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L’UE adopte le pacte migratoire mais les pays veulent aller au-delà

Des migrants rassemblés devant le centre d'accueil de Lampedusa, le 14 septembre 2023 en Italie
Des migrants rassemblés devant le centre d’accueil de Lampedusa, le 14 septembre 2023 en Italie (Alessandro Serranò / AFP)

Les pays de l’UE ont donné mardi leur feu vert définitif au pacte sur la migration et l’asile, une vaste réforme qui renforce le contrôle de l’immigration en Europe, mais certains d’entre eux en réclament déjà davantage. loin.

Moins d’un mois avant les élections européennes pour lesquelles les sondages prédisent une montée des partis anti-immigration, cet ensemble d’une dizaine de textes législatifs, âprement négociés depuis des années, a été formellement adopté par le Conseil de l’UE (représentant les États membres). Le Parlement a donné son approbation en avril.

La Hongrie et la Pologne ont voté contre tous les textes, qui ont été adoptés à la majorité qualifiée (55% des Etats membres représentant au moins 65% de la population de l’UE). L’Autriche et la Slovaquie ont voté contre certaines.

La réforme instaure une procédure de « contrôle » des migrants aux frontières de l’UE afin de les identifier et de distinguer plus rapidement ceux qui ont une chance d’obtenir l’asile de ceux qui sont susceptibles d’être renvoyés dans leur pays d’origine. origine. Il établit également un mécanisme de solidarité entre les 27 pays prenant en charge les demandeurs d’asile.

Ce pacte s’appuie sur une proposition de la Commission présentée en septembre 2020, après l’échec d’une précédente tentative de réforme lors de la crise des réfugiés de 2015-2016.

Parallèlement à cette réforme, qui ne s’appliquera qu’en 2026, l’UE multiplie les accords controversés avec les pays d’origine et de transit des exilés (Tunisie, Mauritanie, Egypte) pour tenter de réduire le nombre d’arrivés à ses frontières.

L’UE, qui accueille également plus de 4 millions de réfugiés ukrainiens, est confrontée à une augmentation des demandes d’asile, qui ont atteint 1,14 million en 2023, leur plus haut niveau depuis 2016, selon l’Agence européenne pour l’asile. Les entrées « irrégulières » dans l’UE sont également en augmentation, pour atteindre 380 000 en 2023, selon Frontex.

Une « procédure aux frontières » est prévue pour ceux qui ont statistiquement les moins de chances d’obtenir l’asile : ils seront retenus dans des centres le temps de l’examen de leur dossier, pendant six mois maximum. Les autres demandeurs d’asile suivront la procédure standard.

Les organisations de défense des droits de l’Homme, ainsi que les élus de gauche et écologistes, n’ont cessé de dénoncer ce pacte, critiquant la possibilité de détention des familles avec enfants et une « criminalisation » des exilés. A l’inverse, l’extrême droite a dénoncé la « faiblesse » de la réforme.

« Beaucoup de questions »

La règle actuelle selon laquelle le premier pays d’entrée d’un migrant dans l’UE est responsable de sa demande d’asile est maintenue avec quelques ajustements. Mais pour aider les pays où arrivent de nombreux exilés, comme l’Italie, la Grèce ou l’Espagne, un système de solidarité obligatoire est organisé.

Les autres Etats membres doivent accueillir un certain nombre de demandeurs d’asile ou apporter une contribution – financière ou matérielle – au profit du pays soumis à la pression migratoire.

L’accord sera contraignant pour tous les pays de l’UE, sous peine de procédures d’infraction. Mais les détails de la mise en œuvre pratique de cette réforme complexe doivent encore être clarifiés.

Et les États membres ont déjà signalé leur volonté d’aller plus loin dans l’externalisation de la gestion des migrations.

L’Italie a récemment conclu un accord avec l’Albanie pour envoyer les migrants secourus dans les eaux italiennes vers ce pays candidat à l’UE, afin que leurs demandes d’asile puissent y être traitées.

Un groupe de pays, mené par le Danemark et la République tchèque, s’apprête à envoyer une lettre dans laquelle ils plaident en faveur du transfert des migrants hors de l’UE. Ces nouvelles propositions, dont la version définitive n’a pas été dévoilée, sont destinées à la prochaine Commission, qui prendra ses fonctions après les européennes.

Cela « soulève beaucoup de questions sur le type de modèle possible. Notamment parce qu’il devra s’aligner sur les textes européens », souligne Camille Le Coz, directrice associée au think tank Migration Policy Institute Europe.

Le droit européen prévoit qu’un immigrant arrivant dans l’UE peut être envoyé vers un pays extérieur au bloc où il aurait pu demander l’asile, à condition d’avoir un lien suffisant avec ce pays tiers. Ce qui exclut à ce stade un modèle de type Royaume-Uni/Rwanda.

« Ce qu’il faudra clarifier, ce sont d’une part les modalités » de ces propositions d’externalisation, poursuit l’expert. « Et d’autre part avec qui travaillent les autorités européennes, avec quels Etats tiers », souligne-t-elle, notant également que le caractère dissuasif de telles solutions sur l’immigration n’a jusqu’à présent pas été démontré.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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