Nouvelles locales

le parti d’Erdogan en net recul aux élections municipales

DÉCRYPTION – L’opposition est en passe de remporter dimanche une victoire dans tout le pays et de conserver Istanbul et Ankara.

Correspondant à Istanbul

Les premiers résultats des élections locales illustrent un recul important de l’AKP, le parti d’Erdogan au pouvoir depuis deux décennies. Selon le dépouillement partiel des urnes, ce dimanche 31 mars au soir, le parti d’opposition CHP a conservé le contrôle des deux villes « phares » remportées en 2019, Ankara, la capitale, et Istanbul, que le « reis » voulait du tout. les coûts reconquérir.

Sur 63% des urnes dépouillées à 22h30 heure locale, selon l’agence Anadolu, Mansur Yavas était en bonne voie d’être réélu avec 58,93% contre 33,15% pour son adversaire AKP. Quant à Ekrem Imamoglu, il était crédité de 50,44%. contre 40,43% pour son principal adversaire du parti au pouvoir.

Course à l’élection présidentielle de 2028

Le président Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis plus de deux décennies, avait pourtant pesé de tout son poids dans la campagne, notamment à Istanbul, capitale culturelle de Turquie dont il fut maire dans les années 1990.

Outre ses nombreux déplacements à travers le pays, il a ouvertement fait campagne aux côtés de Murat Kurum, son ex-ministre de l’environnement connu pour son manque de charisme, dont il a partagé la vedette sur la plupart des affiches.

Samedi, vingt-quatre heures avant l’ouverture du scrutin, on l’a vu tenir trois meetings à Istanbul, avant d’aller prier à la mosquée Sainte-Sophie… comme à la veille des dernières élections.

De son côté, Ekrem Imamoglu a redoublé d’efforts pour aller à la rencontre de la population, surmonter les divisions au sein de l’opposition qui ont pu décevoir ses électeurs et rappeler ses acquis à des foules moins enthousiastes qu’il y a cinq ans. années, dans un contexte où le quasi-contrôle du pouvoir sur les médias ne lui laissait que peu de marge de manœuvre pour s’exprimer auprès des masses.

Mais l’obstination du « reis » turc à le discréditer n’a pas suffi, semble-t-il, au vu des premiers résultats.

De l’avis des experts, une réélection de l’actuel maire d’Istanbul, cœur économique du pays, le lancerait déjà dans la course à l’élection présidentielle de 2028.

Dans un premier discours à la presse, et au vu des premiers résultats, il a néanmoins prêché la prudence. « La photo que nous avons devant nous nous plaît, mais nous attendons les résultats complets», a-t-il déclaré à la presse.

Un tournant dans les choix des électeurs

A Ankara, la capitale politique, Mansur Yavas, autre grand nom du CHP, se dirige également vers une réélection confortable, qui ferait de lui un autre rival potentiel d’Erdogan dans la course au pouvoir.

D’autres villes stratégiques sont également données pour acquis à l’opposition. Izmir, troisième ville du pays et fief traditionnel du parti social-démocrate, reste également aux mains de l’opposition.

Le parti pro-kurde DEM, quant à lui, est vainqueur dans les grandes villes du sud-est à majorité kurde, dont Diyarbakir, la capitale informelle des Kurdes de Turquie.

Dans le reste du pays, les candidats de l’AKP restent comme prévu en tête dans plusieurs grandes villes d’Anatolie (Konya, Kayseri, Erzurum) et de la mer Noire (Rize, Trabzon), fiefs du président Erdogan.

En revanche, et ce serait une première, le parti au pouvoir semble sur le point de perdre d’autres villes de ces régions traditionnellement pro-AKP, comme Giresun ou Amasya et Kastamonu au bord de la mer Noire.

Si ces résultats se confirmaient, ce serait un véritable tournant dans les choix des électeurs.

« Comme une vengeance »

Au total, 61 millions d’électeurs – sur une population de 85 millions d’habitants – ont voté ce dimanche à travers le pays pour leurs maires mais aussi pour les conseillers municipaux, les maires d’arrondissement et les muhtars (chefs de quartier).

Malgré la lassitude politique (les Turcs en sont à leur neuvième élection en dix ans) et le manque d’enthousiasme dans un contexte de dérive autoritaire et de récession économique, la participation importante (76%) des électeurs a finalement prouvé leur volonté d’exprimer leur mécontentement grandissant.

« La population turque a vu dans cette élection une revanche», observe le politologue Selin Senoçak.

Selon les premiers résultats, les bons scores du nouveau parti islamiste Yeniden Refah illustrent un vote de sanction exprimé par les électeurs habituels du parti d’Erdogan. « L’AKP n’a pas réussi à venir voir la nouvelle génération qui a grandi dans les grandes villes et qui a fait des études supérieures », observe l’analyste Ibrahim Uslu sur le plateau de télévision Sözcu, pour expliquer ces changements. De plus, estime-t-il, «une partie de ses électeurs ne se retrouve plus dans le virage autoritaire et ultranationaliste du parti, initialement focalisé sur les valeurs néolibérales ».

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
Bouton retour en haut de la page