« Si avec la baisse des taux, les vendeurs augmentent leurs prix, on se retrouvera dans une situation d’impasse », déclare le président de Century 21.
Century 21 est l’un des plus grands réseaux d’agences immobilières. En France, c’est le premier en volume, avec près d’un millier d’agences, qui donne une vision globale du marché immobilier en immeubles anciens, maisons et appartements. Cela permet à son président Charles Marinakis de faire le point sur les neuf premiers mois de l’année.
franceinfo : Comment se porte le marché ? ?
Charles Marinakis : Plutôt mieux. Nous avons connu des moments beaucoup plus difficiles. Nous avons fini par vivre un été assez inattendu. Pour être tout à fait franc, nous avions imaginé que l’opacité de la situation politique en France freinerait l’enthousiasme des acheteurs. Cela ne s’est pas produit. Nous en sommes donc plutôt satisfaits. Nous sommes particulièrement heureux de constater qu’une fois de plus, les deux éléments clés de notre marché se rejoignent, c’est-à-dire une baisse des prix accompagnée d’une baisse des tarifs. Et c’est mécaniquement ce qui lui a sans doute donné du souffle.
La baisse des prix a donc lieu et est-elle durable ?
Oui, ça dure, mais il le fallait à la fin de la période d’euphorie de 2021, dès que les taux s’envolaient mécaniquement, il fallait que les prix baissent. J’avais demandé une baisse des prix de 12 à 15 %.
« Les prix ont baissé de 12 % en deux ans, ce qui était nécessaire. »
Charles Marinakis, président de Century 21sur franceinfo
C’était nécessaire, car on ne parvenait plus à financer ces prix avec des taux qui étaient à 5,5%, alors qu’on pouvait les financer avec des taux à 1,2%.
Les taux sont de 3,5% sur 20 ans. Quelle est l’image de la baisse des prix ?
La baisse des prix la plus marquée est peut-être à Paris, avec -6%, et un volume de transactions en baisse également de 1,2%. Mais on dira qu’en France c’est -2,2% pour les appartements et -3,5% pour les maisons. Après le Covid, ce sont les maisons qui avaient explosé et enflammé le marché immobilier. Donc tout cela est revenu un peu à la raison, avec des disparités d’une région à l’autre.
Il y a encore des régions où cela continue d’augmenter.
Oui, la région PACA, typiquement. C’est le soleil qui l’emporte sur la raison et les prix n’ont toujours pas baissé. En Normandie, les prix ont de nouveau légèrement augmenté, mais ils ont nettement baissé. Chaque région a sa propre vérité.
Et à Paris, pensez-vous que cela va continuer à baisser, ou pensez-vous qu’on a atteint un niveau raisonnable aujourd’hui ?
Vous savez, nous sommes à 9 200 euros le mètre carré. À l’époque, lorsque nous avions annoncé pour la première fois que nous allions passer sous la barre des 10 000 euros, nous avions lancé une bombe sur le marché immobilier. Non, ça va s’ajuster.
« J’ai toujours été convaincu que ce marché avait la capacité de s’autoréguler. Et le marché parisien s’est autorégulé plus vite que les autres.
Charles Marinakissur franceinfo
Est-ce un appel aux vendeurs que vous lancez ?
Oui, je n’aimerais pas voir à nouveau une situation de tension, avec des vendeurs qui, voyant les taux baisser, augmentent leurs prix. S’ils le font, nous nous retrouverons dans une impasse et ils ne vendront pas leurs produits.
Alors aujourd’hui, les transactions ont repris. Le volume des ventes est-il plutôt satisfaisant ?
Ce n’est pas encore visible, mais nous le voyons dans les compromis, et cela se reflétera dans les mois à venir. Mais oui, c’est la première fois depuis longtemps qu’on voit les taux et les prix baisser et c’est ce qui encourage les transactions.
Dans votre dossier de presse, on peut lire qu’il y a beaucoup de consultations sur votre site internet avec des gens qui se demandent ce qu’ils vont pouvoir acheter. Cela signifie-t-il que les acheteurs pensent que les prix vont continuer à baisser ?
Oui, ils vont baisser, ils vont s’ajuster. Ce que j’appelle une goutte, ce sont deux nombres. Là, il s’agira d’un ajustement entre 1 et 3 %. On arrivera fin 2024 avec des prix qui auront baissé de 15% sur deux ans, ce qui était nécessaire. La surprise surprenante de cet été est que nous pensions que la crise politique et l’incertitude politique auraient pu rendre les acheteurs tendus. Mais en réalité, c’est le contraire qui s’est produit. Ils se sont dit il y a eu une première baisse des tarifs, on sait ce qu’on a, les prix ont baissé, enfin on y va. Parce que nous ne savons pas ce que nous allons trouver.
C’est peut-être l’un des seuls secteurs où il n’y a pas eu de stagnation due à l’inaction politique.
Contre toute attente.
Sommes-nous en plein débat budgétaire ? La niche fiscale sur l’investissement locatif. Le système Pinel va disparaître à la fin de l’année, ce que déplorent évidemment les promoteurs immobiliers. Craignez-vous également d’être victime de l’obligation de redressement des finances publiques ?
Pour l’instant, en tant que citoyen, je porterai, comme tout le monde, l’obligation de redresser les finances publiques. Si cela se traduit par un changement de fiscalité, je pense que nous serons peut-être épargnés par cette fiscalité. Peut-être que la fiscalité des bailleurs privés est un véritable sujet. Car aujourd’hui, il existe des disparités entre les propriétaires privés qui placent leur bien dans le parc locatif privé et ceux qui le louent de façon saisonnière, typiquement au statut de location professionnelle vide. Mais nous générons des revenus pour l’État. Nous générons des droits de mutation à chaque transaction. Et on constate aujourd’hui que la baisse du volume des transactions représente une perte de 8 milliards d’euros. Et ces 8 milliards pénalisent directement les communes, les régions, les départements qui sont les principaux bénéficiaires de ces recettes fiscales. Je n’ose donc pas imaginer que l’État sanctionne à nouveau fiscalement cette décentralisation qu’il a mise en place il y a quelques années.
Vous ne faites donc pas partie des lobbies qui se mettent à hurler au loup ?
Vous savez, les vieux ont toujours eu cette capacité à s’autoréguler. La seule fois où nous avons réellement bénéficié d’un système, c’est la déductibilité des intérêts sur les prêts. Le reste du temps, c’est un prix de marché, un prix de l’offre et de la demande, nous n’avons jamais été sous perfusion de l’État.
La pierre reste un investissement, mais dans le même temps on constate que l’acquisition de logements pour investissement locatif est en baisse. Cela veut dire que la plupart des acheteurs souhaitent habiter leur bien, ce n’est pas de la spéculation, ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour le secteur ?
En France, le logement est constitué à 82% de résidences principales, à peine à 10% de résidences secondaires et surtout à 8% de logements vacants. Le vrai scandale est là : il y a plus de 3 millions de logements vacants en France. C’est dans ce segment de marché que nous devons tous accomplir un travail important. Il y a une anomalie entre une demande de logements qui n’est pas nourrie pour des personnes qui n’ont pas de logement ou qui ne sont pas dans de bonnes conditions, et ces 3 millions de logements vacants. C’est un problème qui dure depuis des années et que personne n’est parvenu à résoudre. Je pense donc que nous devrions y consacrer notre énergie.