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un homme raconte sa détention de 60 heures lors d’une embuscade homophobe

Les victimes se sont exprimées au troisième jour du procès de trois hommes jugés pour enlèvement, extorsion et vol à main armée en bande organisée, le tout en raison de l’orientation sexuelle des victimes.

Pierre* et Bastien* sont tous deux enseignants, âgés d’une quarantaine d’années et homosexuels. Ils ne se connaissent pas mais partagent le même destin tragique. En janvier 2022 à Paris, Pierre et Bastien ont été victimes d’une embuscade homophobe à leur domicile respectif, via le même site de rencontre.

Ce jeudi 30 mai, ils ont raconté leur calvaire devant la cour d’assises de Paris, au troisième jour du procès de trois hommes jugés pour enlèvement, extorsion et vol à main armée en bande organisée, le tout en raison de l’orientation sexuelle des victimes.

« Nous nous sommes mis d’accord sur le scénario »

« Je suis retenu chez moi, n’alertez pas la police, ils vont me tuer. » Cet email a sauvé Pierre de ses agresseurs. Le quadragénaire a passé 60 heures séquestré dans sa propre maison, avec deux inconnus à ses côtés. Il avait échangé et convenu d’un rendez-vous avec l’un d’eux sur « Les Pompeurs », un site de rencontres homosexuelles.

En janvier 2022, quelques jours après son anniversaire, Pierre se connecte aux aurores sur le site qu’il utilise depuis plus de dix ans. Il cherche une aventure d’un soir, rien de plus. Il rencontre alors un homme.

« Nous nous sommes mis d’accord sur le scénario, explique Pierre. Le quadragénaire doit attendre son invité nu, à quatre pattes dans son lit et dans le noir. La porte d’entrée doit être ouverte. Bastien, la deuxième victime, a reçu les mêmes instructions, du même profil sur le même site, quelques jours plus tôt, le jour de son anniversaire.

Pierre s’exécute. L’homme arrive à la maison. Très vite, « il m’a dit de mettre mes mains derrière mon dos et j’ai senti une menotte autour de mon poignet gauche ». Le quadragénaire sent que quelque chose ne va pas. « Ce n’était pas prévu dans le scénario. »

Quelques secondes plus tard, une autre menotte lui serre la deuxième main derrière le dos. « Je suis tombé dans un autre monde où je suis tombé dans un gouffre sans fond sans savoir quand ça allait s’arrêter », confie-t-il.

« Si tu bouges, je t’écrase »

Pierre panique. Son calvaire vient à peine de commencer. L’homme sort un couteau et le menace.

« Il m’a dit : ‘si tu bouges, je te plante' », a déclaré la victime devant la cour d’assises. « Je ne suis pas une personne très courageuse. Je n’ai opposé aucune résistance », confie Pierre.

L’homme lui demande où sont cachées ses richesses. « J’ai expliqué que je n’avais rien de précieux. Je suis enseignant. J’ai un ordinateur, pas de bijoux. »

Son agresseur s’est entretenu au téléphone avec une autre « personne méchante qui m’a extrêmement fait peur », explique le quadragénaire. Ils souhaitent que Pierre leur donne ses coordonnées bancaires. Pour y accéder, il doit suivre toute une procédure sur son ordinateur. Une tâche qu’il tente d’accomplir menotté.

« Je ne me souvenais plus de mon code, il ne fonctionnait pas », explique-t-il. La personne à l’autre bout du fil parvient à se connecter. Plus de 30 000 euros sont déposés sur son compte épargne. A l’autre bout du fil, l’homme bout et menace Pierre qui reçoit l’ordre de s’allonger sur son lit.

« Je suis nu et toujours menotté », murmure-t-il. Après de longues heures, Pierre intercepte une nouvelle conversation téléphonique : « Vous lui avez annoncé la bonne nouvelle ? Le quadragénaire se dit que la délivrance approche. « Mais la nouvelle, c’est que ça arrive. Bientôt, ils seraient deux chez moi », rapporte-t-il. L’homme entre dans l’appartement.

Plus de deux jours avec ses bourreaux

Les deux agresseurs décident alors de transférer 20 000 euros à un troisième homme. Pierre, séquestré chez lui, contacte un conseiller bancaire. Elle lui demande de faire une reconnaissance de dette. Le délai d’attente est de 48 heures. Les deux hommes passeront les deux prochains jours avec Pierre.

« Ils me disent qu’ils ne veulent pas dormir sur le lit parce qu’il y a eu des rapports homosexuels », dit-il. Le quadragénaire sort des nattes et des sacs de couchage pour ses bourreaux.

Dans la nuit, Pierre, qui n’est plus menotté, songe à s’enfuir. Il regarde le passe-plat qui lui permettrait de se faufiler dans une autre pièce, puis abandonne le projet. Devant le tribunal, le quadragénaire décrit des phases d’accalmie.

Coincé dans cette pièce fermée, il se dit que ses agresseurs sont là pour l’argent. « Qu’ils ne sont pas venus là pour casser la police. » Pierre se dit cela parce que ses bourreaux utilisent le mot « gay » pour désigner homosexuel. Pendant ces 48 heures, il est autorisé à manger et à se laver. Il assure n’avoir subi aucune violence physique.

« Elle était psychologique », décrit-il. Pour ne pas devenir fou, Pierre, sans référence, répète sans cesse dans sa tête le mot « courage » « à un rythme régulier et assez lent ».

Retraits auprès des courtiers

Durant son confinement, le quadragénaire a tenté de répondre aux multiples demandes des deux hommes qui souhaitaient effectuer des virements depuis son compte. Pierre et ses agresseurs se rendent en Uber sur les Champs-Élysées pour effectuer des retraits chez les courtiers. Sur la route, ils lui conseillent de ne pas faire de vagues : un troisième méchant les suit en voiture, lui assurent-ils.

«Ils m’ont dit que le transfert avait eu lieu. Je venais de perdre mes économies, mais j’étais heureux », explique Pierre, qui s’imaginait bientôt libre. De retour à son appartement, les agresseurs apprennent enfin que le transfert a été refusé.

Lors d’une énième requête, le quadragénaire parvient, depuis son bureau où il tente de se connecter à une banque en ligne à la demande de ses bourreaux, à prévenir un ami dans un mail. La police arrive. Son calvaire touche à sa fin. Les deux hommes sont arrêtés.

* Les prénoms ont été modifiés

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Cammile Bussière

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