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Près de Gaza, un micro pour crier le désespoir des familles d’otages

« Hiiiiiii ! Hiiiiiii… » La voix de Rachel Goldberg se brise. Son cri se dissipe dans le vent chaud. Ses grosses lunettes noires cachent à peine l’émotion qui envahit son visage maigre. Gaza est à un kilomètre. Son fils est quelque part. Elle saisit le micro : « Hersh, c’est maman. C’est le 328e jour. Nous sommes tous là, toutes les familles des 107 otages restants. Hersh, nous travaillons jour et nuit pour te récupérer, et nous n’arrêterons jamais. »

Les haut-parleurs, tournés vers l’enclave, diffusent son message à plein volume. Son fils Hersh, kidnappé au festival Nova le 7 octobre 2023, est l’un des otages les plus médiatisés.

Vertus cathartiques

Arrivées la veille au kibboutz Nirim dans un convoi de 300 voitures en provenance de Tel-Aviv, les familles des otages se relaient sur la plateforme improvisée. Ce kibboutz, évacué le 8 octobre 2023, est le point le plus proche de Gaza. L’émotion monte d’un cran à chaque nouveau cri : « Nimrod Cohen ! C’est papa qui te parle ! » Yehuda Cohen crie dans le micro. « Nimrod, je veux que tu m’écoutes et que cela te donne la force d’attendre que nous te ramenions ! » A proximité, des ouvriers arabes qui déblayent les décombres des maisons gravement endommagées par les attentats du 7 octobre ont arrêté leurs bulldozers et filment la scène, tandis que des chars passent dans un nuage de poussière en arrière-plan.

Conscientes de la faible probabilité que leurs cris soient entendus, les familles utilisent ces haut-parleurs comme un espace d’expression cathartique. Après onze mois d’attente, d’angoisse et de désillusion, toute leur fatigue et leur douleur se déversent à tue-tête : « Désolé, désolé, désolé Ofer », Hadas Kalderon, mère de deux enfants libérés par le Hamas lors du premier accord, et dont l’ex-mari est toujours captif à Gaza, s’effondre. « Je me sens coupable chaque jour qu’il soit toujours à Gaza, confie le Franco-israélien en ravalant un sanglot. Et je m’excuse également au nom de ce gouvernement qui est incapable de faire quoi que ce soit.« Parler à leurs proches est quelque chose qu’ils aimeraient faire tous les jours. Ils ont là un nouvel espace où ils peuvent lâcher prise, le corps en a besoin », commente Sigal, psychologue bénévole au Forum des familles d’otages et de personnes disparues.

« Si tu ne m’entends pas, Bibi le peut. »

Réunis cette semaine au Caire, les négociateurs se sont une nouvelle fois heurtés à l’intransigeance des deux belligérants, incapables de trouver un compromis sur le contrôle des corridors stratégiques de Philadelphie, le long de la frontière avec l’Egypte, et de Netzarim, au milieu de l’enclave. Aucun accord en vue à ce jour. Face à Gaza, où près de 40 000 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre 2023, les familles des otages crient aussi leur colère contre leurs dirigeants politiques : « Nimrod, nous continuons à lutter contre le gouvernement pour qu’il signe un accord. Nous voulons que cet accord mette fin à ce cauchemar », a-t-il ajouté. Yehuda Cohen continue en s’adressant à son fils. « Si tu ne m’entends pas, Bibi, lui, il le peut. » dit Yael Adar, mère de Tamir, tué en captivité et dont le corps est toujours à Gaza : « Ceux qui torpillent l’accord ont du sang sur les mains. »

Derniers à prendre la parole, les proches d’Idan Shtivi, 29 ans, capturé lors du festival Nova, conduisent la foule plus près de la frontière avec Gaza, dans un passage-barrière préalablement coordonné avec l’armée. « Je rêve de me rapprocher d’eux depuis le premier jour » soupire Hadas Kalderon, qui fut surpris par le départ du groupe et n’eut pas la rapidité nécessaire pour passer la barrière avant que l’armée ne la ferme. « Si cela ne tenait qu’à moi, je serais moi-même allé à Gaza pour récupérer nos otages. »

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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