Divertissement

un magnifique portrait de femme dans un documentaire témoin de l’état de l’hôpital public en France

Après avoir peint le portrait de deux jeunes filles Adolescentesou Sasha, né garçon, vivant comme une petite fille depuis l’âge de 3 ans Petite fille ou Bambi, Figure légendaire des cabarets parisiens des années 1960, Sébastien Lifshitz signe un nouveau très beau portrait de femme, celui d’une cadre infirmière pendant 40 ans à l’hôpital Nord de Marseille, quelques mois avant sa retraite. Mme Hofmann sort en salles le 10 avril.

Au début du film, Sylvie Hofmann, infirmière au service d’oncologie de l’hôpital Nord de Marseille, affronte le Covid avec son équipe. Elle court après les blouses, se bat pour garder son personnel qu’on cherche sans cesse à lui « voler » pour d’autres services, se noie dans les démarches administratives lorsque ses patients ont besoin de soins et de présence humaine. Il faut désinfecter, et accueillir la mort, que le film montre sans rien éviter.

En cette période de crise, il faut aussi gérer la douleur des familles dans un contexte de contraintes sanitaires sévères. Dans les couloirs, un fils exprime sa colère car on lui annonce qu’il ne pourra pas enterrer sa mère à la campagne selon les rites funéraires de sa religion. Sylvie doit gérer ça aussi.

Récemment, elle a perdu l’audition d’une oreille, conséquence d’un « surmenage », suggère un médecin qui l’examine. Sylvie ne s’arrête pas. Entre son travail à l’hôpital et sa vie personnelle – une mère de 85 ans aux prises avec une nouvelle récidive d’un cancer avec lequel elle vit depuis plus de 20 ans, sa fille, son petit-fils –, elle n’a jamais une minute pour son. Le Covid est la goutte qui fait déborder le vase. C’est décidé, elle va prendre sa retraite.

« Vous vous construisez une coquille »

Le film suit le quotidien de Madame Hofmann dans sa vie professionnelle, dans un service d’oncologie qui a tous les jours ses drames, mais aussi sa bonne humeur, largement portée par ce cadre au caractère bien trempé, un « deuxième mère » qui ne ménage ni son temps ni son énergie pour accompagner au mieux les patients, leurs familles et soutenir son équipe.

Dans ce service qui rencontre la mort au quotidien, on sait aussi s’asseoir pour échanger, se soutenir, en mangeant « fromage puant »parler de l’amour, de la vie, ou mimer un cocktail en préparant des remèdes pour les malades, une manière de conjurer la mort, ou du moins de la soutenir.

La caméra surprend également l’équipe à sourire, mais pas tant que ça, à cette histoire de mouche annonçant une mort future. En attendant, parce que le service de Sylvie est aussi un service de soins palliatifs, on masse, on rassure, on cajole, autant que possible avec le peu de ressources mises à disposition.

« Je crois que mon cerveau, depuis 40 ans, n’a jamais été au repos »

Sylvie Hoffmann

dans « Madame Hoffman »

Aux yeux de son équipe et des médecins, Mme Hofmann apparaît comme un roc, toujours debout dans la tempête. Mais en présence de la caméra, l’infirmière baisse le masque et révèle peu à peu ses défauts, au travers d’échanges avec sa mère ou dans des moments apaisés avec son mari, avec qui elle peut se lâcher, ou encore dans des confidences adressées à la caméra : derrière la façade,« intérieurement, vous vous détruisez, intérieurement, vous êtes en autodestruction », confie-t-elle. « Alors, tu te construis une carapace. J’ai duré 40 ans, donc il vaut mieux qu’elle soit dure, cette carapace. »

« Un boulot de merde »

A travers son expérience, ce film nous montre aussi un système malade. Un système qui tient toujours grâce à l’engagement et à la ténacité du personnel soignant. Manque de personnel, manque de lits, manque de matériel. C’est au travers de conversations ou de scènes aléatoires du film que se révèle la réalité d’un hôpital à bout de souffle. « C’est une très mauvaise nouvelle »déclare le médecin-chef lorsque Sylvie lui annonce qu’elle va prendre sa retraite, avant de lui suggérer sans rire qu’elle « reporter votre départ ». Quelques semaines plus tard, Sylvie fêtera l’événement avec une joie de jeunesse mêlée à la tristesse de quitter ce « un boulot de merde » qu’elle aimait tant, au fond.

« Je me dis que j’ai vécu des milliards de vies en une seule vie »

Sylvie Hoffmann

dans « Madame Hoffman »

Outre son parcours professionnel, le film retrace une vie, personnelle et intime, dont l’œuvre n’est jamais totalement absente, mais inscrite aussi dans le parcours d’une famille, d’une lignée de femmes. Sylvie remonte le temps en ouvrant l’album de famille avec sa mère, regardant et commentant les photographies de son enfance, de sa jeunesse et celles de sa mère, immigrée d’Italie, qui parle d’images marseillaises fleuries, ornementées et d’expressions qui semblent tout droit sorti des films de Pagnol.

Sylvie Hofmann et sa mère, dans le film

Comme à son habitude, Sébastien Lifshitz filme ce quotidien avec des images d’une grande beauté. Il insère des séquences muettes dans la folie du quotidien (illustré par une musique parfois un peu trop présente), des moments suspendus dans cette course incessante, des moments de pause dans cette fuite en avant qu’est la vie qui a passé si vite, constate Sylvie. . Car ce beau film nous parle aussi du temps qui passe, et de ce qui donne de la valeur à une vie. Celui de Madame Hofmann est exemplaire.

Affiche de film

La feuille

Genre : Documentaire
Directeur: Sébastien Lifshitz
Pays : France
Durée : 1h44 min
Sortie : 10 avril 2024
Distributeur : Ad Vitam

Synopsis : « Bienvenue dans ma vie », cette phrase, Sylvie Hofmann la répète à longueur de journée ou presque. Sylvie est infirmière responsable depuis 40 ans à l’Hôpital Nord de Marseille. Sa vie est en marche. Entre patients, sa mère, son mari et sa fille, elle a toujours consacré ses journées aux autres. Et si elle décidait de penser un peu à elle ? Partir à la retraite? En a-t-elle le droit, mais surtout le veut-elle vraiment ?

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
Bouton retour en haut de la page