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Arrivés en Martinique, le « soulagement et le déchirement » des évacués d’Haïti

Devant le Palais des Sports du Lamentin, transformé en centre d’hébergement d’urgence, dans la banlieue de Fort-de-France en Martinique, Benjamin fait les 100 marches, téléphone à la main. Le visage est marqué, les traits dessinés. Il fait partie des 243 évacués d’Haïti entre le 24 et le 26 mars (163 Français et 80 étrangers). Après 3 jours en mer, à Des « conditions spartiates » sur le Ventôse, l’un des 3 navires de la Marine nationale mobilisés, il arrive le 3 mars au matin en Martinique. Pour ce religieux spiritain qui vit depuis dix ans dans une Congrégation à Port-au-Prince, parler est difficile. « C’est difficile de partir mais c’était sans aucun doute la décision la plus sage. J’ai longtemps hésité à rester solidaire de nos frères et sœurs haïtiens mais la situation avait tellement dégénéré que je ne voulais pas être un fardeau et mettre en danger la Congrégation. » Benjamin était le seul non-Haïtien de sa communauté. « Les Blancs sont des cibles, les enlèvements sont nombreux et des millions d’euros sont parfois demandés. » Haïti, déjà victime d’une très grave crise politique et sécuritaire, est en proie à un regain de violence depuis début mars, plusieurs gangs unissant leurs forces pour attaquer des endroits stratégiques de Port-au-Prince, la capitale.

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Une évacuation « difficile »

A l’intérieur du gymnase, les ressortissants évacués accomplissent les formalités administratives de la police aux frontières, bénéficient d’un repas écouté par des volontaires de la Protection Civile pour raconter leur parcours. Ils ont été prévenus d’un départ imminent samedi 23 mars par un SMS de l’ambassade de France. Entre le point de ralliement à atteindre et l’embarquement des hélicoptères militaires, vers les bateaux positionnés au large, l’évacuation s’est déroulée  » difficile « .

L’hélicoptère « visé par le feu »

« Nous avons survolé des quartiers tenus par des gangs, et avons dû faire de nombreux allers-retours, de jour comme de nuit, l’hélicoptère a été visé par des tirs »» déclare le contre-amiral Nicolas Lambropoulos, commandant en chef des forces armées aux Antilles.

Comme une cinquantaine d’autres ressortissants, Maud Le Quintrec, vivant à Port-au-Prince depuis 2020, a été récupérée dans la région des Cayes, au sud d’Haïti, où la situation était plus calme. « Je suis partie en mission de 3 jours pour un cabinet de conseil dépendant du ministère des Affaires étrangères. Au retour à Port-au-Prince, l’aéroport a été attaqué. Nous sommes bloqués depuis un mois. ». Originaire de Vannes dans le Morbihan, elle oscille entre soulagement et chagrin. « Mon compagnon vit à Port-au-Prince, avec sa fille. Je suis en contact avec lui par WhatsApp. Dès qu’il me parle, j’entends des coups de feu partout, on se sent complètement impuissants. Il y a du soulagement, certes, mais aussi un sentiment d’abandon. ».

Vendredi soir, un avion affrété par le Quai d’Orsay a rapatrié près de 200 personnes vers Paris. « La situation de ceux qui restent en Martinique sera examinée au cas par cas pour les régulariser dans les plus brefs délais, y compris ceux qui n’ont pas réussi à obtenir un visa à temps », rassure Jean-Christophe Bouvier, le préfet de Martinique et de la zone Antilles. Selon les chiffres du Quai d’Orsay, environ 1 100 Français, dont un grand nombre de binationaux, vivent en Haïti où la crise politique s’aggrave chaque jour.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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