Nouvelles locales

En République Centrafricaine, le projet de la première base militaire russe sur le continent africain

Les ministères de la Défense des deux pays « poursuivent les négociations » concernant l’installation d’une base pour l’armée russe, a déclaré Alexandre Bikantov, ambassadeur de Russie à Bangui.

« Donner la priorité à la coopération avec les États africains. « Continuer à bâtir un partenariat (…) avec nos amis africains. « Façonner ensemble l’agenda mondial ». C’est en ces termes que le président russe Vladimir Poutine a dévoilé ses projets d’une coopération russo-africaine approfondie, lors d’un discours prononcé à Moscou en mars 2023. Depuis, un an s’est écoulé et la première base de l’armée russe sur le continent africain est sur le point d’être construite. émerger en République Centrafricaine. « Les ministères de la Défense des deux pays poursuivent les négociations »a déclaré l’ambassadeur de Russie en République centrafricaine (RCA) Alexandre Bikantov lors d’un entretien mardi 26 mars avec l’agence de presse russe. Tass . « Des efforts sont en cours pour choisir un emplacement pour la base »il a continué.

Alexandre Bikantov a toutefois indiqué qu’il est actuellement compliqué de parler d’un calendrier précis. Parallèlement, le déploiement de soldats russes dans le Sud-Est du pays pour renforcer le dispositif sécuritaire face à la montée de l’insécurité a été annoncé ce mardi par Maxime Balalou, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, via Radio Ndeke Luka, premier média de République Centrafricaine.

« Nous aimerions que la Russie construise une base en RCA »a déclaré Fidel Ngouandika, conseiller du président centrafricain, à l’agence de presse russe Initiative africaine, 16 janvier. Il a ensuite indiqué que les infrastructures existantes à Berengo – ancien palais impérial situé à environ 80 km de Bangui et centre du pouvoir sous Bokassa Ier – permettent de stationner 10 000 militaires. Rappelant que « le but de la présence militaire russe en RCA est de former des soldats »le conseiller présidentiel était très enthousiaste : « Nous sommes engagés à 1000 % envers la Russie et nous pensons que la Russie doit rester à nos côtés. »

« Si la Russie nous abandonne, nous serons dévorés »

Concernant la présence militaire russe sur le sol centrafricain, on sait désormais que la Russie a commencé à agir – du moins officieusement – en 2017, à travers la société militaire privée Wagner, dont l’assistance a été sollicitée la même année par le président centrafricain Faustin Archange Touadéra. Cependant, le choix de Moscou d’installer une base militaire régulière s’explique par la situation géographique de la RCA : grâce à une position située au milieu du continent, l’armée russe pourrait facilement rayonner vers l’Ouest, l’Est, le Nord ou le Sud, le la distance entre Bangui et Johannesburg (Afrique du Sud) étant à peu près équivalente à celle qui sépare la RCA de Tripoli (Libye) ou encore de Djibouti.

Cependant, évoquant «De nombreux obstacles au développement d’une coopération à grande échelle»L’ambassadeur Alexandre Bikantov a souligné le manque de fluidité de cette coopération en novembre 2023, critiquant « pressions de sanctions sans précédent sur la Russie » ainsi que « restrictions injustes imposées à la RCA ». La première insinuation fait ici référence aux sanctions imposées par les États-Unis au groupe Wagner à l’été 2023, à la suite d’exactions commises contre les populations civiles. La seconde rappelle l’embargo sur les armes, imposé par l’ONU à la RCA depuis la guerre civile de 2013.

« Si la Russie nous abandonne aujourd’hui, nous serons dévorés par les Etats occidentaux qui n’ont rien fait pour notre pays depuis notre indépendance », a déclaré pour sa part Fidel Ngouandika. Par ailleurs, la RCA attend des investissements russes dans l’agriculture, l’élevage, les mines, l’énergie, la construction et les transports, selon le conseiller du président centrafricain. Or, « concernant les actions russes en RCA, il est difficile de faire des prévisions »dit Antoine Glaser à Figaro. Interrogé sur la présence russe en RCA, l’écrivain et expert du continent africain se montre plutôt timide : « Nous devons attendre l’action. »

« Du jamais vu depuis la guerre froide »

Pour rappel, cette ancienne colonie française s’est tournée vers la Russie pour le domaine militaire après trois ans de coordination avec la France dans le cadre de l’opération Sangaris, terminée en 2016 et dont l’objectif était de mettre fin à la guerre civile qui avait frappé la région. pays depuis 2004. L’accord signé avec Moscou en 2018 prévoyait la fourniture d’armes ainsi que la formation d’officiers centrafricains dans les écoles militaires russes. Par ailleurs, le président Touadéra avait déjà fait appel au groupe Wagner en 2017 en raison de l’intensification des troubles internes. Cependant, en l’espace de cinq ans, la société paramilitaire russe est passée de l’aide militaire à l’ingérence politique et au pillage économique, mettant la main sur des mines d’or et de diamants.

Mais après la disparition du leader de Wagner, Eugène Prigojine, à la fin de l’été 2023, les Russes semblaient absents. Ainsi, après avoir indiqué vouloir diversifier ses partenariats, la Centrafrique a officialisé le 24 décembre un accord de sécurité signé avec les États-Unis. Cet accord bilatéral consiste dans le fait que les Américains aident la RCA à « Entraînez vos soldats », « aussi bien sur le sol centrafricain que sur le sol américain », selon la proposition formulée par Washington avant la signature du partenariat. L’offre a ensuite été acceptée par le chef de l’Etat Faustin Archange Touadéra.

La situation s’annonce donc doublement inédite, impliquant la cohabitation de militaires russes et américains dans un même pays. « Du jamais vu depuis la guerre froide», souligne Thierry Vircoulon. Le chercheur de l’Ifri (Institut français des relations internationales) y voit une illustration de la nouvelle donne géopolitique, où le rôle de la France est considérablement réduit : «Pour notre part, nous ne sommes que spectateurs», conclut-il.

En Afrique, une Russie tentaculaire

L’ambition russe en Afrique ne se limite pas à la seule Centrafrique, puisque Moscou aurait lancé la construction de camps militaires dans cinq autres États africains (Egypte, Érythrée, Madagascar, Mozambique et Soudan), selon le quotidien germanique. Image qui cite en août 2020 un rapport du ministère allemand des Affaires étrangères daté de 2019, dont il a obtenu copie, et qui traite des « nouvelles ambitions de la Russie pour l’Afrique ».

Mais l’accueil réservé aux Russes par les populations locales n’est pas sans équivoque. Par exemple, la miliceAzandé Ani Kpi Gbé» (« De nombreux Zandés sont morts« , en français), a été créé en mars 2023 pour répondre aux exactions commises par des groupes armés russes contre des civils, tandis que des manifestations dénonçant un projet visant à retirer les combattants russes du pays ont eu lieu le 24 janvier à Ndélé, dans le nord du pays. . Pour rappel, la France, l’ONU et l’Union européenne avaient accusé les mercenaires de Wagner de violations des droits humains en 2021.

 » data-script= »https://static.lefigaro.fr/widget-video/short-ttl/video/index.js » >

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
Bouton retour en haut de la page