Divertissement

« La France a laissé tomber la défense du droit d’auteur pour faire plaisir à Mistral »

Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques dans les locaux de la SACD, à Paris, le 27 mars 2024.

Défenseur incontesté de la culture – il s’est notamment battu pour imposer l’exception culturelle à Bruxelles – Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), rappelle que Paris avait jusqu’ici toujours défendu le droit d’auteur dans les débats européens.

Il proteste contre le fait que ce n’était pas le cas lorsque la législation européenne sur l’intelligence artificielle (IA) a été adoptée. A ses yeux, la France a abandonné ce combat pour plaire à Mistral, la licorne française spécialisée dans l’IA. Paris s’est retrouvé isolé et a dû approuver le règlement européen sur l’intelligence artificielle.

Vous êtes l’un des rares à attaquer la position française prise avant l’adoption, à Strasbourg, de la législation européenne sur l’intelligence artificielle, le 13 mars. Pour quoi ?

Dans le cadre du trilogue avec les représentants de l’Etat, Thierry Breton (Commissaire européen chargé de la politique industrielle, du marché intérieur, du numérique, de la défense et de l’espace) a proposé, avec le soutien du Parlement européen, que les entreprises d’intelligence artificielle qui entraînent des machines génératives fassent preuve de transparence. Qu’ils soient obligés de faire connaître ce qui a servi à leur apprentissage et de révéler la liste des données extraites.

Lire aussi | Intelligence artificielle : le Parlement européen adopte une législation unique pour encadrer son utilisation

Jusqu’à présent, dans toutes les questions liées au droit d’auteur et à la défense de la création, Bruxelles apparaissait prolibérale, et la France était favorable à la régulation et à la défense de la création. Là, pour la première fois, les rôles étaient inversés : celui du « gentil » était joué par Thierry Breton, tandis que les « méchants » étaient Bruno Le Maire. (Ministre de l’Économie) et Jean-Noël Barrot (ministre délégué chargé de la transition numérique sous le gouvernement Borne, entre 2022 et 2024). La France, pays qui a inventé le droit d’auteur, est apparue avec un front inversé, à l’opposé de ce qu’elle a toujours défendu. MM. Le Maire et Barrot ont abandonné la défense du droit d’auteur au nom du développement national du numérique. Mais surtout pour faire plaisir à Mistral – l’une des principales start-up françaises de l’IA – dont le lobbyiste à Bruxelles est Cédric O, ancien ministre chargé du numérique.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Mistral AI, incarnation des espoirs français en matière d’intelligence artificielle

Pour bloquer l’adoption du règlement sur l’IA, la France a tenté de créer une minorité de blocage en recherchant les Allemands, les Italiens et d’autres pays, mais finalement tout le monde s’est retiré. Nous avons vécu une période sombre. La France est restée fidèle à ses valeurs, s’est retrouvée largement isolée et a finalement dû approuver le règlement européen. C’est quand même très étrange de devoir se réjouir que la France soit battue… Thierry Breton était furieux.

Il vous reste 71,39% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
Bouton retour en haut de la page