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le FMI torpille l’objectif de la France pour 2027

Mauvaise nouvelle en cascade pour le gouvernement. Après des déficits plus élevés que prévu en 2023 et 2024, le Fonds monétaire international (FMI) et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ont déjà écrasé les nouvelles prévisions de l’exécutif pour les années suivantes. La trajectoire du déficit public jusqu’en 2027 est connue depuis une semaine mais les détails du programme de stabilité ont été dévoilés ce mercredi 17 avril en Conseil des ministres par Thomas Cazenave, ministre délégué aux Comptes publics. En déplacement à Washington, Bruno Le Maire doit assister aux réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI. Ce « Pstab », comme l’appellent les spécialistes, définit la méthode et le calendrier du gouvernement pour repasser sous le seuil des 3 % de déficit d’ici 2027.

Le nouveau « Pstab » prévoit un redressement du déficit à 4,1% en 2025, 3,6% en 2026 et enfin 2,9% en 2027. Dans le même temps, la dette stagnerait de 112,3% du PIB cette année à 112% en 2027. , mais avec un coût qui passerait de 46,3 milliards en 2024 à 72,3 milliards d’euros en 2027. « Ce programme de stabilité doit nous permettre d’avancer vers le plein emploi et de procéder à des réformes structurelles », a déclaré la porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot, à l’issue du conseil des ministres.  » Le programme de stabilité présenté aujourd’hui est sûr, cohérent et responsable », a-t-elle assuré aux journalistes. En pleine tempête budgétaire, le gouvernement cherche une solution pour éviter de nouvelles critiques. Mais les récentes dissensions entre le ministre de l’Économie Bruno Le Maire et le chef de l’Etat Emmanuel Macron montrent que le gouvernement navigue en eaux troubles.

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Un déficit de 4,3% en 2027, prédit le FMI

Le gouvernement a déjà annoncé 10 milliards d’euros de coupes budgétaires par décret en février dernier et 10 milliards d’euros à retrouver cette année. Concernant 2025, l’exécutif a annoncé 20 milliards d’euros d’économies pour atteindre son objectif. Mais déjà, le Fonds monétaire international (FMI) met en doute les projections de l’exécutif. Dans son rapport annuel de référence sur les finances publiques (le « Fiscal Monitor »), le FMI s’attend à un déficit de 4,9% en 2024 et 2025, 4,4% en 2026 et 4,3% en 2027, soit au-dessus donc de la limite de 3% fixée par le Pacte de stabilité, contrairement à l’engagement du gouvernement français de descendre en dessous (2,9%).

Parmi les grandes puissances de la zone euro, seule l’Espagne afficherait également un déficit supérieur à 3% (3,3%) en 2027. Mais il resterait tout de même bien inférieur à celui de la France. Concernant la dette rapportée au produit intérieur brut (PIB), elle passerait de 110,6% en 2023 à 114% en 2027. Là encore, le scénario du gouvernement semble très optimiste aux yeux des économistes du FMI.

Concernant l’activité, le FMI a abaissé sa prévision de croissance pour 2024 à 0,7% (contre 1% en janvier) et 1,4% en 2025 (contre 1,7% en janvier). De son côté, l’exécutif mise sur une croissance de 1% en 2024. Puis 1,4% de croissance en 2025, 1,7% en 2026 et 1,8% en 2027.

En revanche, l’institution de Washington n’a pas apporté de précisions sur les coupes budgétaires annoncées par l’exécutif. Face au manque à gagner des recettes publiques, le gouvernement Attal doit lancer une mission sur la taxation des rentes qui pourrait cibler les super profits des énergéticiens ou les rachats d’actions. Des pistes qui pourraient rapporter relativement peu au vu des maigres résultats obtenus par les prélèvements effectués en 2023 et estimés à 600 millions d’euros contre 12 milliards d’euros espérés. « Il est inacceptable que les performances soient aussi faibles que prévu » avait d’ailleurs lancé Bruno Le Maire lors d’une rencontre avec des journalistes fin mars.

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Programme de stabilité : le carton rouge du Haut Conseil des Finances publiques

Le FMI n’est pas le seul à critiquer les prévisions du gouvernement. Dans un avis sévère rendu public ce mercredi 17 avril, le Haut Conseil des Finances publiques estime que la prévision de réduction du déficit en dessous de 3% du PIB en 2027 « manque de crédibilité » confronté à une situation de finances publiques « concernant ». Le tribunal considère que la documentation de cette trajectoire est « lacunaire ». Auditionné par la commission des Finances de l’Assemblée ce mercredi 17 avril, Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, a une nouvelle fois tiré la sonnette d’alarme. « 2023 a été une année sombre. Le déficit de l’année 2023 atteint presque le record de l’année 2020″, a-t-il déclaré.

Les experts du HCFP pointent également le manque de « cohérence » dans les projections de croissance jugées « optimistes ». « La mise en œuvre de l’ajustement structurel prévu pèsera nécessairement, au moins à court terme, sur l’activité économique »soulignent les auteurs de l’avis.

Le Haut Conseil rappelle notamment que « la prévision de croissance du gouvernement en France pour 2024 (1,0 %) est supérieure à celle de la moyenne des prévisionnistes interrogés en avril par Consensus Forecasts (0,7 %) et à celles du FMI (0,7 %) et de l’OCDE (0,6 %) ». De quoi affaiblir le scénario du gouvernement.

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Agences de notation : un verdict très attendu

A quelques jours du verdict des agences de notation, les avertissements du FMI et du Haut Conseil des Finances publiques ne présagent rien de bon. LLe 26 avril, deux agences actualiseront leur notation : Fitch, qui a déjà dégradé la note de la France en avril 2023 et ne devrait pas le faire à nouveau ; et Moody’s qui juge désormais « peu probable » que la France atteigne son objectif de réduction du déficit public à 2,9% d’ici 2027. Elle pourrait abaisser la perspective de la note, prélude à une baisse, ou l’abaisser immédiatement.