Divertissement

Y a-t-il un problème chez les festivaliers de metal ?

Les sympathisants néo-nazis sont-ils de plus en plus présents dans les festivals de métal ? Le débat a agité une partie de la communauté metal ces derniers mois, notamment lors du Hellfest 2023 où des photos ont été prises sur les réseaux sociaux. On voit des festivaliers arborer des tatouages ​​représentant des valknuts, des runes, du soleil noir, des fleurs de lys ou des croix celtiques. Symboles d’origines diverses, souvent issus de la mythologie scandinave, utilisés comme signes de ralliement par les mouvements d’extrême droite et néo-nazis. Certains festivaliers ont constaté une « présence décomplexée des nazis » et se sont indignés, dans un contexte rendu sensible par la programmation critiquée de certains artistes accusés de racisme, comme le groupe polonais Mgla présent au Motocultor 2019 et au Hellfest 2022 ou Phil Anselmo, habitué du Fêtes françaises. Tandis que la grande exposition Métalprésenté depuis le 5 avril à la Philarmonie de Paris, aborde également le sujet, 20 minutes a interviewé deux chercheurs spécialisés dans la culture musicale, en particulier le métal.

«Quand on travaille comme sociologue, on se pose ces questions-là», explique Gérôme Guibert, sociologue des cultures populaires et professeur des universités à la Sorbonne Nouvelle. Depuis les débuts de la culture métal, ce débat existe parmi les observateurs. La culture métal a toujours flirté avec les choses qui faisaient polémique, l’ambiguïté en fait partie. Dans les années 1970, les punks portaient des croix gammées pour faire chier le système, comme les Sex Pistols et Siouxie and the Banshees. Lemmy (Kilmister) de Motörhead, qui est encore aujourd’hui l’une des icônes du métal, arborait sur ses vestes des totenkopf, des croix de guerre, des aigles de l’armée allemande. Marylin Manson avait sur scène des draps rouges avec des éléments évoquant l’Allemagne des années 40. Ils étaient tous choquants mais ce n’étaient certainement pas des nazis, bien au contraire. »

« Ils verront ces symboles et interpréteront mal leur signification »

Pour le sociologue, l’analyse des symboles affichés par les artistes ou fans de la scène métal ne permet pas le premier degré. « Un symbole n’a presque jamais une signification absolue. Sa relativité doit être prise en compte en fonction du contexte. À la base du métal, il y a un intérêt pourfantaisie héroïque et ses symboles anciens et médiévaux. La vague metal nord-européenne des années 1990 a apporté son esthétique viking avec ses symboles nordiques. Et puis, bien sûr, il y a l’esthétique totalitaire et guerrière. Il fait partie intégrante de la culture métal, au même titre que l’esthétique anti-chrétienne. C’est un imaginaire violent prétendu supporter la dureté du quotidien. »

Corentin Charbonnier, docteur en anthropologie et passionné de métaux et co-commissaire de l’exposition Métal, abonde. « Nous avons beaucoup de groupes de métal qui affichent des symboles des cultures nordiques. Et certains de ces symboles ont en fait été appropriés par l’Allemagne nazie puis par les mouvements fascistes. Porter un symbole de Thor ou d’Odin ne fait pas nécessairement de celui qui le porte un néo-nazi. Je ne peux pas dire que ça n’existe pas, mais c’est très compliqué d’analyser les looks. »

Selon Gérôme Guibert, ce qui a changé ces dernières années, c’est la « visibilité médiatique » du métal et de certains de ses festivals. « Le Hellfest est devenu énorme. Et il accueille beaucoup de nouveaux spectateurs, des gens qui veulent voir à quoi ça ressemble mais qui ne connaissent pas trop les codes. Ils verront ces symboles, interpréteront mal leur signification et trouveront cela sérieux, ce qui est tout à fait normal à certains égards. Il y a dix ans, c’étaient les critiques des conservateurs, maintenant ce sont plutôt les critiques des ultra-progressistes qui recherchent les injustices. » « C’est une musique qui a toujours voulu choquer, qui a toujours été marginalisée. Cela change avec le succès du Hellfest, qui crée des malentendus », estime Corentin Charbonnier.

« Il y a moins de métalleux qui se déclarent au sein du RN que dans le reste de la société »

Ce dernier a assisté à toutes les éditions du Hellfest depuis sa création. Il mène depuis plusieurs années un travail statistique sur le profil du public et prépare parallèlement l’exposition parisienne dont il est commissaire. « Que ce soit parmi les artistes ou parmi les festivaliers, il n’existe pas de culture d’excuse pour le Troisième Reich. Nous ne sommes pas à l’abri d’avoir quelques personnes issues de ce milieu qui tentent de se lancer dans quelque chose, mais ce serait une ultra-minorité. Ce que disent nos enquêtes, c’est que le public de gauche est majoritaire. Moins de 3 % de l’opinion publique se décrit comme d’extrême droite en 2019, un tiers sans opinion politique, 10 % à droite. J’ai fait des interviews sur d’autres festivals, notamment Motocultor, et la même tendance se dégage. Cela reste une musique très engagée à gauche, même si c’est sans doute moins vrai qu’il y a une trentaine d’années. »

« Statistiquement, on trouve de tout dans un rassemblement aussi grand que le Hellfest », renchérit Gérôme Guibert. Et ce n’est pas parce qu’il y a un ou deux gars qui font quelque chose que tous les festivaliers font la même chose. Ce que nous savons, c’est qu’il y a moins de métalleux qui s’identifient comme RN que dans le reste de la société. Et ce qui rassemble les métalleux lors d’un festival, c’est avant tout l’amour de la musique métal et de son environnement transgressif. Les questions politiques et religieuses ne sont pas leur sujet. Si les gens commencent à faire du prosélytisme, on va vite leur dire qu’ils ne sont pas les bienvenus. On ne peut pas dire la même chose partout, dans le punk ou dans le reggae par exemple. »

+ d’informations sur le Hellfest 2024

« J’ai du mal à croire que nous soyons envahis du jour au lendemain par des petits groupes d’extrême droite, en tout cas ce n’est pas ce à quoi nous assistons », insiste Corentin Charbonnier. Si on en parle beaucoup c’est aussi parce qu’on a une cristallisation de la société avec un phénomène de dénonciation via les réseaux sociaux. Les métalleux sont très connectés. Quel que soit le problème, il pose la question du tribunal social. »

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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