Près de 9 milliards d’économies et 5 milliards de recettes en moins… La Cour des comptes prescrit une potion amère aux élus locaux
Alors que leurs dépenses explosent cette année, un rapport suggère des moyens radicaux d’impliquer les communautés « au redressement des finances publiques« .
Après le bras de fer qui les a opposés vivement au ministre de l’Economie sortant, Bruno Le Maire – qui les accusait d’être à l’origine du dérapage du déficit de cette année – les élus locaux verront probablement rouge. Un rapport de la Cour des comptes, publié ce mercredi, préconise des solutions chocs pour les aider à contribuer au redressement des finances publiques. Résultat : 8,8 milliards d’économies et 5,4 milliards de revenus en moins.
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Dans un chapitre consacré aux perspectives financières des collectivités en 2024, l’institution souligne « une accélération des dépenses » Et « un écart croissant entre les communautés et la trajectoire financière » sur lequel l’Etat s’est engagé auprès de Bruxelles. « En 2023, les dépenses de fonctionnement des collectivités ont augmenté de 6,1 % à périmètre constant, en hausse ainsi de 1,2 point en volume, après une hausse plus limitée en 2022 (+0,2 point). Sur les huit premiers mois de l’année 2024 (de janvier à août), les charges d’exploitation ont augmenté de 5,4% à périmètre constant par rapport à la même période de 2023. » Bref, un dérapage que la Cour épingle sans le nommer.
Réduire directement les revenus
Le deuxième chapitre du rapport correspond à « examen des dépenses » ordonné à la Cour par Gabriel Attal en mars. Cette revue propose donc des suggestions « concernant les modalités de participation des collectivités à la réalisation des objectifs fixés par la loi de programmation des finances publiques ». En clair, réduire les déficits des communes, départements et régions – qui comptent dans le déficit public au sens de Maastricht – par la volonté ou par la force.
Au total, les experts de l’institution proposent des mesures de réduction des dépenses pour les collectivités, représentant un montant total qui atteindrait à terme 8,8 milliards d’euros d’économies par an. La majorité de ces réductions de dépenses seraient entre les mains des communautés. La Cour leur conseille de « maîtriser l’évolution des effectifs » afin de les ramener à leur niveau du début des années 2010. Selon le rapport, cela représenterait « une économie de dépenses de 4,1 milliards d’euros par an à partir de 2030 ». Afin de réduire la masse salariale, l’institution recommande également aux élus locaux d’aligner « la durée du travail sur sa durée légale » — c’est-à-dire réduire la rémunération des heures supplémentaires. Le résultat est une économie de 1,3 milliard d’euros par an. La Cour soutient également que les autorités locales pourraient générer des économies allant jusqu’à 3 milliards d’euros d’ici 2027 en adoptant « bonnes pratiques en matière d’achats publics ». Enfin, pour réduire les dépenses, l’institution recommande au ministère des Finances et à celui des Collectivités locales d’instaurer une obligation d’amortissement de l’ensemble du patrimoine des communes et intercommunalités, ce qui rapporterait environ 400 millions d’euros par an.
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Pour le reste de « économies »la Cour des comptes s’adresse au gouvernement en proposant de réduire directement les recettes des collectivités locales. « Les réductions de revenus des communautés doivent les inciter à mobiliser leur potentiel d’épargne dans les dépenses réelles de fonctionnement »plaide l’institution, dans une logique qui risque de faire hurler les élus locaux.
L’idée est simple : comme les communautés sont tenues de voter pour un budget de fonctionnement équilibré, si leurs revenus diminuent, elles seront contraintes de réduire leurs dépenses. Pour ce faire, la Cour propose de fixer « par la loi de finances annuelle le taux de revalorisation des valeurs locatives cadastrales ». Aujourd’hui, cette revalorisation nationale de la taxe foncière est automatiquement indexée sur l’inflation, mais si ce n’était plus le cas, le Parlement pourrait fixer ce taux de hausse en dessous de celui des prix. Cette mesure pourrait entraîner des pertes de recettes pouvant atteindre 1,6 milliard d’euros en 2027. De même, la Cour propose que l’État transfère simplement moins d’argent aux collectivités, ce qui générerait une économie de 300 millions d’euros d’ici 2025.
Autre point central des finances locales : ces dernières perçoivent une part des recettes de TVA (52,8 milliards d’euros en 2023). Les auteurs recommandent « clipser » l’augmentation des recettes fiscales allouées aux collectivités pour les reverser à l’État, ce qui représenterait une économie de 2,7 milliards d’euros d’ici 2027, à laquelle s’ajouteraient 800 millions d’euros pour un autre impôt affecté, le TSCA. Toujours en ce qui concerne les recettes de TVA, la Cour propose d’attribuer « une partie de l’augmentation des recettes de TVA aux fonds de résilience » – soit une réserve qui permettrait de financer les besoins des collectivités en cas de crise, sans puiser dans les caisses de l’Etat.
Bref, un régime qui ne sera sans doute pas du goût des principaux concernés. Mais, « la participation des collectivités au redressement des finances publiques est justifiée par la part des dépenses locales dans l’ensemble des dépenses publiques (17,8 % en 2023), par le financement majoritaire des collectivités par des transferts financiers de l’État (53,5% de leurs recettes en 2023) et par l’observation des possibilités d’amélioration de la qualité des dépenses locales.justifie la Cour.