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« Ce n’est pas forcément la meilleure des idées du monde », selon un économiste

La question de la taxation des super profits et des rachats d’actions se pose dans la majorité. Pascal Saint-Amans, économiste et spécialiste des questions fiscales, appelle à « rééquilibrer la fiscalité du travail, qui devrait diminuer, et la fiscalité du capital, qui devrait augmenter ».

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Pascal Saint-Amans, le 25 avril 2024. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Avec un déficit public qui se creuse, l’exécutif s’accroche au verdict des agences de notation. Fitch et Moody’s l’annonceront le vendredi 26 avril qu’ils abaissent ou non la note de la dette souveraine de la France. La France peut échapper à la détérioration, selon Pascal Saint-Amans, économiste, professeur à HEC, spécialiste des questions fiscales, qui a longtemps travaillé à l’OCDE. Même s’il n’en est pas sûr, « il faut espérer qu’il n’y ait pas de dégradation car il y a des conséquences qui ne sont bonnes ni pour la France, ni pour le reste du monde »explique-t-il jeudi 25 avril.

Le gouvernement réfléchit à plusieurs pistes ; la question de la taxation des superprofits gagne du terrain parmi la majorité. « Ce n’est pas forcément la meilleure idée du monde », selon Pascal Saint-Amans. L’exécutif envisage également de taxer les rachats d’actions. Pour l’économiste, nous avons « une vraie question, celle du rééquilibrage de la fiscalité du travail qui devrait diminuer et de la fiscalité du capital qui devrait être augmentée. Taxer les rachats d’actions, taxer les dividendes ».

franceinfo : En 2024, il y aura deux vagues d’annonces d’économies, deux fois 10 milliards, sans correction budgétaire. Regrettez-vous cette politique de rognage ?

Pascal Saint-Amans : Je pense que le déficit est en train de disparaître. Nous ne sommes plus dans le Covid, nous ne sommes plus dans une explosion des prix du pétrole, qui pourrait revenir compte tenu de la situation au Moyen-Orient et donc économiser sur les dépenses est sans doute une nécessité. Cela devrait-il également être compensé par des augmentations d’impôts ? Compte tenu du niveau de fiscalité en France, ce n’est pas facile. En France, nous sommes les champions mondiaux de la fiscalité. De plus, nous avons le taux d’impôts obligatoires sur le produit intérieur brut le plus élevé au monde et nous sommes toujours pleins d’idées pour augmenter les impôts ici ou là.

« Nous avons une pression fiscale très élevée. Maintenant, cela pourrait être mieux réparti, cela pourrait peut-être être plus juste. Voilà donc les débats que nous pouvons avoir.

Pascal Saint Amans

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Le gouvernement veut aussi s’attaquer à ce que Gabriel Attal a appelé les loyers, à hauteur de 2,5 milliards pour cette année. Qu’est-ce qu’une rente, selon vous ?

Donc une rente, pour les économistes, c’est quand on a un retour sur capital, un retour sur investissement, des profits qui sont anormaux. Par exemple, si vous avez un monopole, comme au temps des monopoles au XIXème siècle, dans la métallurgie, ou aujourd’hui avec Google et d’autres qui peuvent ressembler plus ou moins à des monopoles, vous pouvez facturer, vous pouvez facturer beaucoup plus cher pour votre clients et donc vous avez des retours sur investissement ahurissants. Et c’est ce que nous appelons une rente. Quand les prix du pétrole s’envolent, les sociétés énergétiques ont ce qu’on pourrait appeler des revenus, c’est-à-dire des super profits, des retours sur investissement très élevés.

L’impôt sur les bénéfices des producteurs d’énergie, en 2023, n’a rapporté que 300 millions d’euros.

Donc, je vous ai dit ce qu’était une rente, mais je ne vous ai pas dit si les rentes devaient être imposées ou non. Et en fait, cela semble évident. Si les gens obtiennent un rendement de monopole, ils obtiennent un rendement extraordinaire. Nous pouvons prendre une partie de ces bénéfices sans que cela réduise les investissements de ces personnes. Dans les économies, il faut imposer les revenus, mais il est préférable d’imposer les rentes plutôt que les revenus sur des rendements normaux, car sur des rendements normaux, on empêche les gens d’investir.

Il faut donc taxer les loyers, les super profits.

Les rentes doivent être taxées quand on sait bien les définir. Quand vous avez une guerre, quand vous avez Covid, vous pouvez identifier ce qu’est une rente, quand vous avez juste des événements normaux ou des entreprises qui fonctionnent bien, qui sont tout simplement très bonnes. Devons-nous prendre ce que nous considérons comme anormal ? Les rentes peuvent être identifiées dans des situations exceptionnelles, mais elles sont difficiles à identifier dans des circonstances normales. Même lorsque le prix du pétrole s’envole, on constate qu’il n’est pas du tout facile pour les sociétés énergétiques de récupérer leurs revenus.

Sommes-nous revenus à la normale ?

Nous sommes en quelque sorte revenus à une situation normale où la taxe est mal conçue et provoque des comportements d’évitement. Et finalement, cette taxe sur les superprofits ne fonctionne pas très bien. C’est pour cela que Bercy, quand le Premier ministre a dit qu’on pouvait le faire, a dit oui. Mais ce n’est pas forcément la meilleure idée du monde.

L’une des options évoquées par le gouvernement est celle de taxer les rachats d’actions. Est-ce que c’est une bonne idée ?

Il faut donc replacer cela dans le contexte des 30 ou 40 dernières années, où le capital est moins imposé que le travail. Ainsi, si vous gagnez des dividendes plutôt qu’un salaire, vous serez moins imposé. Si vous avez des rachats d’actions, vous serez moins imposé que si vous bénéficiez d’un bonus en fin d’année. Et si vous êtes un grand capitaliste avec des milliards, au final, vous paierez relativement moins d’impôts que si vous êtes un salarié qui gagne bien sa vie, mais qui n’est pas milliardaire.

« Nous avons une vraie question, celle du rééquilibrage de la fiscalité du travail qui doit diminuer et de la fiscalité du capital qui doit être augmentée. Taxer les rachats d’actions, taxer les dividendes.

Pascal Saint Amans

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À quelle hauteur pensez-vous ?

Je ne sais pas. Nous entrons dans la politique, il n’y a pas de bonne fourchette. Quoi qu’il en soit, il est sans doute nécessaire de mieux taxer le capital. La semaine dernière, au G20, j’étais à Washington pour les réunions de printemps du Fonds monétaire international. Il y a eu un débat. Il y a une proposition au G20 d’instaurer un impôt minimum sur la fortune des milliardaires.

Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a plaidé pour une taxe sur les ultra-riches au niveau international. Est-ce le bon niveau ?

C’est donc le bon niveau. Parce que si on le fait au niveau national, en fait, les riches vont dans un autre pays.

« Ce que nous avons fait, j’y ai participé à l’OCDE, c’est de mettre en place un impôt minimum mondial sur les entreprises. Il est appliqué cette année.

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Nous pouvons donc parvenir à un accord. 140 pays ont accepté.

Bruno Le Maire avait mis en place une taxe sur les GAFAM en France.

C’est différent. Ils ont mis en place une taxe sur les services numériques, mais on est ici face à une taxe globale d’au moins 15 % sur les bénéfices des entreprises, alors qu’aujourd’hui, ces bénéfices sont nuls pour les particuliers. Quand vous avez Buffett qui est milliardaire et qui dit être moins imposé que sa secrétaire, il y a un petit problème. On peut peut-être aller vers cette taxation minimale des revenus et du patrimoine. C’est ce que le Brésil a mis en tête de l’agenda du G20, désormais avec le soutien de la France et de quelques autres pays qui ont aujourd’hui, dans le Gardien au Royaume-Uni, ont manifesté leur soutien.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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