Surtourisme : Barcelone dit stop aux locations saisonnières
Cette fois, il n’est plus question de cadrage ou de limitation. Barcelone veut supprimer toutes les locations touristiques d’ici cinq ans. Cette annonce intervient alors que la ville catalane a tout tenté ces dernières années pour endiguer le phénomène Airbnb et la ruée vers les plateformes d’hébergement pour vacanciers.
Avant d’en arriver là, la ville a tout testé : la méthode douce en faisant appel au bon sens des propriétaires, la multiplication des inspections municipales pour traquer les irrégularités, l’application d’amendes aux montants dissuasifs, la limitation des permis dans les quartiers encombrés et encouragement à déplacer l’offre d’appartements vers des zones moins encombrées. En vain.
Las de la guerre, le maire de Barcelone, le socialiste Jaume Collboni, tape du poing sur la table. Il annonce qu’aucune des licences municipales autorisant les locations saisonnières ne sera renouvelée, ce qui signifie que les appartements touristiques auront tous disparu d’ici cinq ans.
Crise du logement
Dans cette ville de 1,65 million d’habitants qui reçoit 12 millions de visiteurs par an, il s’agit de répondre à l’irritation croissante de la population locale. Les mobilisations se multiplient contre la pression touristique, l’invasion de l’espace urbain et la transformation des quartiers. Mais la mesure vise surtout à répondre à la crise du logement et à l’envolée des loyers (augmentation de plus de 70 % ces dix dernières années) alors que les propriétaires ont préféré se tourner vers la location touristique, bien plus rémunératrice.
Idéalement, ce mouvement devrait ramener 10 000 logements dans le parc locatif ordinaire, calcule la conseillère municipale à l’urbanisme, Laia Bonet. « Le tourisme est un élément fondamental de l’activité de la ville et nous devons compter sur lui, mais nous voulons le gérer différemment, pour éviter qu’il n’influence tout », explique-t-elle. « Ce ne devrait pas être le tourisme qui détermine les possibilités de vivre ou non à Barcelone. Au contraire, le modèle de l’offre touristique doit dépendre de l’accès au logement des résidents. »
Pour y parvenir, la mairie a donc décidé de supprimer purement et simplement la catégorie des hébergements touristiques et les autorisations de location saisonnière. Cette annonce drastique a fait beaucoup de bruit en Espagne, à l’heure où, comme Barcelone, la plupart des grandes villes, à commencer par Madrid, Malaga et Saint-Sébastien, cherchent à faire face au déploiement d’hébergements touristiques.
Chasse aux sorcières
Dans le secteur hôtelier, on salue l’idée d’éradiquer cette offre perçue comme une concurrence déloyale de plus en plus agressive. Mais l’association des propriétaires d’hébergements touristiques qui vont perdre leur permis de location saisonnière dénonce une chasse aux sorcières injuste et s’apprête à saisir la justice.
Tandis que ses détracteurs crient au populisme, le maire de Barcelone souligne qu’il s’agit d’affronter « l’un des principaux problèmes de la ville et du pays, à savoir l’accès au logement », notamment pour les jeunes. Ce changement est nécessaire selon lui, après des années de tentatives pour faciliter la coexistence entre résidents et visiteurs.
Réseaux mafieux
Jusqu’à présent, rien n’a freiné le phénomène des locations via des plateformes, comme Airbnb ou Booking. Au contraire, la presse locale fait régulièrement état de rachats d’appartements, voire d’immeubles entiers, par des réseaux mafieux. Ces derniers, qui agissent parfois à l’insu même des propriétaires des lieux, se cachent derrière des pseudonymes et savent modifier à temps leurs annonces sur les plateformes pour éviter d’être repérés par les services municipaux.
Il est cependant trop tôt pour savoir comment la nouvelle loi pourrait être appliquée en pratique, si elle mettrait réellement fin à ces pratiques illicites et quelles compensations pourraient recevoir ceux qui ont investi de bonne foi dans une activité jusqu’ici légale et réglementée.