Quand l’emprise du RN sur le gouvernement Barnier inquiète même les macronistes
C’est un premier exemple concret de ce qu’implique l’accord tacite entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen autour du nouveau gouvernement. Et un pas vertigineux est franchi : il est désormais interdit de dire du mal du RN au plus haut niveau de l’Etat, sous peine d’être pris à partie.
Le Premier ministre Michel Barnier a ainsi suscité une vive émotion jusque dans ses propres rangs, le 24 septembre, pour avoir fustigé Antoine Armand, le nouveau ministre de l’Economie. La faute de ce dernier ? Avoir déclaré que la porte de Bercy, son ministère, était ouverte à tous les partis, « tant qu’ils font partie de l’arc républicain « , dont il exclut le RN.
Une déclaration somme toute classique il y a quelques mois à peine, Emmanuel Macron ayant tenu des propos identiques au plus tard en février dernier. Humanité. Mais ça, c’était avant : maintenant, il faut rester au pouvoir. Ces déclarations sont devenues intenables dans la Macronie aujourd’hui, alors que le gouvernement ne doit sa survie qu’à la promesse de non-censure de l’extrême droite.
Malaise au sein du groupe macroniste
Un état de fait politique, conséquence du pacte faustien conclu par Emmanuel Macron, que Marine Le Pen n’a pas manqué de rappeler implicitement depuis l’Assemblée nationale : « Il semble que tous les ministres n’aient pas compris la philosophie de ce gouvernement.
Résultat : Michel Barnier a appelé Antoine Armand pour corriger ses propos. Mais aussi Marine Le Pen, comme le révèle Le Figaropour lui assurer qu’elle serait bien accueillie à Bercy si elle le souhaitait. Dans un communiqué, le ministère de l’Economie a indiqué quelques heures plus tard que « Le ministre recevra toutes les forces représentées au Parlement. »
Un camouflet pour lui, et une victoire pour l’extrême droite. « Nous avons le pouvoir de remettre dans le droit chemin un ministre qui dit des bêtises et n’a pas bien compris la feuille de route. »a accueilli mercredi sur BFM la députée RN Alexandra Masson.
UN « carte routière » ce qui impliquerait donc que les macronistes doivent toujours se garder de cajoler le parti de Le Pen. Ce qui les expose, sans surprise, aux foudres de la gauche : «Michel Barnier bafoue la barrière républicaine pour laquelle nous nous sommes tous mobilisés récemment», a réagi Lucie Castets, toujours candidate à Matignon pour le Nouveau Front Populaire.
Au sein du groupe macroniste aussi, ce glissement inquiète, alors que certains n’ont toujours pas digéré le casting très à droite de la nouvelle équipe ministérielle. « La RN a-t-elle été bloquée uniquement pour y être finalement soumise ? Denis Masséglia, député du Maine-et-Loire, fait mine de se poser la question.
D’autres parlementaires du groupe Ensemble pour la République ont soutenu la première déclaration du nouveau locataire de Bercy, comme Marie-Pierre Rixain : « Non, le RN n’est pas dans l’arc républicain « , a-t-elle écrit sur X, tandis que son collègue Éric Bothorel republiait une vidéo datée du 3 septembre dans laquelle Antoine Armand expliquait pourquoi le RN « n’est pas un parti républicain » : « C’est un parti qui a été fondé par d’anciens collaborateurs du nazisme »il a été rappelé vingt jours avant d’être nommé au gouvernement.
La normalisation des relations avec le RN, une longue histoire
Son recadrage illustre aussi les fractures qui vont se creuser entre, d’un côté, le camp présidentiel, qui fournit le plus gros contingent de députés à la nouvelle majorité relative d’Emmanuel Macron (165 députés sur 212), et, de l’autre, « Les Républicains » (47 députés). Le premier a surtout appelé à un blocage républicain lors des législatives, le second n’y a pas participé.
Il n’est donc pas surprenant que les députés LR soient montés au créneau pour critiquer la position du ministre de l’Economie : « La déclaration d’Antoine Armand est une contradiction insupportable, absurde et inutilement provocatrice. On ne peut pas insulter 11 millions d’électeurs « , a déclaré le maire de Cannes, David Lisnard, dont le nom circulait depuis un moment pour Matignon.
Il convient de noter qu’il ne s’agit pas de la première étape franchie dans la normalisation des relations entre le bloc central et le RN. En octobre 2022, au nom de « l’attitude respectueuse à avoir les uns envers les autres « , Yaël Braun-Pivet avait sanctionné une de ses collègues, la députée Renaissance Astrid Panosyan-Bouvet, parce qu’elle avait qualifié le RN de « xénophobe » dans l’hémicycle.
Désormais ministre du Travail de Michel Barnier, ce dernier ne devrait pas risquer de marcher dans les pas d’Antoine Armand. Les macronistes peuvent remercier leur « patron » pour cela. À force de petits arrangements avec les institutions pour éviter de s’avouer vaincu, celui qui a passé sept ans à construire son récit politique sur « la lutte contre les extrêmes » désormais, ils ne peuvent frapper qu’à gauche.
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