Top 14 – « De mon vivant, je n’ai jamais vu un joueur aussi complet qu’Antoine Dupont » : la chronique de Xavier Garbajosa
Ancien latéral international aux 32 sélections et consultant du midi olympique, Xavier Garbajosa ne pouvait faire autrement que de se concentrer sur la prestation d’Antoine Dupont samedi soir avec le Stade toulousain. Trois essais en moins d’un quart d’heure alors qu’il effectuait son retour en Top 14, le capitaine des Bleus a crevé l’écran. Décryptage.
Comment manquer l’événement du week-end ? Le retour à la compétition d’Antoine Dupont était attendu. Scruté. Espionné. Logiquement, il est notre meilleur vendeur, notre meilleur ambassadeur.
Le Stade toulousain enchaîne deux défaites consécutives, ce qui n’arrive pas souvent. Une réaction était attendue. Le retour d’Antoine tombait donc à point nommé. Beaucoup de gens se posaient cependant des questions. Quel serait son état physique ? Ne fait-il pas trop de choses en dehors du rugby ? Pourquoi n’a-t-il pas joué en Top 14 depuis six mois ? J’ai même lu dans la presse que certains s’inquiétaient de savoir si Dupont avait encore la tête du rugby. Bon… L’avantage c’est qu’il n’a pas besoin de parler pour répondre, il lui suffit de jouer au rugby. C’est ce qu’il a fait sur la pelouse du stade Ernest Wallon, samedi soir. Si certains en doutaient, le rugby passe avant tout. Sa passion pour ce sport est intacte. Alors oui, ses performances lui offrent d’autres opportunités dont il profite avec plaisir. Et ce serait idiot de ne pas le faire. Sauf que ces occasions ne prennent jamais le dessus sur le jeu. Et puis l’avantage, c’est qu’il revient avec le sourire, l’appétit et l’envie de performer.
Avant d’évoquer l’entrée en jeu d’Antoine Dupont autour du 45e minute du match contre Clermont, force est de constater que Toulouse avait déjà fait un gros travail de sape. Vingt points d’avance à la pause, ce n’est pas rien. Le travail était (presque) terminé. Toujours. Lorsque « Toto » est entré en jeu, au-delà de ses qualités, de son insolence, de son envie de rejouer, il a apporté de la confiance à ses partenaires. On l’a vu dans les visages, dans les attitudes. Comme si les gars à côté de lui s’amélioraient simplement grâce à sa présence sur le terrain.
Au lieu d’yeux, il a un radar
Dès notre entrée dans le jeu, tout s’est accéléré. Dupont est un accélérateur de particules. Un exemple ? A l’origine de son premier essai, il y a un ballon porté qui biaise vers la ligne de touche. Antoine a alors l’intelligence et l’expérience pour sortir le ballon plutôt que de poursuivre l’affrontement. Il trouve Théo Ntamack qui gagne la ligne d’avantage et en collant le ballon tout en prenant l’information, il voit que les défenseurs clermontois partent vite vers l’extérieur, ce qui lui permet de prendre l’intérieur. Il s’agit d’intelligence situationnelle. Au lieu d’yeux, il dispose d’un radar qui lui permet d’avoir une longueur d’avance. A la sortie du maul, il a les mains sur le ballon mais déjà la tête haute. Comme s’il conduisait un bus. Sa capacité d’exécution, car Dupont est aussi une boule de puissance, lui permet de faire le reste.
Ses deux dernières tentatives illustrent aussi des efforts physiques que le spectateur moyen ne voit pas forcément. Dès qu’il y a une initiative d’un de ses partenaires, elle se projette en avant. Il anticipe. Parfois ça ne marche pas ce qui l’oblige à remettre les gaz pour coller au ballon. Mais quand ça marche, c’est une longueur d’avance sur les autres. Au deuxième essai, il se projette très vite dans le camp adverse. Comme s’il avait anticipé la traversée d’Ahki, puis de Capuozzo. En fait, il a peu de mouvements à faible intensité. Sur les efforts sans ballon, il est impressionnant. Vraiment. Regardez à nouveau sa dernière tentative. Certes, il a sans doute une fraîcheur que n’ont plus les joueurs qui ont débuté le match, mais quand même. Capuozzo perce et relève la tête. Dupont lève la main. L’international italien frappe loin devant. Et là, wow… Je l’avoue : de mon vivant, je n’ai jamais vu un joueur aussi complet que lui.