Guerre en Ukraine : pourquoi les experts craignent-ils une catastrophe nucléaire ?
Le ton se durcit et le danger nucléaire refait surface. Après quatre semaines d’offensive ukrainienne dans la région de Koursk, en Russie, les autorités russes laissent entendre que l’utilisation de l’arme atomique est en train d’être réécrite. « Les travaux sont à un stade avancé et il y a une intention claire d’apporter des corrections (…) liées à l’escalade (des) adversaires occidentaux (de la Russie – NDLR) »a annoncé le vice-ministre des Affaires étrangères Sergueï Ryabkov.
Depuis l’invasion russe du 24 février 2022, Moscou n’a cessé de mettre en garde l’Ukraine et l’Occident contre un certain nombre de lignes rouges concernant l’aide et les armes envoyées. À plusieurs reprises, le clan le plus dur au sein du pouvoir a mis en garde contre l’utilisation possible d’armes nucléaires.
Cette déclaration d’un ministre est-elle une simple étape ou un tournant ? « Après une certaine accalmie, le danger de son emploi revient mais révèle aussi les limites de la dissuasion nucléaire et de la doctrine russe de 2020. Parmi les principes, on note l’utilisation en cas d’agression contre la Russie et ses alliés ou lorsque l’existence même de l’État est menacée »analyse Jean-Marie Collin, directeur de l’Ican France. « Ce qui se passe à Koursk depuis un mois n’a pas débouché sur une frappe nucléaire. Heureusement. Mais cette nouvelle volonté de clarifier un certain nombre de points démontre les failles de la dissuasion. »
Une réponse à la doctrine américaine
En 2020, le président russe a redéfini la doctrine nucléaire. Il s’agissait à l’époque du premier texte rendu public afin que les dirigeants des principales puissances – les États-Unis, l’Europe et l’OTAN – en prennent connaissance. Vladimir Poutine a modifié l’approche exclusivement défensive pour élargir les conditions d’utilisation.
« Cette doctrine met en évidence notamment les conditions de premier recours en cas de menace nucléaire ou en cas d’actions hostiles menées contre la Russie (et/ou contre ses alliés) qui n’impliquent pas nécessairement l’utilisation d’armes nucléaires mais d’armes conventionnelles menaçant l’existence de l’État »a noté le directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe, Igor Delanoë.
Les propos de Sergueï Ryabkov visent-ils les alliés de l’Ukraine ? Volodymyr Zelensky a appelé à davantage de soutien militaire et, surtout, à la levée des sanctions « toutes restrictions » frapper « en profondeur » territoire russe. Pour Patrice Bouveret, président de l’Observatoire de l’armement, « Le discours russe est une réponse au durcissement de la doctrine américaine, a récemment publié Révision de la posture nucléaireCette stratégie vise clairement à d’éventuelles confrontations nucléaires coordonnées avec la Russie, la Chine et la Corée du Nord..
Crainte d’un accident dans les nombreuses centrales électriques des deux pays
Sur le terrain, une autre menace demeure: une catastrophe nucléaire. Les frappes russes et ukrainiennes font craindre un accident dans les nombreuses centrales nucléaires des deux pays. L’AIEA et les Nations unies ont condamné les combats intenses autour des installations nucléaires, en Ukraine à Zaporizhia et dans la région de Koursk en Russie. « Nous continuons d’appeler (…) à la plus grande vigilance pour éviter un incident nucléaire dont les conséquences pourraient être catastrophiques pour la région et le monde »a exhorté Miroslav Jenča, Secrétaire général adjoint du Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix des Nations Unies.
Pour Jean-Marie Collin, « Les risques d’explosion accidentelle sur une centrale nucléaire sont réels. Les Conventions de Genève de 1949 protègent les installations telles que les barrages, les digues et les centrales nucléaires. Ce droit international doit être respecté pour la sécurité de tous. »
Les défenses aériennes ukrainiennes ont abattu 22 missiles russes dans la nuit du 1er au 2 septembre. « C’est là le véritable risque, plus le conflit s’intensifie et dure. Il ne faut pas minimiser, outre un lancement accidentel, les difficultés de maintenance des centrales situées sur le front et les conditions de travail des salariés. Un accident peut provenir d’une erreur humaine, d’une coupure de courant ou de hackers… L’opinion publique et les nations devraient davantage prendre en compte ce danger en envoyant des experts indépendants sur place. »estime Patrice Bouveret.
En une semaine, le 79et La session de l’Assemblée générale des Nations Unies est sur le point de débuter. L’insécurité mondiale provoquée par ce conflit devrait constituer une préoccupation majeure pour les États. « La stratégie de dissuasion nucléaire ne fonctionne pas. Elle démontre que les États possesseurs ne peuvent pas lancer une frappe en réponse à la moindre attaque. Nous devons donc repenser notre système de sécurité et, comme de nombreux États, soutenir le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). »conclut Jean-Marie Collin.
Avant de partir, une dernière chose…
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