En Pologne, le retour du débat sur le droit à l’IVG

Le Premier ministre l’a promis lors de son élection en décembre et le débat est donc à nouveau sur la table au Parlement. Mais même au sein de la coalition au pouvoir, de graves divergences existent.

S’il est un sujet qui divise en Pologne, pays majoritairement catholique, c’est bien le droit à l’interruption volontaire de grossesse (avortement). Et c’est l’aile gauche de la coalition au pouvoir qui a remis le débat sur la table du Parlement depuis le 11 avril. Elle espère légaliser l’avortement jusqu’à la douzième semaine de grossesse.

Les droits des femmes ont subi des revers importants au cours des huit années de gouvernement des nationalistes conservateurs. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir en décembre 2023, le Premier ministre Donald Tusk a promis de légaliser l’avortement.

Aujourd’hui, l’avortement n’est légal que si la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste ou si elle menace directement la vie ou la santé de la mère. Mais en réalité, la loi est tellement restrictive que les médecins (qui encourent une peine de trois ans de prison en cas d’avortement en dehors des situations prévues par la loi) ne prennent aucun risque. : plusieurs femmes sont décédées à l’hôpital après que l’équipe médicale a estimé que la vie de la mère n’était pas en danger immédiat.

« Vous n’avez jamais été enceinte et vous ne savez pas ce que signifie porter un enfant et avoir peur. »

Monika Rosa, députée de gauche

devant le Parlement polonais

« Quels que soient vos commentaires sur l’éthique ou la morale» a déclaré jeudi la députée de gauche Monika Rosa aux députés de la droite populiste qui défendent la législation actuelle. Vous ne saurez jamais ce que signifie avoir peur d’être enceinte en Pologne. La députée Anna Maria Żukowska mène pour sa part un projet visant à décriminaliser l’avortement assisté. « Aujourd’hui en Pologne, aider quelqu’un à avorter est passible de trois ans de prison, elle explique. Trois ans ! C’est un scandale et c’est inacceptable.»

Dissensions internes et promesse de veto présidentiel

Mais ces débats constituent un véritable test pour la majorité parlementaire et révèlent la fragilité de la coalition qui détient 248 des 460 sièges de la chambre basse. La majorité requise pour faire adopter les projets est de 231 voix et tout le monde n’est pas d’accord sur la libéralisation de l’avortement. Dans le même camp, certains souhaitent maintenir la loi telle qu’elle est, à l’image du parti paysan conservateur PSL qui détient 32 sièges.

Par ailleurs, le président Andrzej Duda, allié du parti populiste Droit et Justice, a déjà menacé d’opposer son veto à tout changement sur l’avortement, comme il l’a fait le mois dernier sur la contraception d’urgence. Le gouvernement a annoncé qu’il contournerait ce veto en autorisant les pharmaciens à prescrire eux-mêmes la pilule du lendemain. Mais la coalition au pouvoir risque de devoir attendre l’élection présidentielle de l’année prochaine, dans l’espoir de remplacer Andrzej Duda par un libéral, car elle ne dispose pas de la majorité des trois cinquièmes requise pour passer. au-delà d’un veto présidentiel.

Selon un sondage de l’institut Ipsos publié jeudi, 35 % des Polonais soutiennent le droit à l’avortement jusqu’à la 12e semaine de grossesse. Un rétablissement de ce droit en cas de malformation fœtale, aboli par le gouvernement nationaliste, est souhaité par 21 % des personnes interrogées, alors que, pour 14 % d’entre elles, l’état actuel de la législation est satisfaisant. 23% des Polonais souhaitent un référendum national sur la question.