Le général Roberto Vannacci, « le prix de guerre » de la Ligue
Sa notoriété auprès du grand public est une réalité en Italie. Roberto Vannacci a publié seul Le monde à contrario (Le Monde à l’envers) à l’été 2023. Le général de 55 ans a distillé des thèses xénophobes, racistes, homophobes mais aussi ses idées autoritaires pour pouvoir redonner, héritier de Jules César comme il lui plaît de rappeler à l’Italie son ancienne grandeur.
A la sortie du livre, Roberto Vannacci, issu de la prestigieuse ligue des parachutistes, a été déchu de son titre de commandant de l’Institut géographique militaire. Il n’en reste pas moins que si la droite est divisée à son sujet, Matteo Salvini, vice-président du conseil et leader de la Ligue, l’un des partis d’extrême droite italiens, n’hésitera pas à le choisir pour conduire la liste de ses partis. les Européens.
« Cette candidature sera un test très important »
« Un prix de guerre pour des forces armées historiquement assez proches de l’extrême droite » dans les Alpes, selon Stéphanie Dechezelles, auteure d’une thèse sur la Ligue. Le sociologue et professeur à l’Université de Pau et des Pays d’Adour poursuit : « avec Roberto Vannacci, la Ligue se rachète d’une posture de droite radicale, qui est son fonds de commerce, tout en essayant de ravir les voix des Fratelli d’Italie. »
Il est vrai que Giorgia Meloni, à la tête du parti postfasciste Fratelli d’Italia, a dû modérer certaines de ses positions depuis son entrée en fonction en 2022. Le Premier ministre a notamment policier son discours sur l’immigration, ce qui irrite sa branche la plus extrême.
«Une partie du gouvernement a certes condamné les propos de Roberto Vannacci, mais cela correspond à des jeux internes au sein de la coalition gouvernementale. La Ligue voulant se positionner plus à droite que Giorgia Meloni, cette candidature sera un test très important », commente 20 minutes Marc Lazar, professeur des universités d’histoire et de sociologie politique, co-directeur du groupe de recherche multidisciplinaire sur l’Italie contemporaine (Grepic) à Sciences po.
« Le général incarne les valeurs de l’armée »
« Son livre a beaucoup retenu l’attention car il est excessif. Cela permet à la Ligue de renouer avec ses racines, le côté tribun et démagogue qu’elle a connu depuis sa création avec Umberto Bossi dans les années 1980-1990. Mais cette continuité ne garantit pas une amélioration au niveau électoral », poursuit Marc Lazar. Cela reviendrait en réalité à compter sans les enquêtes ouvertes contre ceux qui cultivent le franc-parler. Roberto Vannacci est ainsi poursuivi, entre autres, pour « incitation à la haine raciale » et « diffamation » au détriment de la volleyeuse noire Paola Enogu.
Autant de problèmes qui pourraient fragiliser la tête de liste, même s’il existe, en Italie, « une facilité à exprimer le racisme », soutient Stéphanie Dechezelles. « Et pour ceux qui prétendent suivre une logique d’ordre et pensent que l’Italie n’est plus ce qu’elle était, le général est parfait car il incarne les valeurs de l’armée et a participé à des conflits compliqués (Rwanda, Afghanistan, Irak, etc.) », ajoute notre expert.
« Restaurer l’image de Matteo Salvini »
Un chiffre rassurant qui laisse entendre sans complexe qu’elle a des solutions pour le pays, notamment en matière d’immigration. Problème, selon Stéphanie Dechezelles : « L’Italie est un pays très vieillissant avec un faible taux de natalité et un nombre moyen d’enfants par femme en âge de procréer parmi les plus bas au monde, ce qui crée de vraies tensions en termes de main d’œuvre. »
Découvrez le parti italien Fratelli d’Italia
« Avec ces élections européennes, l’enjeu pour Matteo Salvini est de redorer son image et de s’affirmer comme leader de la droite italienne forte », estime le sociologue. Si présenter cet homme fort providentiel visé par la justice peut paraître risqué pour le parti de la Ligue, l’auteur juge que Matteo Salvini sait très bien ce qu’il fait : « si les élections sont perdues, ce ne serait pas dramatique pour la Ligue car c’est un vote qui est considéré comme « de second rang ». Ce sont les élections nationales qui comptent vraiment. » Et même en cas de défaite, la popularité de Roberto Vannacci pourrait, selon elle, continuer à croître dans la botte italienne et servir les intérêts de la Ligue.