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Au Tchad, les réfugiés soudanais racontent qu’au Darfour « la vie n’est plus possible, les gens ont tellement faim »

Devant une briqueterie où travaillent des réfugiés soudanais, à Adré, Tchad, le 8 avril 2024.

Un vent sec et torride accueille les réfugiés soudanais au poste frontière d’Adré. Près de 600 000 personnes ont fui vers le Tchad au cours de l’année écoulée, après que les deux généraux Abdel Fattah Al-Bourhane et Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », se soient engagés dans une lutte à mort pour le pouvoir à Khartoum. Parmi eux, Khadija Abdallah, 25 ans, passe les contrôles de police à bord d’une petite calèche tirée par un cheval épuisé. Elle vient d’un village à la périphérie d’Al-Geneina, la capitale du Darfour occidental, à 35 kilomètres de là. « Il n’y a plus rien à manger là-bas, il ne reste plus rien à donner aux enfants, elle dit. Nous n’avions pas d’autre choix que de fuir. »

Si les premiers réfugiés au Tchad, au printemps 2023, fuyaient principalement les combats pour le contrôle des villes et les massacres à grande échelle commis au Darfour, les derniers arrivés sont poussés par la faim qui ravage les campagnes, sujettes aux pillages. et le racket des milices. Alors que le conflit a rendu toute forme d’agriculture presque impossible, plus de 18 millions de Soudanais sont désormais confrontés à l’insécurité alimentaire, selon l’ONU.

« Nous avons plus de 10 000 arrivées en mars, avec de plus en plus d’enfants souffrant de malnutrition », confirme Casimir Koudjimbaye, l’officier de protection du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui s’occupe de Khadija Abdallah et lui indique la procédure à suivre pour demander l’asile au Tchad. Une fois inscrite, elle recevra une ration d’urgence distribuée par le Programme alimentaire mondial (PAM), composée de quelques kilos de céréales, d’un peu de sel et de savon.

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« Ce n’est presque rien» concède Vanessa Boi, chargée des urgences au PAM, alors qu’elle remplit des sacs de nourriture. La ration est prévue pour quatre jours, en attendant les grandes distributions mensuelles. Mais, faute de financement, nous ne sommes actuellement pas en mesure de dire quand elles auront lieu, ni même si elles auront lieu. »

Dans ce contexte, de nombreux réfugiés vendent une partie de leur ration sur le marché d’Adré, afin de pouvoir préparer leur seul repas quotidien. « Je sais bien que c’est interdit, avoue Djamila Hisseine Abdoulrahamane, alors que sur son étal les monticules de sorgho brûlent au soleil. Mais comment faire une soupe sans condiments ? » En ce soir de l’Aïd-el-Fitr, les huit membres de sa famille partagent un bol de porridge, une poignée de haricots et quelques litres d’infusion de mauve, une plante herbacée largement consommée dans la région, pour se remplir le ventre.. « Nous sommes toujours mieux lotis que ceux qui sont restés de l’autre côté » elle se console.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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