trois questions sur l’exposition des enfants aux images sexuelles sur Internet
Une étude écossaise montre qu’au cours de l’année écoulée, un enfant sur huit dans le monde a été exposé à des images sexuelles, soit 302 millions de jeunes.
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Le rapport publié lundi 27 mai par le Childlight Institute, en partenariat avec l’université australienne UNSW de Syndey, met en garde contre l’exposition des enfants et adolescents à des images dites pornographiques de manière non consensuelle. Cela inclut la prise ou le partage d’images sans le consentement du jeune ou son exposition à du contenu à caractère sexuel. Franceinfo a demandé à deux experts comment aborder ce sujet auprès des jeunes.
Que dit l’étude ?
Au cours de l’année écoulée, un enfant sur huit dans le monde s’est retrouvé confronté, de manière non consensuelle, à des photos ou vidéos à caractère sexuel, selon l’étude. En Europe occidentale, près de 20 % des jeunes ont été touchés, selon Childlight. À l’échelle mondiale, 12,5 % des enfants ont été confrontés à des interactions sexuelles non désirées en ligne, telles que des messages sexuels ou des demandes d’actes sexuels de la part d’adultes et d’autres jeunes.
Le chantage aux photos intimes, aussi appelé « sextorsion », et le recours à l’IA pour créer des deepfakes font également partie de ces interactions. «C’est une pandémie mondiale qui est restée trop longtemps cachée»selon Paul Stanfield, le président de Childlight cité dans un communiqué, qui a travaillé pour Interpol et la British Crime Agency, la NCA.
Ces images concernent autant « de la pornographie, destinée aux adultes et sur laquelle les jeunes peuvent tomber »mais aussi « le fait que les jeunes seront repérés par des prédateurs qui leur enverront des photos à caractère sexuel, comme des contenus masculins par exemple, envoyées à des petites filles ou des petits garçons », a réagi sur franceinfo Justine Atlan, directrice générale d’e-Enfance, une association de protection des enfants sur internet. « C’est aussi les jeunes entre eux qui ont tendance à penser qu’il faut s’envoyer du contenu sexuel quand on est adolescent et qu’on a envie de flirter »elle se souvient.
Comment prévenir les jeunes de cette exposition ?
« Il y a trois axes importants selon moi »explique Ludi Demol Defe, docteur en sciences de l’information et de la communication et spécialiste de la consommation pornographique chez les jeunes, contacté par franceinfo. « Le premier axe est d’établir un lien de confiance avec les enfants et les adolescents. Vous pouvez leur dire : ‘Si vous tombez sur quelque chose qui vous choque, parlez-moi s’il vous plaît, je ne vous en voudrai pas, non, je ne vous gronderai pas.’ ‘ ». Selon le chercheur de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, à Paris, il faut donc garder à l’esprit que les jeunes ne parlent pas de ce qu’ils ont vu ni même des violences subies à l’école à cause du comportement des adultes. « Les discours alarmistes peuvent aussi les ralentir dans leur discours. »
Ensuite, un accompagnement pédagogique est indispensable. « Quand votre enfant commence à se connecter, allez avec lui, accompagnez-le, conseille Ludi Demol Defe. Il ne s’agit pas de l’espionner mais de lui expliquer les premières fois. Dites-lui que des personnes malveillantes peuvent lui demander des choses et que si tel est le cas, il ne faut pas hésiter à en parler, tout en gardant à l’esprit qu’on ne peut pas empêcher complètement les jeunes de parler. à des étrangers.
« Le troisième axe, selon moi, est de proposer des espaces d’information comme les sites Onsexpress et Sexysoucis pour que les jeunes puissent aborder eux-mêmes le sujet. On peut aussi conseiller d’en parler à une tante ou un oncle, quelqu’un ‘de la famille’. avec qui il aura une conversation plus ouverte.
« Nous arrivons à un moment où nous devons être un peu plus raffinés, nuancés et subtils dans notre approche du numérique pour les enfants »confirme Justine Atlan, directrice générale d’e-Enfance, une association de protection des enfants sur internet. « Malheureusement, cela oblige les parents à se poser la question de savoir quels contenus mon enfant peut regarder ou non, à quel âge, et cela nous demande de nous concentrer un peu là-dessus », explique le directeur général d’e-Enfance. Ce dernier rappelle que le phénomène affecte « le monde entier »et pas seulement les pays industrialisés, avec « un rajeunissement très fort, avec des enfants de plus en plus jeunes ayant accès à internet et aux réseaux sociaux ». Or, « C’est effectivement un abus d’exposer un enfant à ce contenu, un abus psychologique qui peut avoir des conséquences très graves »elle dit.
Quel cadre législatif peut-on renforcer ?
Pour Justine Atlan, les Gafam, les grandes entreprises du numérique, ont une responsabilité et doivent agir. « Nous pouvons créer des infractions dans un cadre législatif, mais nous avons du mal à les faire respecter et nous ne pouvons rien faire sans elles. Ils doivent être conscients de leur responsabilité mondiale dans la protection des enfants en ligne. », insiste-t-elle. Il appelle notamment à une mesure concrète : « Il est impératif que nous trouvions un moyen d’identifier les enfants en ligne pour en faire une population distincte et vulnérable, afin d’éviter de les mélanger avec les adultes. »
Autre recommandation de Ludi Demol Defe : la nécessité d’appliquer les outils déjà disponibles en France. En effet, « un axe est l’application de la loi Aubry de 2001 qui préconise au moins trois séances annuelles d’éducation sexuelle ». Un texte qui n’est pas assez appliqué selon le chercheur, alors que « L’avantage d’appliquer la loi Aubry, c’est qu’elle n’inclut pas uniquement les abus sexuels sur internet. Cela permet également de détecter des cas probables d’inceste et de violences sexuelles chez les jeunes. ». Bref, multiplier les espaces où la parole et la pédagogie entre parents et enfants peuvent s’appliquer sereinement.