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Primaire, collège, lycée… Les violences dans les établissements scolaires sont-elles en augmentation ?

Plusieurs agressions d’une extrême violence ont eu lieu ces derniers jours, dont une qui a coûté la vie à un adolescent de 15 ans. Si ces affaires récentes ont agité l’opinion publique et agité la classe politique, les violences à l’école ont néanmoins tendance à diminuer.

En l’espace d’une semaine, trois adolescents ont été violemment agressés à proximité de leur école. Samara, 13 ans, a été rouée de coups par trois mineurs le 2 avril, devant son collège, à Montpellier. Le lendemain à Tours (Indre-et-Loire), un Une jeune fille de 14 ans a été battue dans une embuscade organisée derrière son école, par des camarades de classe qui ont filmé la scène. Si les deux jeunes filles en sortaient vivantes, Shemseddine15 ans, est décédé des suites de ses blessures après avoir été lynché Le 4 avril, après avoir quitté son collège de Viry-Châtillon (Essonne).

Face à ces cas qui s’accumulent, le gouvernement a affiché sa fermeté. Un plan interministériel doit être annoncé dans les prochaines semaines pour lutter contre les violences à l’école, avec plusieurs pistes, dont l’interdiction des téléphones portables et avis disciplinaire de l’école primaire. « Il est de notre responsabilité de tout faire pour rassurer parents et enseignants » explique un proche de l’exécutif sur franceinfo.

Mais derrière ces attaques particulièrement brutales, que disent les chiffres de la violence ? physique et verbal dans les écoles ces dernières années ? Franceinfo s’est penché sur plusieurs études sur le sujet pour tenter d’y voir plus clair.

Des « incidents graves » en légère hausse

Au sein du ministère de l’Éducation nationale, c’est la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) qui est chargée de collecter toutes les statistiques sur le climat scolaire. Parmi eux, l’enquête Sivis (Système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire) enregistre chaque année des signalements d’« incidents graves » émanant des chefs d’établissement.

Les derniers résultats, publié en février (en PDF)montrer un légère hausse des incidents enregistrés pour l’année 2022-2023 par rapport à l’année précédente. En moyenne, 13,7 « incidents graves » pour 1 000 élèves ont été déclarés dans les collèges et lycées en 2022-2023, contre 12,3 l’année précédente. Les lycées professionnels ont le taux le plus élevé (20,2 pour 1 000), suivis des collèges (15,8 pour 1 000). Concernant les écoles publiques (maternelle, élémentaire, primaire), le nombre de signalements atteint 4,6 « incidents graves » pour 1 000 élèves en 2022-2023, contre 3 pour 1 000 l’année précédente. Un taux en hausse constante (même si très modérée) ces dernières années, puisqu’il était de 2,8 en 2020-2021 et de 2,4 en 2018-2019.

Ces statistiques doivent toutefois être prises avec des pincettes. « Il s’agit d’une augmentation des rapports et non des faits eux-mêmes » souligne Franck Martin, enseignant-chercheur en sciences de l’éducation à l’Institut national supérieur du pédagogie et de l’éducation (Inspé) de Toulouse. « Depuis deux ou trois ans, le ministère encourage fortement les chefs d’établissement et les enseignants à réaliser ces rapports, car le gouvernement est accusé de balayer la poussière sous le tapis face aux violences scolaires »dit-il à franceinfo.

Le chercheur fait un parallèle avec le nombre de procédures pour agressions sexuelles ou viols sur conjoint, qui ont plus que doublé entre 2017 et 2022, en pleine vague #MeToo. Il ne faut pas y voir une augmentation des incidents, mais plutôt un renforcement de la lutte contre les violences sexuelles, ce qui entraîne une augmentation des signalements.

Des effectifs élevés à l’école, mais pour être qualifié

Les « incidents graves » enregistrés couvrent également des événements très divers, qui vont des atteintes à la sécurité (atteinte à la laïcité, port d’arme blanche, vol, consommation d’alcool ou de drogue, etc.) jusqu’aux violences physiques. Et ce sont les violences verbales qui représentaient la plus grande part des signalements en 2022-2023 (43%, que ce soit dans les écoles publiques ou dans les collèges et lycées publics et privés), selon l’enquête Sivis. Les violences physiques constituent 40% des signalements dans les écoles publiques, mais seulement 24% dans les collèges et lycées, où les failles de sécurité sont plus signalées que dans les établissements qui accueillent les plus jeunes (18% contre 7,4%).

Pour avoir une vision plus précise du sujet, il faut se pencher sur enquêtes nationales sur le climat scolaire et la victimisationqui complètent l’enquête Sivis. Ils interrogent ponctuellement les élèves et/ou les membres du personnel éducatif sur d’éventuelles agressions subies en milieu scolaire.

A l’école primaire, une seule enquête de victimation a été réalisée, parmi pour les élèves de CM1-CM2, et publié en mars 2022. Il est donc impossible de faire une comparaison avec les années précédentes. On peut cependant noter que le ressenti des écoliers est majoritairement positif : 92,4% des élèves de CM1-CM2 déclarent se sentir « BIEN » Ou « Bien » dans leur école. Les violences psychologiques les plus fréquentes sont les insultes ou les moqueries (41,9%), l’ostracisme (41,1%) et le vol (40,2%). Les agressions physiques touchent également les écoliers, principalement à travers des bagarres (36,5%), des dégâts intentionnels (33,1%) et des bousculades (32%).

Ces chiffres « donnent l’impression qu’il y a beaucoup de violence dans les écoles primaires », souligne la sociologue Margot Déage, maître de conférences à l’université Grenoble Alpes, à propos de Culture française. « Ce qu’on constate, c’est que les violences physiques sont beaucoup plus nombreuses à l’école primaire puis diminuent au collège et jusqu’au lycée, car on passe progressivement aux violences verbales, psychologiques et aux violences sexuelles »analyse le chercheur.

Moins de violence physique à l’école

Les enquêtes réalisées auprès des collégiens sont sans doute plus révélatrices. Le dernier en date a été publié dans mars 2023avec une comparaison entre 2022 et 2017 qui permet de dresser ce constat : les violences physiques et psychologiques au collège sont en diminution.

Un peu moins de trois collégiens sur dix (28%) déclarent avoir été bousculés en 2022 (contre 34% en 2017), 15% déclarent avoir été frappés (ils étaient 19% en 2017) et 15% déclarent avoir été frappés. ils se sont retrouvés dans au moins un combat collectif (16% en 2017). Moins d’un collégien sur dix (9 %) déclare également avoir participé à des jeux dangereux (11 % en 2017) et 4 % déclarent avoir été blessés par arme ou avec un objet dangereux, un chiffre en très légère hausse par rapport à 2017 (3 %).

Les violences sexuelles, quant à elles, n’ont pratiquement pas évolué ces dernières années : 6 % des collégiens déclarent avoir été victimes de caresses forcées (un chiffre stable par rapport à 2017) et 3 % de baisers forcés (5 % en 2017). L’enquête souligne que les élèves de 6e et, dans une moindre mesure, les élèves de 5e, se disent beaucoup plus souvent victimes de violences physiques que les autres élèves, notamment de bousculades. L’étude constate qu’ils sont aussi plus régulièrement la cible de victimisations multiples, qui peuvent s’apparenter à du harcèlement (insultes, coups, dénigrement, rejet de la part des autres étudiants).

Au total, 91 % des élèves se sentent en sécurité à l’intérieur de l’école, mais ce sentiment diminue sensiblement autour de l’établissement (75 % des collégiens), notamment pour les filles (71 %, soit 8 points de moins que les garçons) et pour les élèves de 6e ( 70% contre 79% des élèves de 3ème).

La cyberintimidation augmente

Sur le plan psychologique, la proportion de collégiens déclarant avoir été victimes d’insultes au cours de l’année scolaire est en diminution significative par rapport aux enquêtes précédentes. La moitié des collégiens étaient concernés en 2017 (50%), un chiffre qui tombera à seulement 43% en 2022.

Concernant les lycéens, la dernière enquête de victimation, datée de 2018, faisait une comparaison avec 2015. Ces chiffres sont sans doute trop anciens pour être représentatifs de la situation actuelle (une nouvelle étude a été réalisée auprès des lycéens en 2023, toujours en attente de publication) . On peut toutefois souligner qu’ils n’évoluent pratiquement pas d’une année sur l’autre. Pousser est cité par 9 % des élèves et seulement 3 % déclarent frapper. On note en revanche une augmentation des victimes de vidéos, photos ou rumeurs humiliantes sur internet (4% en 2015 contre 9% en 2018).

Deux autres enquêtes récentes (en 2022 et 2023) permettent d’en savoir plus sur les violences visant le personnel éducatif. Elles ont été menées par les chercheurs Eric Debarbieux et Benjamin Moignard auprès des personnels de l’éducation nationale (enseignants, mais aussi psychologues, accompagnants des élèves en situation de handicap, etc.) aux niveaux primaire et secondaire. Dans les écoles maternelles, élémentaires, collèges et lycées, le constat est le même : les violences physiques restent rarissimes.

Violence verbale contre les enseignants

Au collège et au lycée, les chiffres sont encore meilleurs que lors de la précédente étude qui datait de 2013 : 98 % des personnels éducatifs déclarent n’avoir jamais été frappés dans l’exercice de leurs fonctions au cours de l’année (contre 95 % en 2013). . En revanche, concernant la violence verbale, les chiffres sont bien plus significatifs. Près de la moitié (40 %) des personnels des collèges et lycées déclarent avoir été insultés (42 % en 2013).

Malgré un léger recul au premier et au deuxième degré, les injures restent encore très répandues. «Ils contribuent directement à la dégradation du climat scolaire entre élèves et adultes»souligne Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, syndicat national des enseignants du secondaire. « Au-delà des invectives, ce sont toutes les incivilités quotidiennes, la contestation régulière de l’autorité des enseignants, les insolences, qui pèsent énormément », explique le syndicaliste.

Sophie Vénétitay cite également les insultes entre les étudiants. « Ils nous disent : ‘C’est comme ça qu’on se parle.’ Mais on leur rappelle que non, ce n’est pas possible de communiquer comme ça. Ils ne réalisent pas toujours la portée de leur langage. «  « Ce sont des faits beaucoup plus diffus qui posent problème, insiste Franck Martin, et pas les attentats les plus graves, qui, bien que très médiatisés, restent heureusement encore extrêmement rares. »

Cammile Bussière

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