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un début malgré des zones grises

Mardi 7 mai 2024, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a donné son accord pour que leREP de Flamanville est mis en service, c’est-à-dire pour qu’il reçoive son premier chargement de carburant. Après dix-sept ans d’un projet qui a tourné au calvaire et aux dérapages de coûts vertigineux – 19,1 milliards d’euros au lieu des 3,3 initialement prévus – le réacteur nucléaire le plus puissant de France devrait être raccordé au réseau cet été. Selon La Presse de la MancheEmmanuel Macron en personne devrait venir assister à la «  Phase de début » et une soirée de lancement serait programmée à la Cité de la mer à Cherbourg-en-Cotentin.

Douze ans de retard dans l’éclairage, c’est a priori difficile de parler d’un départ précipité. «  Il y a quand même des petites choses qui nous laissent un peu dubitatif »raconte Reporterre Guy Vastel, membre de l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité de l’Ouest (Acro) et de la Commission Locale d’Information (CLI) de Flamanville. Au cœur de ses préoccupations : le choix deEDF ne pas remplacer le couvercle défectueux du réservoir duREP avant sa mise en service, mais à la fin du premier cycle d’exploitation, fin 2025. Cette décision implique une exposition des travailleurs à une radioactivité supplémentaire et des déchets radioactifs supplémentaires à gérer. Ceci, alors que le nouveau couvercle de cuve doit être livré à la fin de l’été 2024, à peu près en même temps que le raccordement duREP au réseau.

La peur des irradiations

Revenons en arrière. Fin 2014, Areva (renommé depuis Orano) a découvert des anomalies de concentration en carbone dans le réservoir et le bouchon forgés dans son usine du Creusot. Ce défaut «  réduit la ténacité de l’acier et augmente le risque de propagation rapide des fissures »expliqué en 2017 à Reporterre Jean-Christophe Niel, directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Un défaut d’autant plus inquiétant que cette pièce constitue le cœur du réacteur, à l’intérieur duquel se déroule la très dangereuse réaction atomique. «  Le réservoir aide à contenir les matières radioactives dans le cœur du réacteur. L’intégrité de cette pièce est si essentielle que sa rupture n’est même pas étudiée dans des scénarios de sécurité, tant elle serait impensable. »a précisé M. Niel.

En 2018, suite à de nombreux tests complémentaires, leASN autorisait cependant la mise en service et l’utilisation du réservoir, et exigeait le changement de son couvercle, traversé par de multiples tubes, avant le 31 décembre 2024. A l’époque, la mise en service duREP était prévue pour octobre 2019. Suite à de nouveaux dérapages de calendrier, laASN a modifié cette décision en mai 2023 et autorisé l’utilisation de la couverture jusqu’à «  l’arrêt du réacteur au cours duquel est effectuée la première requalification complète du circuit primaire »c’est-à-dire après le premier cycle de fonctionnement du réacteur.


Le chantier de construction duREP de Flamanville, ici en 2020, a douze ans de retard.
Wikimédia Commons/CC PARSON 4.0 Acte/JKremona

Le début duREP avec un couvercle de réservoir défectueux est donc tout à fait légal et autorisé. Mais ce choix industriel indigne Gilles Reynaud, président de l’association contrôlée Ma Zone et ancien salarié d’Orano. «  Pour moi, on pourrait attendre. On attend que le couvercle soit propre, on le change. Mieux vaut le faire maintenant que dans un an et demi avec un réacteur qui fonctionnera »il juge, estimant que «  changer ce couvercle de cuve (avant le démarrage du réacteur) serait respectueux des acteurs et des populations ».

Contacté par Reporterre, EDF a confirmé par écrit la livraison de la nouvelle couverture «  à la fin de l’été 2024 ». «  La nouvelle couverture sera ensuite équipée sur site et vérifiée pendant plusieurs mois afin d’être prête à être installée lors du premier arrêt programmé pour maintenance. », a-t-il précisé. En revanche, l’électricien s’est montré peu bavard sur les différences concrètes de conditions de travail entre un chantier de remplacement de couverture «  en bonne santé »avant la mise en service du réacteur, et son remplacement après irradiation.

«  Limiter cette exposition des travailleurs au minimum possible »

«  Les conditions d’intervention sont différentes, puisque le couvercle de la cuve sera irradié et générera donc une exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, pour sa part, il a écrit leASN a Reporterre. EDF a étudié les conditions d’intervention afin de limiter au minimum possible cette exposition des travailleurs. Cette évaluation et la suffisance des dispositions prévues pour limiter l’exposition des travailleurs font l’objet d’une instruction duASN. » Dans sa décision de mai 2023, leASN évalué la dose collective supplémentaire induite par le remplacement du couvercle après la mise en service du réacteur à 200 H.mSv (1). Un supplément «  du même ordre de grandeur que celui des autres opérations de remplacement d’équipements du circuit primaire principal », précise-t-elle. Contacté, le CGT de Flamanville n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Autre problème : un couvercle de cuve irradié sorti du confinement de son réacteur se transforme instantanément en déchet radioactif. Pour le gérer, leASN a été demandé de EDF construire un bâtiment spécial sur le site duREP de Flamanville, où le stocker avant de l’envoyer au centre de stockage de l’Aube (2). Ce projet doit être réalisé en 2024, précise EDF a Reporterre. Ce dernier n’a toutefois pas répondu aux questions sur les dimensions de ces travaux, ni sur la durée et le coût du projet. Gilles Reynaud, de son côté, pense avoir une idée du type de bâtiment auquel il peut être rattaché. «  Lorsque les générateurs de vapeur du parc existant ont été remplacés, des sarcophages ont été construits dans les centrales électriques pour les stocker. Ce sont des bâtiments avec des épaisseurs de béton importantes »il décrit.

Se lancer pour rassurer les acheteurs

Pour quoi EDF a-t-il, malgré les difficultés que cela comporte, choisi de lancer leREP avant de changer la housse ? «  Je comprends vos questions, mais je n’aurai pas plus de détails à vous donner sur cet aspect. », a répondu le service de communication. Longtemps, l’électricien a espéré échapper à ce changement. En 2017, elle a annoncé un appel d’offres international pour développer une méthode de contrôle du couvercle, et ainsi éviter un processus long (il faut entre 4 et 9 mois pour remplacer un couvercle, et ce délai peut s’allonger en cas de problème) et coûteux. ; «  une fourchette de 100 millions d’euros »avait évalué le directeur du projet Flamanville 3EDF du temps. «  C’est un choix deEDF »pour sa part a réponduASN. Dans sa décision de mai 2023, elle a indiqué que «  le remplacement du couvercle de la cuve avant la mise en service du réacteur conduirait à décaler celle-ci d’environ un an ».

Pour Guy Vastel et Gilles Reynaud, c’est clair : EDF et le gouvernement ne pouvait pas se permettre un nouveau retard dans la livraison duREP de Flamanville. «  C’est politique. Nous devons démarrer ce réacteur. Nous le ressentons. On commence et après on verra »dit Guy Vastel. «  Avec le retard pris, on comprend l’intérêt, l’enjeu pour la France est de montrer qu’elle maîtrise le nucléaire pour se lancer dans l’avenir. REP »acquiesce Gilles Reynaud.

Ni l’un ni l’autre EDF ni leASN n’a pas commenté le sujet. Mais le contexte est éclairant. En février 2022, Emmanuel Macron a annoncé la construction d’au moins six nouveaux REP En France. La France cherche à vendre ses réacteurs à l’étranger — le 30 avril EDF a annoncé avoir soumis une offre actualisée à la République tchèque pour la construction d’un maximum de quatre réacteurs standards REP. Mais le chemin de croix continue pendant EDF. Initialement estimés à 18 milliards de livres, ses deux REP d’Hinkley Point en Grande-Bretagne pourrait coûter 31 à 35 milliards de livres et ne pas être mis en service avant 2029, voire 2031, au lieu de fin 2025.

Le programme de six EPR2 ne s’annonce pas très bien : son coût, initialement estimé à 51,7 milliards d’euros, a été réévalué en mars à 67,4 milliards d’euros. La facture dépassera probablement les 100 milliards d’euros, selon Greenpeace. Une analyse américaine publiée en avril juge sans équivoque ce projet «  irréaliste ». Dans ces conditions, et alors que la France se bat au niveau européen, avec des entreprises électro-intensives françaises et même la Suisse pour financer ce programme, il semble important que leREP de Flamanville commence enfin à rassurer sur les perspectives de cette technologie.

Cammile Bussière

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