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Une nouvelle ère pour les entreprises françaises implantées au Maroc ?

Le rapprochement entre Paris et Rabat est accueilli avec un certain soulagement par les entreprises françaises au Maroc qui « faisaient profil bas depuis deux ans ».

Les relations économiques entre le Maroc et la France à l’aube d’une nouvelle ère ? Après deux années de froid entre Paris et Rabat sur le dossier sensible du Sahara occidental, l’horizon s’éclaircit, ouvrant de nouvelles perspectives aux milieux d’affaires.

«La France a clairement à nouveau le vent en poupe», affirme un chef d’entreprise française présent sur place, sous couvert d’anonymat, affirmant l’avoir observé lors des récents appels d’offres remportés au Maroc par des entreprises françaises. La cause de ce retour en grâce ? En juillet, le président français Emmanuel Macron a soutenu le plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental, cette ancienne colonie espagnole, dans une lettre adressée au roi Mohammed VI.

Avant Paris, Washington, Berlin et Madrid s’étaient également ralliés à ce projet d’autonomie sous souveraineté marocaine, proposé en 2007 par Rabat. Le conflit du Sahara occidental, contrôlé à 80 % par le Maroc mais considéré comme un « territoire non autonome » par l’ONU, oppose depuis 1975 le royaume chérif aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l’Algérie.

Deux jours après la publication officielle de la lettre d’Emmanuel Macron, la société d’ingénierie française Egis, alliée à son homologue Systra et à la société marocaine Novec, s’est vu attribuer un contrat prévoyant le prolongement de la ligne de train à grande vitesse entre Kénitra et Marrakech.

« Profil bas »

Une annonce qui a surpris certains acteurs économiques sur place à l’époque, contactés par l’AFP, qui y voyaient un lien avec la nouvelle position française sur le Sahara occidental. Interrogé, Egis n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP. « Il y aura sûrement un développement et une accélération de la coopération économique entre les pays, notamment au Sahara marocain », juge en tout cas le président du groupe d’amitié Maroc-France au Sénat marocain Mohamed Zidouh, interrogé par l’AFP.

D’autant que le Sahara occidental, avec ses énormes ressources solaires et éoliennes, est stratégique pour le développement économique du royaume, qui s’est résolument tourné vers les énergies renouvelables, et espère se positionner sur le marché de l’hydrogène vert.

Benaouda Abdeddaïm : Le Sahara occidental, un échange géopolitique entre les Etats-Unis et le Maroc - 11/12
Benaouda Abdeddaïm : Le Sahara occidental, un échange géopolitique entre les Etats-Unis et le Maroc – 11/12

Des entreprises occidentales, notamment françaises, y sont déjà présentes. Le groupe énergétique Engie construit par exemple actuellement une station de dessalement d’eau de mer à Dakhla – au Sahara occidental – en consortium avec le marocain Nareva, ainsi qu’un parc éolien. Toujours côté français, le groupe spécialisé dans la construction et les infrastructures Sade-CGTH a remporté un appel d’offres pour un projet de raccordement au réseau d’eau à Dakhla.

Le rapprochement entre Paris et Rabat est accueilli avec un certain soulagement par les entreprises françaises au Maroc. « Cela fait deux ans que nous faisons profil bas », atteste Etienne Giros, président du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian). « Ce n’était pas dans notre intérêt de mettre en avant notre nationalité », ajoute-t-il. De grands acteurs économiques marocains « recommencent à frapper à notre porte » pour des partenariats dans le pays, témoigne également un entrepreneur français, qui souhaite garder l’anonymat. Alors que ces dernières années, « on commençait à entendre ici qu’il y avait trop de projets avec des Français. On sentait une tension palpable ».

Des relations étroites

« En matière de commande publique, sur cette période, c’était peut-être un peu plus compliqué », note Jean-Charles Damblin, directeur général de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc. Toutefois, dans l’ensemble, « nous n’avons pas assisté à un ralentissement marqué » des relations économiques en raison des tensions diplomatiques de ces dernières années, a-t-il déclaré.

Le réalisateur en veut pour preuve les relations très étroites entre la France et le Maroc, qui ne se sont pas affaiblies : les échanges commerciaux ont atteint l’an dernier un record de 14 milliards d’euros. La guerre en Ukraine a notamment provoqué une forte augmentation des importations de produits agricoles français.

Et la France est le premier investisseur étranger au Maroc avec la quasi-totalité des sociétés du CAC 40 représentées dans le royaume, et 1 000 filiales françaises, notamment des usines de construction et d’assemblage (automobile, aéronautique). Le Maroc est le premier investisseur africain en France, avec des investissements directs passant de 372 millions d’euros en 2015 à 1,8 milliard en 2022.

Le réchauffement diplomatique, après un bras de fer imposé par le Maroc à la France qui souhaitait jusqu’alors maintenir une position équilibrée sur la question du Sahara occidental vis-à-vis de l’Algérie, avait été initié par plusieurs visites ministérielles ces dernières années. Ce mois-ci, prélude à une prochaine visite d’État d’Emmanuel Macron, sans cesse repoussée depuis plusieurs années.

En avril, le gouvernement français a même indiqué qu’il était prêt à contribuer au financement d’une ligne à haute tension entre Casablanca et Dakhla, au Sahara occidental, via la filiale de l’Agence française de développement, Proparco. Le français EDF s’est positionné sur ce projet de raccordement électrique, une « autoroute électrique Sud-Nord » réalisée sur 1 400 kilomètres.

La « politique » avant tout

Malgré les conséquences économiques qu’elle entraîne, la décision de l’Elysée n’a pas été motivée par l’économie, assure à l’AFP une source proche du dossier. « Que cela puisse avoir des effets économiques, c’est certain. Mais c’était avant tout une position politique. Une position appréciée différemment, rappelle la politologue Khadija Mohsen-Finan : « Au regard du droit international et des Nations Unies, le Sahara occidental est encore un territoire non autonome. C’est-à-dire sur lequel la souveraineté n’a pas été définie, déterminée, reconnue. par les Nations Unies.

Mais avec ce revirement diplomatique, les entreprises françaises présentes là-bas ont une garantie politique, faute de « l’avoir sur le plan juridique, sur leur présence au Sahara occidental », estime le spécialiste de la région, pour lequel Emmanuel Macron a également « fait plaisir ». aux chefs d’entreprise déjà présents. Tous ne se précipiteront cependant pas dans la brèche : une grande entreprise française a indiqué à l’AFP avoir préféré renoncer à s’implanter au Sahara occidental, de peur de froisser des actionnaires attentifs aux questions de souveraineté.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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