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À Jérusalem, la « génisse rousse » inquiète les responsables religieux et politiques

Ils sont soigneusement élevés, abrités derrière d’épaisses clôtures et sous le regard des caméras de vidéosurveillance dans la colonie juive de Shiloh, en Cisjordanie occupée. Cinq vaches rouges, assez inoffensives à première vue, et pourtant… l’éditorialiste israélien David Landau en parlait comme d’une « bombe à quatre pattes »à partir de 2015.

Pour certains Juifs messianiques, très minoritaires, les cendres de cet animal, mélangées à de l’eau vive, sont indispensables à la purification du lieu où doit être construit le troisième Temple juif : sur le Mont du Temple (esplanade des Mosquées) à Jérusalem. , à la place du Dôme du Rocher, troisième lieu saint de l’Islam. De quoi provoquer la colère des musulmans, pour qui ce lieu est sacré.

Les massacres du 7 octobre, appelés « Inondation d’Al-Aqsa » du Hamas, qui a fait de la défense du lieu saint l’un de ses axes rhétoriques, ont remis la vache rouge sur le devant de la scène de manière inattendue. Le porte-parole du Hamas, Abou Obeida, l’a évoqué dans une déclaration justifiant les attaques, à l’occasion du 100ème jour de guerre à Gaza : il a tenu à rappeler qu’un « L’agression a atteint son paroxysme contre Al-Aqsa »par « l’arrivée des vaches rouges comme mise en œuvre d’un mythe religieux détestable destiné à attaquer les sentiments de toute une nation ».

Importé du Texas par les évangéliques

Depuis quarante ans, l’Institut du Temple (qui regroupe les partisans du troisième temple) prépare les nombreux détails nécessaires à la construction d’un nouveau temple juif à Jérusalem, ainsi qu’à la reprise du culte et des sacrifices. La quête de la génisse parfaite, première étape du processus, en fait partie. Les sélectionneurs se sont donc attachés à le créer, en utilisant parfois la génétique pour s’assurer que les poils ne changent pas de couleur. Car, expliquent-ils, selon le chapitre 19 du livre biblique des Nombres, celle-ci doit être entièrement rouge, âgée de 2 ans et 1 mois, elle ne doit jamais avoir travaillé ni été blessée.

Cinq génisses « Red Angus » ont finalement été importées du Texas par l’intermédiaire de chrétiens évangéliques en 2022. Depuis, elles grandissent sous étroite surveillance dans la colonie de Shiloh, haut lieu du judaïsme avant le premier Temple.

Depuis le discours d’Abou Obeida en janvier, les rumeurs de leur sacrifice imminent se multiplient sur Internet, alimentées par les partisans du Troisième Temple. Comme pour préparer le terrain, une conférence de presse sur la génisse rousse s’est tenue à Shiloh le 27 mars, l’une des présentations montrant à quoi pourrait ressembler l’autel de la cérémonie. Dans un entretien accordé à la chaîne américaine CBS en mars 2023, le rabbin Yitzhak Mamo, du mouvement Uvne Jérusalem, partisan du Troisième Temple, avançait la date de Pâque 2024 comme propice au sacrifice.

Depuis, les chefs religieux chrétiens sont en alerte. Décrivant ce sacrifice comme « folie »une déclaration signée le 8 avril par 36 personnalités religieuses de Jérusalem et du monde dénonce un « invitation à la guerre régionale, voire mondiale »OMS « transformera la situation israélo-palestinienne d’un conflit politique en un conflit religieux sans solution territoriale ».

Le Mont du Temple, trop sacré pour être foulé ou un espace à contrôler ?

Contacté, le Temple Institute dément la tenue imminente de la cérémonie. « Nous avons encore besoin de préparation et de soutien rabbinique », explique Yitzhak Reuven, directeur du département international. Sectaires et minoritaires, les partisans du Troisième Temple sont en effet loin d’être unanimes : les érudits orthodoxes rejettent toute tentative de construire le Temple avant la venue du Messie. « Depuis les années 1990, nous observons la montée de théories qui modifient le rapport au Mont du Temple : de trop sacré pour être foulé, il est devenu un espace à contrôler »détaille Tomer Persico, chercheur à l’Institut Shalom-Hartman et spécialiste des évolutions du judaïsme.

S’il prétend être préparé sur le volet religieux, le Temple Institute est à court de mots lorsqu’il s’agit de géopolitique : vont-ils simplement raser le Dôme du Rocher, quitte à créer une guerre avec l’Islam ? « Le Temple est un lieu de paix. On pense que sa construction peut se faire sans effusion de sang.dit Yitzhak Reuven. Nous trouverons une solution pacifique. » Les génisses rousses ont encore le temps de grandir.

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A Jérusalem, le Mont du Temple ou l’Esplanade des Mosquées, catalyseurs de toutes les tensions

L’Esplanade des Mosquées désigne les quatorze hectares qui s’étendent surplombant la vieille ville de Jérusalem. Elle est située dans le secteur palestinien, occupé par Israël depuis 1967 puis annexé.

Les Juifs utilisent l’expression « Mont du temple » pour qualifier ce qu’ils considèrent comme le lieu le plus saint du judaïsme.

Depuis 1967, Israël gère la sécurité des lieux, qui est administré par une fondation religieuse jordanienne. Les musulmans y sont autorisés à tout moment. Les non-musulmans ne peuvent se rendre sur l’esplanade qu’à certaines heures, mais sans y prier.

Ces dernières années, les visites d’ultranationalistes juifs, les simples visiteurs, pour enfin y prier subrepticement se sont multipliés.

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr
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