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pourquoi de plus en plus de jeunes musulmans envisagent de quitter la France

Ils ne supportent plus ce sentiment permanent d’être montré du doigt : des Français musulmans confient à franceinfo leur mal-être en France, alors qu’un livre-enquête sur ce phénomène sort ce vendredi en librairie.

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Etudiants de la faculté de Montpellier (photo d'illustration).  (ALEX BAILLAUD/MAXPPP)

« Tu aimes la France, mais tu la quittes » : c’est le titre d’un livre qui sort vendredi 26 avril 2024 et qui « enquête auprès de la diaspora musulmane française« Ces départs vers l’étranger de jeunes Français de confession musulmane, pour la plupart diplômés, se comptent par milliers.

Comme Naomi, rencontrée par franceinfo, ils disent ne plus supporter ce sentiment permanent d’être montré du doigt. A 25 ans, la jeune femme originale »Afrique du Nord et subsaharienne« , « mixte« , résume-t-elle, titulaire d’un bac+5 en ressources humaines et musulmane pratiquante, confie qu’elle ne se sent plus chez elle dans son pays de naissance. « Nous avons ce sentiment d’oppression constante. C’est compliqué de pratiquer sa spiritualité ici sans être constamment stigmatisé. C’est épuisant mentalement. Ce ne sont que des microagressions sur les réseaux sociaux. »confie-t-elle.

« Nous ne sommes vraiment pas populaires ici, donc je ne vois pas pourquoi je resterais. »

Naomi, 25 ans

sur franceinfo

Mehdi, 25 ans également, est gestionnaire de fortune multi-diplômé. Il prépare également son départ de France d’ici 2025 pour le Maroc. « C’est une accumulation de commentaires qui nous attaquent. Je ne regarde plus la télévision parce que cela rend écoeurant le traitement médiatique des musulmans à chaque fois qu’il se produit un événement, un fait divers… »se lamente-t-il.

« Amalgames » et islamophobie

Selon eux, il existe un discours anti-musulman qui ne fait que croître. Ils décrivent des points de bascule, comme les attentats de 2015-2016. «C’était affolant l’amalgame qui existait, se souvient Naomi. Nous sommes toujours comparés à des terroristes ! Et plus récemment, l’attaque terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre, soulignée par Medhi. « Dès qu’on interrogeait un musulman à propos du 7 octobre, on s’attendait toujours à voir : va-t-il se tromper ? Nous allons être très attentifs à ce qu’il dit. Pourquoi ne condamnez-vous pas le Hamas ? Un musulman n’avait pas le droit de dire ‘bonjour’ sur un poste de télévision, il devait répondre directement. »

C’est parce qu’il se sentait constamment stigmatisé que Rédouane, aux racines algériennes et italiennes, est parti s’installer au Maroc il y a 6 ans. « Ce sont surtout les discours politiques, la peur qui est générée, tous ces débats sur l’islam compatible avec la France ? Les musulmans peuvent-ils vivre dans la République ?, il explique. C’est ce qui m’a vraiment blessé. En 2018, il avait déclaré avoir reçu des menaces de mort après avoir détaillé sur son compte X (Twitter, à l’époque) les raisons de son départ dans un long post.

Partez pour vous sentir plus libre de pratiquer votre religion

Le départ de France leur permettra de pratiquer leur foi comme ils le souhaitent. Naomi a choisi de s’installer au Japon, où elle a effectué plusieurs allers-retours. Elle apprend la langue et pense que son voile ne provoquera pas de réaction. « Au Japon, je le porterai, elle dit. J’ai été très surpris par leur ouverture envers l’Islam. Mehdi a choisi le Maroc, d’où sont originaires ses parents, pour se sentir plus libre dans sa pratique religieuse, même si la laïcité française protège la liberté de culte. « Je peux pratiquer ma religion comme je veux. Personne ne me regardera là-bas parce que je prie. Si je jeûne, personne ne me posera de questions stupides comme : peux-tu avaler ta salive ? Nous ne le sommes pas. tu ne vas pas me demander toutes les deux minutes : pourquoi tu n’as pas bu d’alcool ? »

Mais globalement, la première raison invoquée par ces candidats à l’exil est avant tout de mettre fin aux discriminations, au plafond de verre qu’ils perçoivent, explique Redouane, directeur marketing d’une multinationale française au Maroc. Il est parti « pour des opportunités professionnelles et pouvoir apporter mes compétences dans un pays qui a vraiment besoin de moi », il confie. A 33 ans, l’expatrié gagne un peu moins de 5 000 euros par mois, une opportunité qu’il ne se voyait pas obtenir en restant en France.

« Une forme de fuite des cerveaux »

L’Islam est la deuxième religion en France. Il est toutefois difficile de mesurer l’ampleur du phénomène, les statistiques ethniques étant interdites en France. Julien Talpin, l’un des auteurs de l’enquête sur la diaspora musulmane française, Tu aimes la France mais tu la quittes, qui sort le vendredi 26 avril, l’admet. Pourtant, le directeur de recherche en sciences politiques au CNRS parle d’un « exode des cerveaux ». « Il est relativement certain que cela concerne plusieurs milliers de personnes et peut-être quelques dizaines de milliers », avance le chercheur. Ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit d’une forme de fuite des cerveaux. La majorité des personnes qui partent sont des diplômés de l’enseignement supérieur, titulaires d’au moins un master, ayant fréquenté des universités prestigieuses. »

« C’est une forme d’irrationalité de la société française qui a investi des ressources dans l’éducation et, en même temps, on ne leur donne pas la possibilité de contribuer à l’économie française et à la croissance. »

Julien Talpin, directeur de recherche en science politique au CNRS

sur franceinfo

Parmi tous ces Français, déjà partis ou sur le point de partir, un sentiment de déchet et de tristesse revient souvent. « C’est un regret car j’aurais aimé pouvoir apporter plus en France, pouvoir y travailler, pouvoir développer des choses pour améliorer le pays.avoue Rédouane. Mais au final, cette ambiance m’a permis d’apporter mes compétences dans d’autres pays. ». Et il n’envisage pas une seule seconde de retourner vivre en France.

Cammile Bussière

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