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épisode • 4/4 du podcast Mondes africains, une histoire en mouvement

Entre avril et juillet 1994, au Rwanda, un génocide a causé la mort de 800 000 à 1 million de personnes, soit les trois quarts de la population tutsie. L’histoire est immédiatement mobilisée pour analyser ce génocide, dans la courte période des tensions construites et des haines exacerbées, mais aussi dans la longue période de la colonisation. Quelles approches pour la recherche historique, à la lumière des nouveaux travaux, du renouvellement des questions, des archives et des procès, des enjeux de mémoire et de réconciliation ? Génocide des Tutsi au Rwanda : nouvelles études sur le phénomène génocidaire.

Le renouveau des études de genre : quelle place pour les femmes dans le génocide ?

Le prisme des études de genre permet de renouveler notre regard sur le génocide des Tutsi au Rwanda, notamment en étudiant le rôle des femmes dans les massacres. Juliette Bour, doctorante à l’EHESS, a étudié une quinzaine de femmes de pouvoir rwandaises ayant participé au génocide entre avril et juillet 1994. Parmi ces figures du « Hutu Power », mouvement ethnique nationaliste extrémiste, Pauline Nyiramasuhuko, ministre rwandaise de la Promotion de Les femmes et la famille en 1994, Agnès Ntamabyariro, ministre de la Justice, et Angéline Mukandutiye, inspectrice des écoles primaires du Rwanda. Ces femmes occupent des postes politiques ou administratifs centraux et les utilisent pour organiser et superviser le génocide. La plupart d’entre eux ont été jugés et condamnés. Dans ses recherches, Juliette Bour a cherché à remettre en question « la fausse idée qu’on se fait souvent des femmes dans la violence ». Selon le chercheur, « elles ont participé au génocide au même titre que les hommes, comme les femmes politiques, en s’engageant dans un processus d’extermination politique ». La question des violences sexuelles est également l’un des sujets mis en lumière par les dernières recherches, qui ont montré que les viols avaient été utilisés comme armes de guerre et de génocide, notamment à l’instigation de Pauline Nyiramasuhuko.

Pauline Nyiramasuhuko, série "Criminels de guerre"Rwanda

La justice face au génocide

Une autre contribution majeure à l’historiographie récente du génocide des Tutsi vient du domaine judiciaire. De nombreux procès ont en effet eu lieu au Rwanda dans le gacaca, à travers le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), en fonctionnement de 1994 à 2015, mais aussi au sein des juridictions nationales, et notamment en France. Timothée Brunet-Lefèvre, médecin de l’EHESS, a étudié certains de ces procès français, comme celui de deux anciens maires de Kabarondo, Octavien Ngenzi et Tito Barahira, jugés en 2016 et 2018. Selon Timothée Brunet-Lefèvre, il existe en effet « un défi particulier qui caractérise le génocide des Tutsi » savoir « la masse des participants et l’effort qui a été fait pour juger le plus de personnes possible : plusieurs milliers de dossiers ont été traités, ce qui constitue un effort de justice important ».

Dans le cadre de ces procès, histoire et justice se rencontrent dans une interaction parfois contradictoire, mais parfois aussi complémentaire, entre vérité historique et vérité judiciaire. L’institution judiciaire devient un nouveau lieu de transmission de l’histoire du génocide des Tutsi. Elle produit également une masse archivistique considérable, notamment à travers la collecte de témoignages de survivants et de génocidaires. Il appartient désormais aux historiens d’étudier les enregistrements et les films de ces procès, qui constituent une source d’une richesse sans précédent.

Le cours de l’histoire

53 minutes

Quelle mémoire pour le génocide des Tutsi ?

La question de la mémoire a également progressé depuis la fin du génocide. L’État rwandais a mis en œuvre une politique mémorielle et de valorisation du patrimoine, qui se traduit entre autres par la construction de mémoriaux, comme celui de Kigali, inauguré en 1999, et de sites commémoratifs. L’inhumation ou au contraire l’exposition de restes humains sont aussi des questions centrales dans la commémoration du génocide, comme le montre Rémi Korman, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université catholique d’Occident. L’historien souligne l’importance de l’héritage de la Shoah dans la compréhension et la mémorisation du génocide des Tutsi : « Dès que l’événement a lieu, on est dans la logique de la comparaison avec le génocide des Juifs. Un modèle, pour ainsi dire, de la mémoire de la Shoah a été utilisé à partir de 1994.»

Questions de point de vue : les historiens à l’épreuve du génocide des Tutsi

Les historiens français, les historiens rwandais, les historiens de nombreuses autres nationalités se sont penchés et continuent de se pencher sur l’histoire du génocide rwandais pour mieux comprendre ses causes, son déroulement et ses conséquences. Faire ce travail de recherche en étant soi-même rwandais et ayant vécu le génocide est pourtant une spécificité qui appartient à certains historiens, comme Philibert Gakwenzire, enseignant-chercheur à l’Université du Rwanda. Pour les historiens français, souvent non kinyarwandophones, il faut savoir composer avec les traductions et les biais qu’elles peuvent engendrer. Philibert Gakwenzire souligne l’importance de l’histoire coloniale dans ses recherches : « Pour comprendre le génocide des Tutsi, il faut faire une étude rétrospective autour des années 1960 et comprendre les mécanismes de colonisation qui reposaient sur le divisionnisme, et qui ont été repris par le pouvoir en 1962 et jusqu’au génocide, dans une forme de vengeance et de vengeance. mimétisme de l’époque coloniale. »

L’expérience

58 minutes

En savoir plus

  • Juliette Bour est doctorant en histoire contemporaine. Elle prépare une thèse intitulée « Femmes de pouvoir et génocide, Rwanda 1994 » sous la direction de Stéphane Audoin-Rouzeau à l’EHESS.
  • Timothée Brunet-Lefèvre est docteur en études politiques. En 2023, il soutient une thèse intitulée « La justice française et l’épreuve du génocide des Tutsi rwandais : les procès d’Octavien Ngenzi et Tito Barahira devant la cour d’assises de Paris. 2016-2018 », sous la direction de Stéphane Audoin-Rouzeau à l’EHESS. .
  • Philibert Gakwenzire est historien, enseignant-chercheur à l’Université du Rwanda. Il est l’auteur d’une thèse d’histoire soutenue à l’Université libre de Bruxelles en 2017 intitulée « Les politiques de discrimination, de persécution et de génocide des Tutsi dans les communes de Rubungo et Gikomero (1960-1994) ».
  • Rémi Korman est maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université catholique de l’Ouest. Le 4 décembre 2020, il a soutenu une thèse intitulée « Commémorer sur les ruines. L’État rwandais face à la mort massive au lendemain du génocide (1994-2003) » sous la direction de Stéphane Audoin-Rouzeau à l’EHESS.

Références sonores

  • Archives d’Agathe Uwilingiyimana, RFI, 7 avril 1994
  • Archive du journal télévisé de 13 heures, 6 juin 1972
  • Archives du journaliste Patrick de Saint-Exupéry présentant Pauline Nyiramasuhuko, France Culture, 2023
  • Archives sur le procès de Tito Barahira et Octavien Ngenzi, France 24, 10 mai 2016
  • Crédits musique : Genre par Makoto San, 2020

Cammile Bussière

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