Michel de Robert est né en région parisienne, d’une mère journaliste qui a consacré toute sa vie à son métier, « c’est une femme très libre, donc on se retrouve très souvent seule« . Michel a un frère, Patrice, avec qui il vivra quelques années de liberté au grand air.
« Personne ne vient nous chercher »
L’histoire commence en 1949, et Michel a alors quatre ans. Sa mère l’a déposé, avec son frère aîné, dans un foyer pour enfants à Châtelaillon pour les vacances. Mais à la fin du séjour, personne ne vient chercher les deux enfants. Le couple qui gère la pension les accueille »,ils se disent : bon on va les garder, sûrement quelqu’un viendra les chercher« , « mais le temps passe, huit jours, dix jours, quinze jours, un mois, deux, trois mois : nous sommes toujours là« Personne n’a pu contacter la mère et le séjour des deux garçons s’est éternisé.
Jusqu’au jour où Patrice découvre le corps de l’homme qui dirigeait la pension. »il trouve le monsieur pendu« , « il est paniqué, il tire une table et avec une trancheuse, il essaie de couper la corde, mais le poids de cet homme le fait tomber« , « sur le sol il y a une mare de sang« , « dès qu’il voit cette mare de sang, il se dit : mon Dieu, qu’ai-je fait ?« . Effrayé, Patrice s’enfuit, et emmène son frère avec lui »,nous nous cachons dans un bois« , « c’est un bois inextricable, toutes les branches sont au sol, les arbres sont emmêlés« .
« Le bois deviendra notre maison »
Très vite, Patrice et Michel se sont adaptés à ce nouvel environnement, « nous n’aurons tout de suite plus peur, nous nous sentirons comme dans les bois, nous connaîtrons tout l’environnement qui nous entoure« , « le bois deviendra notre maison« , « et puis on va très vite chaparder« , « puis, on trouve la casse automobile, ça devient une mine d’or : Patrice y va la nuit, il m’apporte de l’acier, des morceaux de fer, des fils de cuivre, des pièces métalliques, les tissus des sièges« Les deux garçons apprennent à se nourrir eux-mêmes, en chassant et en cueillant eux-mêmes ce dont ils ont besoin. »nous mangions surtout des escargots, des limaces et même pas mal de plantes« , « nous avons fabriqué une fronde pour tuer les lapins« . Dans les campagnes environnantes, ils obtiennent également quelques provisions »,on a volé un chou, une pomme de terre, des carottes, des poules, des œufs« .
Au gré de leurs rencontres, les deux frères quittent parfois leurs bois. Dans un port, ils rencontrent un ostréiculteur qui décide de les aider. »il comprend tout de suite que nous sommes des enfants, sans rien, perdus« , « on fait des petits boulots, et pour ces petits boulots, il nous donne une miche de pain, un morceau de viande, des fruits« , « on sent quelqu’un qui nous aime, et c’est extraordinaire« Mais l’aventure se termine lorsque la grand-mère des deux garçons en entend parler. »deux gamins en haillons, cheveux longs et sales, non loin des Boucholeurs« . Sept ans plus tard, la mère vient chercher ses enfants. Par la suite, elle décide de les placer chez un tuteur puis en internat.
Depuis, Michel a perdu son frère Patrice, qui n’a jamais réussi à accepter le retour à la vie normale, « Patrice trouvait que la société était dure et rude par rapport au bonheur et à la légèreté de l’enfance que l’on avait connue.« , « il m’a dit, je ne veux pas vivre, on a trop souffert, c’était trop dur« , « mon frère s’est suicidé en 1993« .
- Reporting : Clawdia Prolongeau
- La concrétisation : Éric Lancien
Merci à Michel De Robert, Audrey Le Pennec et Diane Dos Santos.
Fin de la musique – DehorsAlain Bashung
Le film Frères d’Olivier Casas, avec Mathieu Kassovitz et Yvan Attal, en salles le 24 avril 2024, raconte l’histoire de Michel et Patrice.
