pouvez-vous citer l’actualité politique dans votre copie ?
Un baccalauréat 2024 en pleine crise politique. Alors que la campagne des législatives bat son plein sur fond de dissolution de l’Assemblée nationale, les étudiants de dernière année s’apprêtent à travailler leur rédaction de philosophie ce mardi 18 juin. Face à l’ampleur du bruit médiatique et à la virulence des débats, les lycéens seront sans doute tentés de s’inspirer de l’actualité pour enrichir leurs devoirs.
Très souvent, les références politiques des étudiants ressemblent davantage à une contre-discussion qu’à une réflexion argumentée.
Félix Tourmente, du Lycée Jehan de la Beauce de Chartes
Évidemment, tous les thèmes ne sont pas adaptés à cela. Et les étudiants auront plus de mal à convoquer des élections si le sujet relève de l’art ou du langage que s’il concerne la justice ou l’État. Certains professeurs de philosophie déconseillent cependant, comme Félix Tourmente, du lycée Jehan de la Beauce de Chartes, tout exemple tiré de l’actualité. Même si le sujet le permet. « Le risque est de se lancer dans un mauvais commentaire journalistique et de ne pas proposer d’analyse. » déclare-t-il. « Très souvent, les références politiques des étudiants ressemblent davantage à une discussion de bar qu’à une réflexion raisonnée. Ils sont aussi parfois utilisés pour masquer leur manque de connaissances.
Beaucoup de pensées simplistes
Estelle Challamel, professeure de philosophie à l’école secondaire Notre-Dame-des-Oiseaux, partage cette analyse. « En général, les étudiants qui citent l’actualité disent des banalités. L’année dernière, par exemple, le sujet était la guerre et beaucoup ont mentionné l’Ukraine. Mais dans la majorité des cas, nous ne sommes pas allés au-delà d’une pensée simpliste, qu’elle soit guerrière ou pacifiste. »
Pour autant, les deux professeurs ne sont pas catégoriques. « Dans l’absolu, n’importe quel exemple particulier peut être pertinent, à condition de savoir le contextualiser correctement et montrer comment il éclaire un concept ou une analyse. Ce que les étudiants ont souvent du mal à faire avec l’actualité explique Félix Tourmente.
De son côté, Estelle Challamel recommande même à certains bons élèves de participer à l’exercice. L’enseignante a dans sa classe deux lycéens qui utilisent l’actualité à bon escient. « Ils suivent la spécialité géopolitique et ont le recul nécessaire pour y parvenir »explique le professeur.
Rompre avec les clichés
Mais alors, comment sortir du cliché et utiliser correctement nos connaissances ? Selon Estelle Challamel, l’enjeu est de réussir à relier le général au particulier et de s’appuyer sur des faits pour illustrer les arguments. L’enseignant rappelle que ces éléments « ne justifient en aucun cas l’idée. » « Elles sont comparables à des images qui donnent corps à des notions abstraites. » Selon le professeur, ces faits peuvent être utilisés à la fois comme accroche d’un essai et comme exemple à tout autre endroit de la copie.
Selon Félix Tourmente, « La virulence des récentes oppositions politiques en France pourrait, par exemple, constituer une bonne illustration pour remettre en question certaines notions sur l’État et le pouvoir. Selon Raymond Aron, rappelle l’auteur, une démocratie est possible si l’on trouve dans la société « une organisation constitutionnelle de compétition pacifique pour l’exercice du pouvoir ». Dans une sous-section, continue le professeur, on pourrait se demander si la violence de l’opposition entre certains partis politiques constitue toujours cette « concurrence pacifique » nécessaire à la démocratie. Dans ce contexte, l’élément factuel ne reste pas coincé mais vient illustrer et questionner le contexte », conclut-il.
Les sujets sont déterminés bien à l’avance
Chaque année, certains candidats pensent que le sujet est déterminé expressément en fonction de l’actualité. « Mais ils se font toujours des illusions », rapporte Félix Tourmente. « En réalité, les sujets sont choisis un an à l’avance. Si les candidats tombent sur la moralité ou la justice, ce ne sera que le fruit du hasard et non une incitation à commenter les élections législatives. termine le professeur de philosophie.