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un retour pour restaurer la confiance

L’étoile de Sciences Po a-t-elle pâli depuis l’année dernière, marquée par une nouvelle démission à sa tête et des images d’étudiants en keffieh palestinien évacués par la police ? Loin de là, a tenté de rassurer l’administrateur provisoire, Jean Bassères, lors de la traditionnelle conférence de rentrée, mercredi 4 septembre, en énumérant une série de succès. Sciences Po attire toujours plus de candidats (+9% en un an), la « la sélectivité est toujours très forte » (95% des 1 850 étudiants admis ont obtenu de très bonnes notes au baccalauréat), et l’établissement est en tête des classements internationaux (2e meilleure université mondiale dans sa catégorie, selon le classement QS). En termes d’excellence académique, il n’y a donc rien à redire.

Mais celui qui assure l’intérim depuis le départ du réalisateur Mathias Vicherat, inculpé pour violences conjugales en mars, a tout aussi rapidement énuméré une série de réformes pédagogiques destinées à « remplacer la culture de l’éthique du débat » au cœur de la formation. Les tensions autour de la question palestinienne ont laissé leur empreinte sur ce qui est l’ADN même de l’école : sa culture du dialogue politique. Parmi les nouveautés, un cours sur la liberté d’expression ; un nouvel espace de dialogue avec la direction ; la nomination de médiateurs étudiants ; et le renforcement de la formation sur le conflit israélo-palestinien, « afin de compenser le manque de culture politique, historique et même économique que nous avons constaté l’année dernière », reconnu Jean Bassères.

Une dérive « antisémite » et « woke » ?

Le but ? Éviter d’autres débordements, voire des débordements, comme celui du 12 mars. Des étudiants pro-palestiniens avaient alors été soupçonnés d’avoir interdit à un étudiant juif l’entrée de l’amphithéâtre principal, convainquant ainsi une partie de la classe politique d’une dérive « antisémite » et « woke » dans la fabrique des élites françaises. En mai, les images d’une poignée d’étudiants portant keffieh et drapeau palestinien devant les bâtiments de l’école, dont ils dénonçaient entre autres les partenariats avec les universités israéliennes, avaient encore terni la réputation de l’établissement. Le Premier ministre – et ancien étudiant – Gabriel Attal avait brutalement mis en cause l’attitude jugée permissive du corps enseignant.

Depuis, l’été est passé et la tension est retombée. La rentrée s’est déroulée dans le calme, a fait valoir Jean Bassères. Certains s’interrogent néanmoins sur l’ampleur des dégâts. « J’ai l’impression que la situation de l’école se dégrade objectivement : dons, réputation auprès des employeurs, etc., dit un bon connaisseur de l’établissement. Et la plupart de ses dirigeants sont partagés entre le choc et le déni. Il est très difficile pour une institution qui n’a jamais connu de réelles difficultés de faire face. » Telle sera la mission de son futur directeur, qui doit être nommé dans les prochains jours. (lire les références).

Il est avant tout urgent de rassurer les donateurs privés devenus indispensables, alors que la remontée de Sciences Po dans les classements internationaux est le fruit d’investissements très lourds. Or, selon plusieurs articles de presse, certains grands donateurs pourraient se retirer, privant l’école de plusieurs millions d’euros par an. Une perspective officiellement écartée pour l’instant : « Pour l’année prochaine, je compte sur des dons similaires à ceux de l’année dernière, Jean Bassères se retient en raison de nouveaux donateurs « pourrait prendre le relais. » De plus, tout le monde attend de connaître le nom du futur directeur pour décider de le garder ou non.

« Des étudiants toujours motivés »

Pendant ce temps, dans les couloirs de l’école, « Toutes ces polémiques semblent très éloignées de ce que nous vivons au quotidien. Nous avons affaire à des étudiants toujours motivés et très heureux d’être ici. En fait, tout le monde est au travail, témoigne un enseignant-chercheur sous couvert d’anonymat. Je regrette surtout tout ce bruit qui alimente le discours anti-élites. »

Selon lui, la politique entre vite en jeu lorsqu’il s’agit de Sciences Po. Or, faire de Sciences Po un fer de lance de la pensée woke serait très excessif, poursuit notre témoin. « Nos étudiants continuent d’étudier le droit, les sciences politiques, l’histoire. Bien sûr, nos cours évoluent, et nous évoquons les courants de pensée actuels. Dans mon domaine, qui est l’histoire, il est vrai que je parle sans doute plus des pays décolonisés que ne le faisaient mes collègues par le passé, mais le monde a changé. Les pays émergents ont pris un essor sans précédent que personne ne peut cacher. Ce n’est pas du tout une idéologie. »

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Nomination d’un nouveau directeur le 20 septembre

Jeudi 5 et vendredi 6 septembre Des auditions de candidats à la direction de Sciences Po auront lieu, à l’issue desquelles certains seront sélectionnés.

Les 19 et 20 septembre, Les autorités de Sciences Po éliront le futur directeur parmi les candidats retenus au premier tour.

Parmi les sept candidats identifiés par le journal Le monde On y retrouve plusieurs directeurs d’instituts d’études politiques comme Rostane Mehdi (IEP Aix) ou Pierre Mathiot (IEP Lille), mais aussi Juliette Méadel (ancienne secrétaire d’Etat chargée de l’Aide aux victimes sous François Hollande) ou Arancha Gonzalez (doyenne de l’École des affaires internationales de Sciences Po).

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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