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la Russie paye ses multiples confrontations avec les islamistes, disent les experts

Jeudi, les enquêteurs russes ont de nouveau accusé les auteurs de l’attentat, qui a fait au moins 144 morts, d’être liés à des « nationalistes ukrainiens ». Mais dans l’hebdomadaire officiel de l’EI, Naba, publié vendredi, un article sur l’attentat conseille à ceux qui sont « plongés dans les théories du complot » de « faire le plein de théories défaitistes » face à ce qui les attend, note Laurence Bindner, cofondatrice de l’EI. du projet JOS, une plateforme d’analyse de la propagande extrémiste en ligne.

Les sympathisants, dans le même temps, « ont souvent protesté avec irritation, parfois avec ironie, contre le fait que la responsabilité du groupe était mise en cause » dans l’attentat, ajoute l’expert. Les services de sécurité russes ont également indiqué que trois « ressortissants d’un pays d’Asie centrale » qui préparaient un attentat à la bombe dans le sud-ouest de la Russie avaient été arrêtés vendredi.

Que l’EI ait frappé la Russie n’a rien de surprenant : le pays constitue « une cible évidente pour des raisons historiques et contemporaines », souligne Jérôme Drevon, expert du jihad pour l’organisation de résolution des conflits Crisis Group. «L’invasion de l’Afghanistan par l’Union soviétique en 1979 et la décennie d’occupation qui a suivi suscitent encore la fureur de nombreux jihadistes.»

Moscou a ensuite rejoint le régime de Bachar al-Assad dans la guerre civile syrienne contre les groupes jihadistes. Et en Afrique, des mercenaires russes collaborent avec les militaires au pouvoir au Mali contre Al-Qaïda et l’EI.

« Avant-garde du monde chiite »

Enfin, depuis plusieurs années, Moscou se rapproche de Téhéran, dont l’islam chiite est une abomination pour l’EI sunnite. « L’EI perçoit la Russie comme l’avant-garde du monde chiite », résume Colin Clarke, directeur de recherche au Soufan Center de New York. « Dans la liste de ceux qu’ils détestent le plus, les chiites sont au-dessus des Américains, d’Israël et des régimes dits apostats. » Le groupe a revendiqué l’attaque de janvier à Kerman, en Iran, qui a fait 89 morts.

À cela s’ajoute une relation profondément antagoniste avec les minorités musulmanes de Russie. Deux guerres en Tchétchénie en 1994 et 2000 et l’intervention russe contre une insurrection islamiste au Daghestan, dans le Caucase du Nord, ont laissé des traces.

Au-delà de cela, Frederik Kagan, chercheur à l’American Enterprise Institute, décrit « l’approche schizophrénique » de Moscou. Le Kremlin promeut un discours d’harmonie, dans un pays qui compte quelque 20 millions de musulmans, tout en tolérant des discriminations massives visant les millions de migrants précaires venus d’Asie centrale et du Caucase.

L’armée russe a recruté des immigrants issus de milieux défavorisés en Russie pour sa guerre en Ukraine, en leur offrant des salaires élevés. Son contingent comprend également des unités des républiques musulmanes du pays.

Mais le virage de Vladimir Poutine « vers une pseudo-idéologie chrétienne ultranationaliste, russifiante et orthodoxe a renforcé un mouvement anti-migrants », estime Frederik Kagan. L’analyste ouzbek Temur Umarov décrit les tensions ethniques et religieuses croissantes depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022.

« La xénophobie est devenue la norme parmi les +patriotes+, les blogueurs militaires » soutenus par un « appareil de sécurité russe particulièrement anti-migrants » et une législation de plus en plus répressive, note-t-il dans un article pour le Carnegie Endowment for International Peace.

Une cible jugée faillible

L’EI n’a pas formellement attribué l’attaque à EI-K, sa filiale afghane, suspect numéro un car elle attire une grande partie de ses militants du Caucase et d’Asie centrale. Mais quelle que soit leur allégeance, les auteurs présumés sont des Tadjiks. Les analystes consultés s’accordent sur le fait que la menace restera élevée en Russie, compte tenu de l’immense vivier d’individus susceptibles d’agir.

L’EI cible depuis longtemps les jeunes générations, souligne Andrei Serenko, expert russe de l’Afghanistan. Avant la pandémie de Covid-19, « les recruteurs de l’EI essayaient d’endoctriner les collégiens et lycéens, âgés de 15 à 16 ans, au Kazakhstan », explique-t-il.

Il décrit « un culte romantique autour des histoires jihadistes » et des propositions de formation à distance avant d’aller tuer en Russie. Le projet a échoué, mais l’intention était là. Obsédés par l’Ukraine, les services de sécurité russes représentent aujourd’hui une cible considérée comme faillible, malgré ce qu’en dit le Kremlin, préviennent de nombreux observateurs qui s’attendent à d’autres attentats.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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