Divertissement

« Je ne bois pas de sang »… « Envoyé Spécial » a suivi des enfants de djihadistes dans un centre de déradicalisation

C’est un document exceptionnel que « Envoyé Spécial » s’apprête à publier : un aperçu du centre de déradicalisation d’Orkesh, au Kurdistan syrien. Un lieu créé il y a un an et demi pour accueillir et prendre soin des fils des jihadistes de l’État islamique. Les plus jeunes ont environ douze ans, les plus âgés sont de jeunes adultes. Ici, se côtoient Syriens, Allemands, Tunisiens et même Britanniques. Une vingtaine de nationalités, au total. Et quatre Français. Adem, Youssef, Elias et Amza. Ils ont entre 18 et 21 ans. Tous les quatre sont arrivés en Syrie avec leurs parents après leur enfance et ont été plongés dans la propagande djihadiste. Aujourd’hui, tout le monde prétend en être sorti. « N’ayez pas peur de moi, je ne suis pas un vampire, je ne bois pas de sang », implore Youssef, 18 ans.

Il a fallu plusieurs mois de négociations avant que les autorités acceptent une équipe de télévision. « Ce que nous voulions, c’était du temps. Parler à ces enfants, comprendre leur histoire, leur parcours », se souvient Chris Huby, le réalisateur du documentaire. Il faut dire que certains ont un lourd passé. Parmi les quatre Français, il y a Adem, fils de Fabien Clain, « la voix des attentats du 13-Novembre ». Son père et son oncle – tués dans une frappe de drone – ont enregistré le message revendiquant la responsabilité des attaques. Tous deux occupaient un poste majeur au sein de l’organisation terroriste : chefs de propagande.

« Mon père est un terroriste. Sans mentir, je lui en veux, c’est lui qui m’a ramené en Syrie», assure le jeune homme. Devant la caméra, il raconte rêver d’avoir une petite amie, un appartement, une famille. Et d’insister : « Je suis une victime, je n’ai rien fait. Je n’ai jamais combattu, je n’ai jamais touché une arme. »

« Tu vas à la guerre, cash »

Depuis la fin de la guerre, la France prône une politique de retour au cas par cas pour les mineurs. « Il y a un vide juridique autour de ces jeunes, explique Chris Huby. Ils ont été kidnappés par leurs parents, emmenés dans une zone de guerre mais aujourd’hui ils sont adultes. Certains se sont battus mais pas tout le monde. » Les autorités reconnaissent qu’ils sont victimes des décisions de leurs parents mais craignent qu’il s’agisse de « bombes à retardement ». Bref, qu’ils feignent leur déradicalisation et commettent un attentat dans un avenir plus ou moins proche.

Amza et Youssef sont apparus dans une vidéo de propagande en 2014. Ils avaient respectivement 11 et 9 ans et se pavanant avec des kalachnikovs, présentaient Mohamed Merah comme un « héros ». Dix ans plus tard, leur discours est radicalement différent. « Il a gâché le nom de l’Islam », insiste Amza. Mais leur rôle ne se limite pas toujours à la propagande. Il a par exemple intégré dès son adolescence la célèbre brigade des « lionceaux du califat », des enfants soldats âgés de 9 à 15 ans. Il a notamment appris à manier les armes – kalachnikov, lance-roquettes, mitrailleuse – avant d’être envoyé en mission. le champ. « Vous partez à la guerre, cash », insiste-t-il. A-t-il tué des gens ? « Peut-être, mais j’aimerais dire non. »

« Les enfants sont séparés de l’influence parentale »

« Ici, la déradicalisation passe d’abord par le fait que les enfants soient séparés de l’influence parentale », précise Chris Huby. Certains sont orphelins, d’autres ont encore des proches vivant dans les camps d’Al-Hol ou d’Al-Roj. Le programme comprend des cours de langue, de mathématiques, de sport et de géographie dispensés par des bénévoles d’ONG. Mais pas de cours de religion. « L’autre levier, c’est la mixité de ces enfants. Certains sont très radicalisés, d’autres beaucoup moins. Ces centres sont encore expérimentaux, les premiers datent de 2018, mais rien n’est fait au hasard. Dans les chambres, si on met trois gamins modérés avec un plus radicalisé, petit à petit ce dernier va s’ouvrir, se désengager idéologiquement. Ce n’est pas du jour au lendemain mais j’ai pu le voir. »

Tout le monde rêve d’un avenir en France, d’un rapatriement qui n’arrive pas. Bien que ce centre ne soit pas une prison à proprement parler, les résidents sont soumis à des règles très strictes et ne savent pas quand ils reviendront. Les conditions sont plus que spartiates. Il n’y a pas de tables pour manger, pas de chaises non plus. Les jeunes partagent un bol posé au sol. Certains ont été grièvement blessés pendant la guerre et ne peuvent bénéficier de soins adaptés. Un autre, Youssef, dit avoir des pensées suicidaires. « Notre famille, ils ont fait des choses, mais nous ne sommes pas obligés d’être comme eux », insiste Amza.

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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