« En privant de financement la recherche publique et les universités, le crédit d’impôt recherche porte atteinte à l’écosystème français »
Le rapport sur la compétitivité et l’avenir de l’Europe présenté par Mario Draghi à la Commission européenne le 9 septembre a eu le grand mérite de remettre en question le dogme de l’austérité budgétaire et de souligner l’importance de la recherche, de l’innovation et de la formation pour freiner l’essor économique, scientifique et déclin technique. Cependant, si ce rapport propose à juste titre d’investir dans la formation, la santé, l’isolation thermique des bâtiments, les énergies décarbonées ou les grandes infrastructures de transport, il reste attaché à une conception de la recherche et de l’université frappées d’obsolescence, fondée sur la croyance économiciste en une marché des chercheurs et des établissements.
Dans notre contexte de longue dépression économique, couplé aux crises climatique, démocratique, sanitaire et sociale, il est important de faire le point sur les politiques publiques suivies en France depuis vingt ans en matière de formation et de recherche fondamentale et appliquée. Le crédit d’impôt recherche (CIR) est une niche fiscale qui permet aux entreprises de déduire de leur impôt sur les sociétés 30 % des dépenses qu’elles présentent dans leur bilan comme provenant de la « recherche et développement » (R&D). En l’absence de contrôles sérieux, de nombreuses pharmacies se sont spécialisées dans la déguisation des dépenses de R&D génériques et des cadres commerciaux en chercheurs-ingénieurs.
Si le CIR a un effet très positif pour les TPE et PME qui emploient des ingénieurs de recherche pour concevoir et produire de la haute technologie, il a néanmoins un effet largement négatif sur la R&D des moyennes et grandes entreprises. Des rapports de l’Organisation de coopération et de développement économiques, de la Cour des comptes et de France Stratégie ont montré que le CIR est avant tout un contournement de la réglementation européenne sur les aides directes aux entreprises et n’a aucun effet sur l’emploi ni sur les investissements en R&D.
Débâcle accélérée
Les effets indirects sont en réalité bien pires, puisqu’en privant de financement la recherche publique et les universités, le CIR détériore l’écosystème français de recherche et de formation. Si les entreprises continuent d’externaliser leur R&D en Asie du Sud-Est et, dans une moindre mesure, aux États-Unis, c’est en raison de la qualité de leur écosystème et de la dégradation du nôtre. La baisse du niveau scientifique et technique en France est alarmante, et le manque de culture scientifique de la classe politique en témoigne. Les réformes désastreuses du lycée et l’absence d’une politique ambitieuse de recrutement et de formation des enseignants ont encore accéléré la débâcle.
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