Le Pentagone a choisi Aurora Flight Science pour développer son futur hydravion à grande échelle
Durant la Seconde Guerre mondiale, le constructeur Hugues Aircraft se voit confier la gestion du programme H4, qui consiste à développer un hydravion de transport surdimensionné afin de remplacer les cargos de type Liberty Ship qui, assurant les liaisons entre les deux rives de l’Atlantique, étaient régulièrement la cible des sous-marins allemands. Cependant, ce projet fut un échec.
Pourtant, cette idée était d’actualité puisque, quatre-vingts ans plus tard, la DARPA, l’agence du Pentagone dédiée à l’innovation, s’en est visiblement inspirée pour son programme « Liberty Lifter ». Ainsi, il vise à combiner les capacités d’un Ekranoplan avec celles d’un hydravion, l’objectif étant de développer un engin pouvant transporter une charge utile de 100 tonnes.
Il s’agit de concevoir « une classe de véhicules » capables de s’affranchir des « principales limites opérationnelles des plateformes de transport aérien et maritime traditionnelles », expliquait la DARPA en août 2021. De plus, les missions de ce dispositif devaient aller au-delà du simple transport de marchandises ou de marchandises. troupes, l’agence du Pentagone ayant évoqué des opérations amphibies et, plus généralement, un rôle dans le concept EBAO (Expeditonary Advanced Base Operations) et celui des « opérations maritimes distribuées » (DMO – Distributed Maritime Operations).
Pour rappel, le principe de l’Ekranoplan repose sur un phénomène aérodynamique appelé « effet de sol ». En bref, plus un avion vole bas, plus sa portance augmente et sa traînée diminue. Pendant la guerre froide, les Soviétiques ont construit la KM. Surnommé le « monstre caspien », cet avion de 550 tonnes et long de 100 mètres pouvait voler à une altitude ne dépassant pas 14 mètres et à une vitesse de 550 km/h. Equipé de dix réacteurs, son rayon d’action était de 3000 km.
Évidemment, un tel avion doté de telles capacités peut voler en dessous de la couverture radar et donc opérer dans des environnements contestés. De plus, il élimine les navires de transport, potentiellement vulnérables aux sous-marins ennemis et aux mines navales. Il présente cependant deux inconvénients : il est peu maniable et ne peut être utilisé que par temps calme. D’où l’exigence de la DARPA de faire du Liberty Lifter un appareil présentant les caractéristiques d’un Ekranoplan et celles d’un hydravion.
En février 2023, deux constructeurs ont été sélectionnés pour ce programme, à savoir General Atomics et Aurora Flight Sciences (filiale de Boeing).
Tous deux présentaient des projets radicalement différents. Ainsi, General Atomics a misé sur une conception à double fuselage (comme celle de l’avion expérimental Messerschmitt Bf 109 Z Zwilling), à propulsion distribuée basée sur douze turbomoteurs. De son côté, Aurora Flight Sciences a adopté une approche plus « classique », en s’inspirant du Boeing Pelican ULTRA, un avion d’une envergure de 152 mètres destiné à transporter une charge de 1 270 tonnes et dont le développement a été arrêté en raison de coupes budgétaires. décidé en 2003.
Au final, le design « classique » l’a emporté. En effet, le 9 mai, le Pentagone a annoncé qu’Aurora Flight Sciences venait d’être informée d’un contrat de 8,3 millions de dollars visant à « prolonger les travaux en cours dans le cadre du programme Liberty Lifter ».
Cependant, par rapport à sa présentation initiale, le concept d’Aurora Flight Science a évolué, « d’un T-tail à un pi-tail », qui est « structurellement plus efficace pour installer une rampe à l’arrière ». De plus, les flotteurs ont été « déplacés des longerons latéraux vers les extrémités des ailes » afin d’équilibrer les performances de « l’effet de sol ».
La revue de conception préliminaire doit s’achever en 2025, avec pour objectif de faire voler un premier prototype d’ici fin 2027.