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pourquoi la prise de Vouhledar par l’armée russe constitue une défaite stratégique et symbolique pour Kiev

Après deux ans et demi de combats, l’armée ukrainienne s’est retirée de cette ville, illustrant ses difficultés à maintenir ses positions dans l’est du pays. La Russie a revendiqué jeudi la prise de cette localité.

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La ville ukrainienne de Vouhledar, détruite par les bombardements russes, située dans la région de Donetsk, le 22 août 2024. (GAELLE GIRBES / GETTY IMAGES EUROPE)

Elle a fini par tomber. L’armée ukrainienne a annoncé mercredi 2 octobre son retrait de la ville de Vouhledar, la laissant aux mains des troupes russes après deux ans et demi de combats meurtriers. « Le haut commandement a autorisé la manœuvre de retrait de Vouhledar pour permettre de sauver des hommes et du matériel militaire et de prendre de nouvelles positions pour la suite des opérations »a expliqué sur Telegram le regroupement des forces ukrainiennes dans la zone.

Le lendemain, jeudi 3 octobre, la Russie revendiquait la prise de cette localité, située dans l’est de l’Ukraine. «Grâce aux actions résolues des unités du groupement de troupes Est, la localité de Vougledar (…) a été libérée»s’est félicité le ministère russe de la Défense sur Telegram. Franceinfo vous explique pourquoi ce retrait est un coup dur pour Kiev dans le conflit.

Parce que Vouhledar est une position hautement stratégique

Les combats dans cette ville, qui ont duré près de 15 000 habitants avant le début de la guerre, le 24 février 2022, a commencé dès les premières semaines de l’offensive russe. Ville minière de charbon située dans la région de Donetsk (est du pays), construite par l’Union soviétique dans les années 1960, Vouhledar était l’une des cibles prioritaires de Moscou.

Outre la présence de mines de charbon, la ville, aujourd’hui en grande partie détruite par les bombardements incessants, offre l’avantage d’être située en hauteur et de permettre aux troupes qui la contrôlent d’avoir une vue panoramique sur les environs. C’est également un carrefour stratégique pour l’approvisionnement des deux camps, car il est situé à la jonction des fronts est (régions de Louhansk et Donetsk) et sud (régions de Zaporijia et Kherson).

Carte illustrant les zones de combat stratégiques dans l'oblast de Donetsk, Ukraine, le 9 mai 2023. (AGENCE YASIN DEMIRCI / ANADOLU)

Cette guerre offrira à la Russie la possibilité de frapper l’Ukraine encore plus profondément et obligera les troupes ukrainiennes à battre en retraite. « Vouhledar est un nœud logistique qui, en cas de perte, impliquerait mécaniquement un retrait de la ligne défensive, car les Ukrainiens devraient alors s’appuyer sur d’autres nœuds logistiques situés plus profondément »avait expliqué a Ouest de la France Thibault Fouillet, directeur scientifique de l’Institut d’études de stratégie et de défense, avant le retrait ukrainien. « Potentiellement, la perte de la ville menace la sécurité de toute la partie sud-ouest de l’oblast de Donetsk »a également résumé fin septembre Federico Borsari, chercheur au Centre d’analyse des politiques européennes, dans le Indépendant de Kyiv.

Car ce retrait illustre les carences de l’armée ukrainienne

Dès septembre, plusieurs responsables ukrainiens avaient estimé que tenir Vouhledar devenait de plus en plus difficile, les Russes bombardant constamment cette zone avec des bombes aériennes guidées très puissantes. « La tactique principale (Russes) était de nous encercler sur les flancs, et ils l’ont fait constamment pendant six à sept mois avec des attaques aériennes constantes. Grâce à cette tactique, ils ont réussi à épuiser nos ressources, car nous n’en avons pas autant qu’eux. »Arsenii Prylipka, chef du bureau de presse de la 72e brigade, qui défend la ville depuis août 2022, a déclaré à ABC.

Pourtant, les troupes ukrainiennes ont réussi à repousser les Russes l’année dernière. « En janvier et septembre 2023 notamment, les Russes avaient perdu des dizaines, voire des centaines de véhicules blindés et de chars, détruits par l’artillerie ukrainienne et les champs de mines installés depuis des mois »en écrivant Le Figaro.

Mais, malgré cette résistance acharnée, les troupes ukrainiennes doivent céder, notamment face à la force de frappe russe. « Ils ont du matériel, ils ont des armes et ils ont plus de monde que nous »a expliqué à l’AFP un commandant ukrainien, chargé de défendre la ville. Symboliquement, Vouhledar constitue donc une lourde perte après plus de deux ans et demi de lutte et alors que Volodymyr Zelensky s’est rendu il y a deux semaines aux Etats-Unis pour présenter son « plan de victoire », exigeant toujours l’autorisation des Américains et des Européens d’utiliser leurs armes à longue portée.

Parce que sa chute symbolise les avancées russes

Avant de revendiquer cette victoire, la Russie a d’abord fait preuve de prudence. « Nos soldats sont à Vouhledar, un drapeau russe a été planté sur le bâtiment de l’administration locale. Mais il est prématuré de parler de prise de la ville. »Ian Gaguin, conseiller du chef des forces d’occupation de la région de Donetsk, a déclaré mercredi à l’agence de presse officielle russe RIA Novosti. « Il existe encore des unités dispersées de l’armée ukrainienne. Une opération de nettoyage est en cours et prendra du temps », il a ajouté.

Mais cette chute illustre les avancées des Russes, qui grignotent du terrain à l’Est et se rapprochent de plus en plus de Pokrovskune ville clé pour la logistique ukrainienne. Cette victoire réconforte Vladimir Poutine qui vient de présenter son projet de loi de finances 2025 qui prévoit une augmentation de 30 % des dépenses militaires l’année prochaine. Le budget militaire national avait déjà explosé de près de 70 % en 2024. Le président russe avait érigé mi-septembre « renforcer la capacité de défense du pays » Et « intégration régionale » Les femmes ukrainiennes occupées comme « priorités ».

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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