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Sur la ligne de front, l’Ukraine plie mais ne rompt pas

Comme dans un western, il faut tenir le fort en attendant la cavalerie, en l’occurrence l’approvisionnement en munitions américaines. Alors que Joe Biden a promulgué, ce mercredi, une aide de 61 milliards de dollars, dont un quart sous forme de munitions qui parviendront à l’Ukraine dans les prochains jours, les Ukrainiens perdent chaque jour du terrain.

La faute à un rapport de tir, Rapfeu comme disent les militaires, désastreux : les Russes tirent 6 à 7 obus en moyenne à chaque fois que les Ukrainiens en tirent 1.

Supériorité en hommes et en canons

Les soldats ukrainiens plaisantent en disant que lorsqu’une position ennemie est la cible d’une volée d’obus, il s’agit probablement d’une erreur de son propre bataillon d’artillerie ; s’il s’agissait d’un tir ukrainien, ce ne serait qu’un obus dans l’après-midi.

Mais si l’on prend en compte le choix plus pertinent des cibles et la précision des canons, plus grande du côté de Kiev grâce au soutien occidental, le ratio de tir effectif tombe à seulement 3/1 « sinon nous nous serions effondrés depuis longtemps ». , souligne un officier du renseignement. Dans un café de Kiev, il reste imperturbable, comme tous les clients, devant la sonnerie d’alerte aux lancements de missiles sur les smartphones (tout le monde vérifie encore discrètement la trajectoire et le type de missile annoncé).

L’armée russe : effet de masse et apprentissage

Moscou ne peut pas remplacer, selon l’officier des renseignements ukrainiens, ses navires – un tiers de sa flotte en mer Noire est hors de combat -, ses chars dont la moitié sont perdus, ni ses radars et systèmes d’artillerie. En revanche, l’armée russe dispose d’une supériorité numérique incontestable, reconnaît-il, en avions, dont des centaines de Sukhoi 34, en canons et en soldats. La Russie est quatre fois plus peuplée que l’Ukraine et se mobilise activement. Des salaires de 2 000 dollars par mois et des primes familiales en cas de décès au front facilitent le recrutement dans une armée russe où les soldats lancés à l’attaque ne font que reculer au risque d’être arrêtés, ou pire encore, par leur police militaire.

L’armée russe semble également avoir tiré les leçons de ses erreurs initiales et tombe moins souvent dans des embuscades. « Les officiers russes qui ne se sont pas adaptés sont morts », constate l’homme du renseignement. La nouvelle stratégie de Moscou consistant à bombarder les centres de production d’électricité et les réseaux de distribution difficiles à réparer s’avère intelligente. Et ses bombes planantes, larguées jusqu’à 70 km de leur cible, sèment la terreur depuis deux mois.

En revanche, faute de munitions, la DCA ukrainienne ne parvient à intercepter que la moitié des drones et missiles russes tirés, contre 85 % encore à l’automne. Kharkiv, Odessa et Zaporizhia vivent dans une anxiété quotidienne. De ce point de vue, les discussions en cours entre pays européens pour la fourniture de sept batteries Patriot supplémentaires, sous l’impulsion du chancelier Olaf Scholz, sont cruciales.

Pas de luxation du front en perspective

Or, « il y a deux ans nous avons tenu bon alors même que nous étions face à l’armée réputée être la deuxième au monde et que nous n’avions reçu comme équipement que des missiles antichar ou anti-hélicoptère Javelin et Stringer et des drones turcs, désormais nos équipements « C’est bien mieux, en chars, en missiles, en canons et nous aurons bientôt des F16 », souligne Igor Zouvkha, conseiller du président Volodymyr Zelensky.

Et aucun expert ukrainien ou occidental rencontré ne s’attend à une dislocation du système de défense ukrainien dans les mois à venir, même si tous prévoient de nouvelles pertes de positions importantes d’ici juillet. A 6 000 km de là, la CIA juge plausible une défaite ukrainienne d’ici la fin de l’année, mais il s’agit peut-être d’une dramatisation pour motiver les élus du Congrès…

La clé, selon une nouvelle loi adoptée récemment, sera la mobilisation de nouveaux soldats ukrainiens, reconnaissent-ils, car bon nombre des plus aguerris sont hors combat. L’âge moyen des soldats déployés augmente également de façon spectaculaire, au-dessus de 42 ans. Certains soldats ont jusqu’à 63 ans. Kiev a décidé ce mercredi de suspendre les services consulaires pour les Ukrainiens en âge de combattre ayant fui à l’étranger. Or, envoyer des recrues au front sans formation serait un suicide et le pouvoir doit tenir compte des appréhensions de la population. Il faut également organiser des rotations pour les unités dont certaines n’ont pas été relevées depuis un an.

Surtout, si les jeunes hésitent à s’impliquer, c’est parce qu’ils savent que, faute de munitions, ils risquent d’être massacrés. De ce point de vue, l’arrivée de munitions américaines dans les mois à venir pourrait initier une dynamique de recrutement providentielle.

Les offensives deviennent impossibles

Les offensives, des deux côtés, sont devenues extrêmement coûteuses car les drones d’observation ont révolutionné l’art de la guerre. « Le champ de bataille est complètement transparent. On ne peut plus déplacer une chenille sur le champ de bataille sans être repéré et si une patrouille de trois soldats ne se fait pas bombarder c’est généralement parce que de l’autre côté on considère qu’elle ne « vaut » pas un obus. A quatre heures, le calcul change et s’avère mortel», explique un diplomate. Les mines et les tranchées rendent toute percée délicate.

C’est pourquoi la reconquête des territoires perdus, qui reste un objectif politique incontestable, sera très difficile avant 2026, reconnaissent les experts. Sous-entendu, peut-être même impossible. Cependant. Oleksandr Bogomolov, directeur de l’Institut national d’études stratégiques, souligne : « nous avons remarqué que lorsque le Rapfire dépasse 1, grâce à notre meilleure qualité tactique et au fait que nous nous battons pour notre pays, nous commençons à reprendre des forces. terrain ». Et quand Igor Zhouvka est interrogé sur les analystes français unanimes sur l’impossibilité d’une contre-attaque, même dans un an, il grince : « Je suppose que ce sont les mêmes qui ont prédit le 24 février 2020 que nous n’en tiendrons que trois jours… »

« Unbroken » réhabilite les mutilés

C’est une activité lamentable mais essentielle qui a pris son essor en Ukraine : la production et l’implantation de prothèses. Le nombre d’amputés n’est pas officiellement connu mais il est estimé entre 25 000 et 50 000. A cause des obus, et surtout des mines qui polluent un cinquième du territoire.

De nombreux mutilés sont soignés dans un centre de rééducation, doté de 1 200 lits, de l’association « Unbroken » à Lviv, la grande ville ukrainienne la plus éloignée de la ligne de front. Le maire, Andreï Sadory, salue l’aide internationale, notamment d’une douzaine de villes polonaises, trois allemandes, trois britanniques, une japonaise, une américaine et une seule française, Cannes.

L’Ukraine est l’un des pays qui compte le plus grand nombre de spécialistes au monde dans l’implantation de prothèses et l’adaptation ultérieure des blessés, estime Oleg Belianskiy, directeur du centre. Les classiques coûtent 3 000 euros. Les bioniques, équipées de capteurs électroniques permettant des mouvements et des sensations plus sophistiquées, valent 30 000 euros… mais 8 000 lorsqu’elles sont produites localement, notamment par la start-up Esper bionic. Les prothèses ostéo-interactives, implantées à demeure dans l’os, restituent plus ou moins la sensation du toucher. Dans la salle d’entraînement équipée de tapis roulants ou d’escaliers, certains disent vouloir retourner au front pour tuer des soldats russes même s’il ne leur reste plus qu’un bras. D’autres avouent qu’ils n’ont plus la force de planifier le lendemain…

Cammile Bussière

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