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Récolte cannière : Retour sur la crise sans précédent qui secoue la filière depuis deux mois

Les opérations escargots de ces derniers jours montrent à quel point la détermination du collectif des planteurs est intacte. Plus de 2 semaines après le lancement d’une campagne sucrière retardée et perturbée, ils restent toujours en première ligne. Retour sur la chronologie de cette crise, à travers les principaux faits marquants.

Depuis plus de deux mois, les planteurs de canne sont mobilisés pour obtenir une revalorisation du prix d’une tonne de canne.
Une mobilisation qui a considérablement retardé le lancement de la campagne sucrière.
Tandis que certains continuent d’exiger des changements et sont prêts à laisser leurs cannes debout pour cette saison, d’autres ont décidé de les couper et de les livrer à l’usine de Gardel permettant ainsi le démarrage des vendanges.

1/ Le 6 février, le préfet a réuni tous les acteurs de la filière canne-sucre de l’archipel, à Basse-Terre, notamment les signataires de la convention canne 2023-2028.
Un rendez-vous et l’espoir d’une campagne sucrière 2024 fructueuse, après celle de 2023 qui s’est révélée catastrophique pour les planteurs.
Ces derniers, également invités, ont déjà donné un aperçu de leurs exigences. Semblable à l’année dernière. Le collectif des planteurs a jugé insuffisante la revalorisation du prix de la tonne de canne inscrite dans l’accord par les syndicats agricoles. Il réclame donc une augmentation de la part payée par l’usine.
Sur la base d’études d’experts, des agriculteurs rassurés estiment le juste prix de la tonne de canne à 160 € ; un prix qu’ils veulent fixer.

Dix jours plus tard, le ton monte… Il reste deux semaines avant l’ouverture officielle des vendanges 2024. Une nouvelle rencontre entre le collectif, la Chambre d’agriculture, la Région et le Département tourne au vinaigre. L’absence des présidents des deux collectivités locales, représentés aux débats, est mal perçue. Se sentant méprisés, les planteurs ont menacé de bloquer le territoire en érigeant des barrages.

Le lendemain, nouvelle réunion dans les locaux de la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et des forêts (DAAF), à Saint-Phy (Saint-Claude) ; cette fois, en l’absence des membres du Kolèktif Paysan (KDA). Ces producteurs n’ont plus confiance en ceux qui les représentent : les syndicats accusés de ne pas défendre leurs intérêts. Les planteurs affirment également ne pas avoir été consultés par ceux qui ont signé, en leur nom, la Convention canne 2023-2028. Dans ce contexte, ils se sentent toujours lésés par le mode de calcul du prix de la tonne de canne.

Le mercredi 21 février, les présidents des communautés reçoivent les planteurs à la Chambre d’agriculture, à Baie-Mahault. Le collectif en profite pour exposer un système de calcul qu’il juge archaïque, datant des années 1960. Mais, à quelques jours du début des vendanges, une contrainte temporelle met en péril la refonte de ce calcul.
Cependant, Région et Département acceptent d’intervenir auprès de l’Etat et de la direction de Gardel, afin de faire entendre les doléances des planteurs.
De l’avis des parties présentes, il appartient désormais au propriétaire de l’usine de mettre la main à son portefeuille, afin que l’argent de la canne soit équitablement réparti.

Samedi 24 février, dans un communiqué commun, l’État et les deux collectivités territoriales ont annoncé une augmentation de la prime à la bagasse de 1,90 € la tonne. Les trois entités plaident pour l’ouverture effective de la campagne sucrière prévue le 1er mars en Guadeloupe dite « continentale ».

Sans avancée du côté des unités sucrières, le lendemain (25 février 2024), réunis à la Maison de l’africaine et de la ruralité, à Petit-Canal, à main levée, plus de 150 professionnels ayant répondu à l’invitation du Kolèktif des Agriculteurs et de l’UDCAG (la SICA du bassin Basse-Terre), votent en faveur du blocage de l’usine Gardel à partir du mardi 27 février, à 5h30

A l’approche du début des vendanges, une rencontre impromptue entre le collectif et le directeur de l’usine Gardel a lieu. Là encore, c’est un dialogue de sourds.

Le 1er mars, les planteurs font le siège, postés sur la route d’accès à l’usine Gardel, pour exprimer une nouvelle fois leur colère au petit matin. Sur place, les balances devaient ouvrir à 6 heures du matin

Le collectif entend bien empêcher toute livraison, tant qu’il n’obtiendra pas satisfaction sur ses revendications.

En attendant une rencontre avec les décideurs, les planteurs poursuivent leur mobilisation. Ils restent postés devant les portes de l’usine (4 mars 2024) et attendent cette réunion pour fixer le prix de la tonne de canne.

Le mot devient plus radical. Leur proposition d’augmenter le prix de la canne à la tonne de 120 euros à 160 euros est « à prendre ou a laisser« , selon Eugène Mardivirin, l’un des dirigeants du collectif qui n’exclut pas un « Année blanche« .

Par voie de communiqué, le même jour, l’usine Gardel bloquée appelait «responsabilité et démarrage immédiat de la campagne sucrière 2024« . Nicolas Philippot, directeur de l’unité sucrière, explique les conséquences du blocage.

Gardel se retrouve (…) obligé de fermer son site et de mettre du personnel au chômage technique. Gardel rappelle que la situation actuelle a de graves impacts sur l’ensemble du secteur, ses emplois et sa compétitivité et sur les revenus des planteurs.

Communiqué de presse Gardel

Le 7 mars, une partie du personnel de Gardel est mise au chômage technique. Une mesure validée à l’unanimité par le CSE, le comité social et économique de l’entreprise. Une mesure historique.

Suite à une réunion entre l’interprofession, la préfecture et la Région, aucun accord n’a été signé. Mais ces discussions amorcent un dégel.

Samedi 23 mars, les planteurs et l’usine ont lancé les premiers pas des vendanges 2024 même si certains attendent encore une résolution du conflit qui impacte le secteur. Le ballet des titans portant des cannes reprend activement.
L’usine se veut optimiste et a déjà suspendu les mesures de licenciement économique prises contre un bon nombre de ses salariés.

Ainsi, après une opération escargot qui a créé de nombreux embouteillages ce lundi 8 avril, malgré l’annonce vendredi dernier, par l’Etat et les collectivités, d’un calendrier de discussions, les planteurs ont quand même décidé de se mobiliser rassemblés autour de l’usine Gardel au Moule. S’ils réclament toujours le prix de 120 euros la tonne de canne, ils semblent de moins en moins nombreux à refuser de participer à la campagne.

Après un démarrage en dessous des quantités normales, l’usine de Gardel a reçu 4 000 tonnes par jour.

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr
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