Divertissement

Juliette Binoche dénonce le harcèlement et les agressions sexuelles qu’elle a subies au cinéma

Dans une interview avec Libérerl’actrice de 60 ans dénonce les abus sexuels qu’elle a subis sur et en dehors des plateaux de tournage.

C’est la première fois qu’une actrice française de renommée internationale dénonce avec autant de vigueur les abus au cinéma. Dans les colonnes de Libérer , ce samedi 27 avril, Juliette Binoche ne mâche pas ses mots. Elle révèle avoir été victime de harcèlement et d’agression sexuelle. Pendant le tournage, mais pas seulement. Au milieu des années 80, la jeune actrice avait une vingtaine d’années et jouait dans Liberté Belle. Le réalisateur Pascal Kané l’invite à dîner à l’hôtel Nikko dans les hauteurs d’une tour pour lui parler, l’assure-t-il, d’un projet. « Alors qu’il me montre la vue sur le front de Seine, il se jette sur moi pour m’embrasser. Je le repoussai vigoureusement : « Mais j’ai un amant ! Je ne pouvais pas y croire. Juliette Binoche est sous le choc : le réalisateur profite de sa bonne foi et utilise le même stratagème qu’un de ses anciens professeurs pour parvenir à ses fins. « J’ai eu quelques signes de méfiance, la première fois après avoir été touchée par un maître d’école à 7 ans qui m’apprenait à lire en caressant mon sexe derrière son pupitre devant la classe », analyse-t-elle rétrospectivement.

Quelques années plus tard, Juliette Binoche rapporte l’agression de Kané dans un magazine de cinéma. Lequel demandera une « correction », pour dire que le journaliste avait en réalité mal compris les propos de l’actrice. « Refus de ma part. D’ailleurs, devrions-nous nous taire ? » s’agace aujourd’hui l’actrice de 60 ans.

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Mais les abus ne s’arrêtent pas là pour Juliette Binoche. À l’été 1984, juste après l’épisode Kané, l’étoile montante du cinéma français obtient un petit rôle dans La vie de famille de Jacques Doillon, avec Sami Frey. « Doillon était une référence pour les actrices de ma génération. Sur place, tout de suite, j’ai dû enlever ma robe tee-shirt dès la première scène en criant. J’étais sur la bonne voie, c’est ce qui comptait. Pas au courant du fatras de répliques perverses, trop ému d’avoir été choisi face à Juliette Berto, ma mère dans le film. Rétrospectivement, à la lumière de la révolution #MeToo, l’actrice voit d’un mauvais oeil certaines répliques que lui adresse Sami Frey, qui incarne son beau-père. « (Ils) vous font frissonner le dos : « Ta mère veut que je t’aime. Elle rêve que nous fassions l’amour ensemble. Alors je t’aimerai. Je ne suis pas sûr d’avoir compris ces lignes à l’époque. Cependant, je garde un bon souvenir de ce tournage.

« J’ai vu arriver avec peur la date des scènes de nu »

Toujours dans l’interview accordée à Libérer, Juliette Binoche revient également sur ses nombreuses scènes de nu. Elle évoque le choc de Sami Frey et de sa mère provoqué par « un gros plan de (son) pubis avec la tête de Lambert Wilson » dans Rendez-vous (1985) d’André Téchiné, et décrit des castings pour « survivre dans (sa) quête de devenir comédienne ». « Il ne m’a pas complètement échappé que ce besoin effréné de corps nus au cinéma dans les années 1980 et 1990 ne concernait que des jeunes femmes, rarement des hommes, sauf chez Chéreau puis Téchiné. Cela ne m’a pas révolté, j’ai pris cette exigence avec patience. Il n’y avait pas de scénario sans scène de nu.

Je n’ai jamais su si cette main venait d’une demande du réalisateur, ou si c’était l’acteur qui avait pris cette liberté

Juliette Binoche

Ceci étant dit, à chaque fois, l’actrice ressent une appréhension grandissante. « J’ai appris à sauter, comme on plonge dans une mer froide, la tête la première. J’ai vu arriver la date des scènes de nu avec peur sur le plan de travail : il ne restait plus qu’une semaine, plus que deux jours… L’anxiété montait comme le courage. Sur Rendez-vous, durant l’hiver glacial de 1984, j’avais assimilé les exigences du tournage : le froid, la nudité, l’humilité. Et parfois de l’humiliation. J’ai tout accepté avec enthousiasme. Chaque fois que nous tournions une scène de sexe, le producteur (Alain) Terzian était assis devant le plateau avec son gros cigare à la bouche. Mais sa présence ne pouvait pas freiner ma ferveur, j’étais trop occupé à filmer les scènes difficiles qui m’attendaient : se faire cracher dessus, mimer une pipe et faire semblant de faire l’amour dans les escaliers.

C’est aussi sur le tournage de Rendez-vous que Juliette Binoche est victime « d’un geste qu'(elle) préférerait oublier. « Une main, pendant qu’on tournait, est soudainement venue toucher mon sexe », révèle-t-elle. Personne ne m’avait prévenu, encore moins demandé mon accord. J’étais abasourdi. Mais je n’ai pas pu le dire. Je n’ai jamais su si cette main venait d’une demande du réalisateur, ou si c’était l’acteur qui avait pris cette liberté et je n’ai pas vraiment envie de le savoir.

Victime ou témoin

Au fil du temps, l’actrice oscarisée estime qu’elle aurait dû exiger un décor fermé plus tôt lorsque les scènes l’exigeaient, « ou remettre en question dans un scénario une scène nue qu'(elle) ne jugeait pas nécessaire ». Avant d’évoquer une énième attaque lors du tournage de l’insoutenable légèreté de l’être (1988). « C’était mon premier film à gros budget, à l’étranger, avec une étoile montante, Daniel Day-Lewis. Là aussi, j’ai été choisi une semaine avant le tournage et les scènes de nu étaient nombreuses… Même sur ce film, le réalisateur est entré dans ma caravane pour me peloter. Je l’ai repoussé, il n’a pas insisté. Lena Olin, qui jouait l’autre rôle féminin, m’a raconté qu’elle avait subi les mêmes tentatives », raconte Juliette Binoche, qui regrette de ne pas avoir toujours pu protéger ses camarades. Comme le jour où elle a été témoin du viol d’un figurant par un acteur dans Les enfants du siècle (1999) lors d’une scène d’opium dans un bordel. « J’ai vu la jeune femme repartir abasourdie une fois le tournage terminé, comme si elle avait reçu un coup de poing. J’avais de la haine. Cet acteur est mort aujourd’hui.

Malgré le traumatisme, Juliette Binoche l’assure : « Toutes ces blessures provoquent une rage, une révolte. » Pourtant, elle n’a jamais pensé arrêter le cinéma, sa passion. « Les coups bas, les gestes déplacés, les propos sexistes : je ne les oublie pas, ils empoisonnent la vie, mais ils restent secondaires. Finalement, tout est pardonné. Tout se transforme, tout m’a sculpté. L’envie de se donner par le jeu reste plus forte, l’art du jeu est une forme de savoir secret jubilatoire, impossible à saisir, impossible à voler. Les langues n’ont visiblement pas fini de se délier.

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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