aider à atteindre Kramatorsk, la principale ville de la région contrôlée par Kiev et une importante plaque tournante ferroviaire et logistique pour les Ukrainiens.

« Motos tout terrain »

« Si l’ennemi occupe Tchasiv Yar, il peut prendre le contrôle de Kostiantynivka, Druzhkivka et Kramatorsk avec une puissance de feu à longue portée », explique Yuri Fedorenko. « C’est une très bonne base pour poursuivre une avancée et mener des opérations d’assaut (…) afin d’occuper les régions de Donetsk et Lougansk », contrôlées en partie par Moscou, poursuit-il.

Et tous les moyens sont bons pour avancer. Début mai, un commandant de brigade a constaté que les Russes avaient « pénétré nos positions à bord de motos tout-terrain ». « Leur vitesse et leur maniabilité ont joué en leur faveur », a-t-il déclaré.

Les Ukrainiens ont jusqu’à présent contenu les assauts russes à l’est et au nord de Chassiv Yar, mais les troupes de Moscou ont progressé vers le sud ces derniers jours. Ceux-ci devront notamment traverser un canal sec, en forme de trapèze, de 6 mètres de profondeur et doté d’un sommet de trente mètres de large, qui longe tout l’est de la ville.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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