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Plainte du Ministère de l’Intérieur contre un enseignant syndicaliste : une dérive inquiétante

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Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a porté plainte contre un syndicaliste du sud de Brest pour un article publié dans un journal syndical départemental à faible audience. Olivier Cuzon, syndicaliste Sud et professeur de physique-chimie dans un lycée de Brest, a été entendu vendredi 19 avril dans le cadre d’une plainte pour « diffamation et injure publique envers la Police et la Gendarmerie ». Lui-même s’étonne de l’honneur accordé à un article publié dans un journal qu’il qualifie de « sans prétention ». Cette plainte intervient dans un contexte inquiétant de pressions et de répression portant atteinte aux libertés fondamentales d’opinion et d’expression.

En cause, un article contre l’éducation à la citoyenneté par la police

L’article d’Olivier Cuzon incriminait « défense de classe, défense de classe ! » » concerne le dispositif de « classes de sécurité globale défense » créé à la suite des attentats de 2015 pour renforcer les liens entre défense et Education nationale autour des « valeurs de la République ». Ce dispositif interministériel compte près de classes de collèges et lycées, soit 12 000 élèves, et a pour triple objectif de « contribuer à la cohésion nationale, promouvoir l’esprit de défense et garantir l’attractivité des métiers et des armées « . «  Une classe de défense est un projet pédagogique, interdisciplinaire et pluriannuel, réalisé à l’initiative d’une équipe pédagogique et en partenariat avec une unité militaire sponsor dans le cadre de l’enseignement de la défense. »

Le passage relatif à la plainte pour diffamation publique contre la gendarmerie et la police nationale contre Olivier Cuzon évoque des réserves sur la légitimité de la police à éduquer les citoyens. La question est de savoir si la position exprimée mérite d’être censurée : « quand on connaît la culture de droite, misogyne et homophobe sous trop de chapeaux. Les enquêtes de Médiapart révélant l’existence de petits groupes nazis dans certaines casernes, les groupes de discussion racistes des policiers et gendarmes, ou encore la participation récente de militaires en civil à la répression des dernières émeutes en banlieue ne plaident pas en faveur du républicanisme des soldats . »

Une critique unanime des syndicats contre une vision militariste de l’éducation

Olivier Cuzon souligne « la forme de militarisation » de la jeunesse que semble prôner le ministère. Cette dérive actuelle et cette vision militariste de l’éducation sont rejetées par tous les syndicats enseignants. Le SNES-FSU » s’alarme de l’entrisme toujours croissant du ministère des Armées dans les établissements scolaires » avec des cours de défense.

Le SNU en est une autre illustration, que dénonce le syndicat Sud, comme le SNES-FSU :  » Le SNES-FSU, avec le FSU, continue de réclamer la suppression du SNU. Plus généralement, il s’inquiète de voir l’institution promouvoir, sous couvert d’innovation, une forme de militarisation des écoles, et présenter le modèle militaire comme le salut de l’éducation nationale dans son ensemble. »

Pour le Sgen-CFDT, également  » pas d’accord avec le projet SNU sur le temps scolaire « ,  » sSi les objectifs affichés paraissent louables, d’autres politiques éducatives et de jeunesse permettraient de les atteindre plus efficacement. « .

Les syndicats sont unanimes pour rappeler « le besoin d’école, pas de SNU » et remettent en cause le projet éducatif du gouvernement.

L’article d’Olivier Cuzon remet en cause la légitimité de la gendarmerie ou de la police à dispenser une éducation à la citoyenneté. Dès 2015, ce partenariat Éducation-Défense était remis en cause par les syndicats, le SNES-FSU l’avait qualifié de « Liaisons dangereuses » et a dénoncé les abus. Cette prise de position, de la part d’un syndicaliste enseignant, n’est donc pas surprenante, tant la divergence de vision sur la jeunesse est connue : l’approche éducative ne relève-t-elle pas davantage d’une approche pédagogique, dont les enseignants ont l’expertise, et non de forces de l’ordre ?

Le syndicat a rappelé que « leLes professeurs d’histoire-géographie sont convaincus de l’utilité sociale de leur discipline, à savoir former des citoyens critiques et leur permettre de discerner les discours d’endoctrinement. » Les « valeurs de la République » ne pourraient-elles pas ou ne devraient-elles pas être enseignées par les enseignants, et vécues par les élèves dans une École plus égalitaire, libre et fraternelle ?

Une atteinte à la liberté de la presse : vers une dérive autoritaire ?

Olivier Cuzon évoque un « entrave à la liberté d’expression  » Et un  » forme d’intimidation « . Il s’étonne également que cette plainte émane du ministre en personne et non de son représentant dans le département, à savoir le Préfet. Malgré ce qu’elle considère comme des pressions, la centrale syndicale a choisi de laisser l’article en ligne et de ne pas le supprimer. Il sera lu par une intersyndicale lors de la manifestation du 1ereuh Mai et diffusé au niveau national par le syndicat Sud.

Le syndicaliste répète que les faits de petits groupes qu’il évoque dans son article sont avérés et qu’ils ont été documentés. Il regrette le choix de « s’en prendre à un militant syndical plutôt que de nettoyer son ministère « . Pour lui, ce serait  » la meilleure défense policière « .

Pour lui,  » Cette plainte pour diffamation est une arme pour censurer l’expression syndicale, pour dissuader et produire l’autocensure. Les différends politiques ne peuvent être résolus par des litiges et des plaintes pour diffamation « . Dans son communiqué du lundi 22 avril 2024, le syndicat Sud dénonce le «  entreprise de criminalisation du mouvement social et syndical, atteintes aux libertés publiques et entraves au droit syndical» et demande le retrait de la plainte du ministère de l’Intérieur qui « porte atteinte à la liberté d’expression et à la prose engagée d’une organisation syndicale, qui sont les fondements de notre démocratie. »

Le débat public et la vie démocratique vont de pair avec le pluralisme d’opinions et d’expression et avec la liberté de la presse. Une dérive autoritaire ne serait-elle pas la traduction du mot « autorité » évoqué ces derniers temps à propos de l’École ?

Djéhanne Gani

Cammile Bussière

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