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Ce que révèle « Les Ogres », la nouvelle enquête choc de Victor Castanet

Il avait déjà fait sensation dans le secteur des maisons de retraite avec son livre Les fossoyeurs (Fayard) sorti en 2022. Et voilà que Victor Castanet s’attaque aux crèches privées dans un nouveau livre. Intitulé Les Ogres (Flammarion), le livre sort ce mercredi et fait déjà sensation.

La tragédie de Lyon au cœur de l’enquête

Dans cette nouvelle enquête, Victor Castanet met en lumière les dérives de certains groupes de crèches privées, et notamment de People&Baby. C’est dans une crèche de ce groupe que Lisa, 11 mois, est morte empoisonnée à Lyon, rappelle Progrès.

A la suite de ce drame, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a fait état d’une qualité d’accueil « très disparate » dans les crèches et de cas de maltraitance d’enfants. Dans son rapport, l’IGAS pointe trois problèmes structurels : le faible taux d’encadrement, la pénurie de professionnels et l’insuffisance des contrôles dans un secteur privé en pleine expansion.

« Coups, griffures, humiliations, privations »

« Dans la majorité des crèches, ça se passe bien. Et le personnel travaille avec un engagement profond, souvent beaucoup d’amour pour les enfants, et le fait avec peu de moyens, tout en étant très mal payé », constate Victor Castanet dans un entretien à l’AFP. « Mais à côté de ça, il y a des abus mis en place au siège de certains groupes. Il y a des pratiques d’optimisation des coûts, qui ont des effets néfastes sur l’ensemble du secteur, où les indicateurs financiers, les taux d’occupation, vont être privilégiés au détriment de la qualité. »

Dans une crèche People&Baby de Villeneuve-d’Ascq, près de Lille, neuf enfants auraient été victimes de maltraitance. « Coups, griffures, punitions dans le noir, humiliations, privation de nourriture », explique Victor Castanet. « Ces enfants font encore régulièrement des cauchemars, il y a eu des retards de développement et des problèmes de socialisation », assure-t-il. Deux mères ont porté plainte en 2021 et deux salariées de l’époque seront jugées devant le tribunal correctionnel de Lille le 23 septembre.

L’inaction des pouvoirs publics mise en évidence

Au-delà de la responsabilité de certains groupes, Victor Castanet pointe aussi dans son livre l’inaction des pouvoirs publics. « Certains groupes ont cassé les prix en promettant qu’ils feraient aussi bien et ce mouvement a été accompagné par un certain nombre de mairies, de collectivités et de ministères qui, entre deux offres, ont presque toujours choisi le moins cher et le moins disant. Il y a une autre responsabilité de l’État qui est celle du mode de financement », explique également le journaliste.

« Bercy et la Cour des comptes ont poussé à la mise en place d’un système de facturation horaire qui incite tous les opérateurs municipaux, associatifs et privés à maximiser leur taux d’occupation, à remplacer chaque absence, à combler chaque manque afin de recevoir le plus de financement public possible. La responsabilité de l’État est d’autant plus grande que tout le monde les a prévenus que ce système était une catastrophe, mais l’administration française a insisté et n’a pas voulu remettre en cause son fonctionnement. »

Dans son livre, Victor Castanet accuse enfin l’ancienne ministre des Familles, Aurore Bergé, de collusion avec un responsable de la Fédération des entreprises de crèches. « Ils communiquaient étroitement tous les jours sur des applications sécurisées », assure le journaliste. « Il y avait une demande, à laquelle les groupes privés ont répondu, de ne jamais critiquer la politique gouvernementale et de soutenir la ministre. En retour, Aurore Bergé a fait preuve d’une forme de clémence envers les acteurs privés, et a transmis leurs messages lors de ses interventions. Elle a affirmé n’avoir jamais donné de consignes particulières, qu’il n’y avait jamais eu d’accord – ce qui contredit les témoignages et les documents qui m’ont été transmis. »

La ministre démissionnaire a répondu à ce sujet sur BFMTV. Elle assure avoir au contraire « modifié la loi pour garantir les contrôles des grands groupes privés ». Elle fait ici référence à un amendement voté par le Parlement pour « renforcer le contrôle dans les établissements de garde d’enfants ».

La Fédération « indignée »

Lundi, la Fédération française des entreprises de garde d’enfants (FFEC) a fait part sur X de son « indignation » à la lecture des extraits du nouveau livre de Victor Castanet. L’organisation dit condamner « avec la plus grande fermeté les pratiques scandaleuses révélées » et en profite pour rappeler que le groupe People&Baby, au cœur de l’enquête journalistique, n’est plus membre de la Fédération depuis 2011.

Mardi, le collectif associatif Pas de bébé à la consigne, qui regroupe une cinquantaine d’associations et d’organismes du secteur de la petite enfance, a également réclamé un « plan d’urgence » et la publication d’ici « la fin de l’année » d’une série de décrets, notamment sur le taux d’encadrement dans les structures d’accueil. Pour rappel, il y a un an, deux autres livres chocs, Le prix du berceau (Seuil), de Daphné Gastaldi – Mathieu Périsse, et Bébézness (Robert Laffont) de Bérangère Lepetit et Elsa Marnette, avait déjà dénoncé des cas de maltraitance dans plusieurs garderies privées.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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