un 24ème roman, au nom du père
Depuis 1999, la romancière explore et explore sa vie, sa famille, ses amours et exhume les secrets de son roman familial. Dans ce texte court et intimiste, elle part à la recherche du père.
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Nathalie Rheims est la fille de Maurice Rheims. Maurice Rheims, des années 60 aux années 80, fut une figure charismatique de la société française : résistant, universitaire, homme de lettres, mondain et charmeur, le style d’une époque. Sa mère est Lili Krahmer, demi-soeur de David de Rothschild.
Sa sœur, Bettina, est une photographe de talent et du président Chirac. Son frère, Louis Rheims, décédé en 1988, était une figure du Paris chic et des nuits endiablées. Nathalie Rheims était la compagne de Claude Berri et de Léo Scheer, récemment décédé, un éditeur aux choix notables et audacieux, chez qui elle publie toujours. Pourquoi lister la famille de l’auteur comme un annuaire social ? Parce que son œuvre, ses romans racontent cette filiation. Critique de famille et de roman.
Dans son premier livre, L’un pour l’autre, C’est Louis, cette figure du Saint-Germain des années 70/80, ce frère trop tôt mort, qu’elle ressuscite. Ce sera son entrée dans la littérature. Place Colette en 2015, C’est l’histoire de son premier amour. Elle a 13 ans, il en a 30 de plus et est un acteur de renom. Elle lui a donné le sous-titre de « détournement de fonds publics ».
Loin, du moins en apparence, des histoires glaciales que raconte le Saint Germain littéraire, masquant les horreurs de l’enlèvement de mineurs. Enfin en 2013, avec Que les cendres s’envolent, Nathalie Rheims a révélé les secrets, les non-dits, mais ne serait-ce pas la même chose pour une famille, dit-elle ?« singulier et flamboyant ». La saga de la famille Rheims continue avec Tu ne vois pas que je brûle ?
Tu ne vois pas que je brûle ? commence sur un canapé. Sur le canapé en velours rouge de l’homme qui travaille comme psychanalyste.Des rangées de bibliothèques remplies de vieux livres (…) des coussins vert citron délavés et des piles d’objets disposés un peu partout, des statuettes d’Afrique ou de Colombie. » Le décor est planté et presque parfait pour ce roman écrit comme une longue séance de psychanalyse.
Nathalie Rheims revient sur la mort de son frère Louis, et écrit : « Quand j’y repense, je me rends compte à quel point les séances avec Serge pendant cette période ont été miraculeuses. » Le psy, c’est Serge. Depuis l’enfance, Nathalie sonne à la porte du 3e étage de la rue Casimir-Périer tous les jeudis à 16 heures.J’allais y épancher mon désespoir. Faute de pouvoir me confier à Maurice. Le psy, un proche, comme un rendez-vous indispensable, comme le confident de la vie familiale, comme une oreille attentive. En fin psychanalyste, on dirait que ce savoureux mélange des genres serait un régal pour la règle radicale du transfert. Mais nous sommes en littérature et non sur un divan rouge.
La comparaison avec l’autre homme de sa vie, de son enfance, son père, est évidente avec ces mots, lorsque la petite Nathalie demande à la secrétaire « avec les cheveux roux, son brushing et ses lunettes à double foyer », quand pourrait-elle voir son père : « La secrétaire décroche le téléphone. À quelle heure votre fille, Nathalie, peut-elle venir vous voir ? La réponse qui suit est toujours brève. À 19 heures. »
Il y a donc déjà deux rôles de père, deux personnages paternels dans l’histoire de cet enfant. Les choses se compliquent quand la jeune Nathalie découvre et fait découvrir au lecteur la relation profonde et mystérieuse entre Lili, sa mère (qui paie d’ailleurs les séances) et Serge, mais c’est là l’histoire aventureuse de ce roman, de ces confidences, de la découverte de secrets.
Tu ne vois pas que je brûle ? ou le dévoilement des secrets d’une famille construisant son existence avec brio et romantisme, des histoires d’amour tragiques et enfouies, une leçon de psychanalyse un peu boiteuse.
Dans Sigmund Freud, il est écrit que C’est « « Grâce à la technique de l’association libre, le patient peut lever le voile sur son désir inconscient. » Nathalie Rheims, qui écrit au début du roman «la psychanalyse est au cœur de ma vie », On a bien compris que lever le voile sur les secrets, même à travers la douleur et les larmes, finit par construire une œuvre unique.
Extrait :
Mes premiers souvenirs d’enfance se déroulent dans une grande pièce. Un grand tableau était accroché au mur, représentant une paysanne caressant une chèvre. Dans cet immense bureau, on pouvait voir des rangées de bibliothèques remplies de vieux livres.
Il y avait un canapé en velours rouge avec des coussins vert citron délavé et des piles d’objets éparpillés, des statuettes d’Afrique ou de Colombie. Derrière une grande table de travail, surchargée de brochures, de magazines et de dossiers, était assis un chat en bronze, debout sur ses pattes arrière, un plateau dans les mains. Il y en avait un identique dans l’appartement familial.
L’homme qui occupait cet endroit travaillait comme psychanalyste. Nous avions des rendez-vous chaque semaine, chaque jeudi après-midi. Plusieurs années plus tard, lorsque j’eus enfin J’ai osé lui demander d’où venait ce chat, il m’a répondu que c’était un cadeau de ma mère. Je lui ai dit qu’il avait de la chance.
Il a simplement répondu : « Oui, en effet. »
Tu ne vois pas que je brûle ? de Nathalie Rheims, Editions Léo Scheer 19 Euros. 145pages.
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