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Pourquoi les vignerons investissent dans un robot bien plus cher qu’un tracteur

Selon les calculs de l’Institut français de la vigne et du vin, travailler avec un robot coûte bien plus cher qu’avec un tracteur. Néanmoins, leurs utilisateurs y trouvent de nombreux avantages.

CONTRE

Histophe Gaviglio, ingénieur à l’IFV et spécialiste du matériel agricole et de la viticulture de précision, a fait ses calculs. Et ils ne sont pas favorables aux robots, du moins si l’on regarde le coût de production.  » Pour l’instant, les robots font principalement du travail du solil explique. Avec les tracteurs, le coût du désherbage mécanique d’une quarantaine d’hectares de grandes vignes est estimé entre 400 et 600 €/ha/an. Dans les mêmes conditions, le désherbage chimique coûte près de 150 €/ha/an. Alors qu’avec un robot enjambeur vendu 200 000 € et amorti sur cinq ans on est autour de 1 000 €/ha/an. »

Pas seulement un choix économique

Alors pourquoi investir dans ces machines, plus coûteuses que les solutions traditionnelles, du moins sur le papier ? « Choisir un robot n’est pas qu’économique : à l’usage, il y a des co-bénéfices liés au robot », explique l’expert. Ces bénéfices indirects incluent la réduction des herbicides, de la pénibilité et du compactage des sols, mais aussi une organisation du travail optimisée. Autant d’apports difficilement quantifiables, mais qui comptent beaucoup dans les décisions d’achat.

Au Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande, à Pauillac (33), deux robots Bakus de Vitibot tournent dans les parcelles. Le premier a été acquis en 2021 et le second en 2023. « Nous n’avons pas acheté le premier robot dans un souci de profit, mais par intérêt pour la technologie. C’est vrai que le robot ne travaille qu’un rang à la fois alors qu’on en travaille deux avec un enjambeur”» précise François Taris-Loiry, directeur du vignoble du château.

« Plus léger qu’un enjambeur »

Puis il nuance : « Je ne sais pas si c’est plus ou moins rentable que l’enjambeur, mais avec le robot on est plus précis dans la trajectoire et le réglage des outils. Le robot est également plus léger qu’un enjambeur : il peut être remis dans les vignes plus rapidement après la pluie, sans creuser d’ornières. Lorsqu’il pleut beaucoup, comme cette année, cela permet de démarrer la maintenance beaucoup plus tôt. »

Depuis l’acquisition de sa deuxième machine, le château réfléchit à la manière de faire fonctionner les deux robots sur la même parcelle sous la supervision d’un seul ouvrier afin de réduire les coûts.

À Brissac-Loire-Aubance (49), un robot enjambeur Bakus est arrivé en décembre 2021 au domaine Sainte-Anne. La famille Brault a investi 205 000 € dans cet équipement, y compris sa plateforme de transport et ses outils. Elle a bénéficié d’une aide de 18 000 € du PCAE et du FEADER.  » Même sans aide, nous aurions investi, explique Florian Brault. Nous voulions réduire les herbicides et préparer leur éventuelle interdiction. Nous avons donc étudié toutes les solutions de désherbage pour nos 56 ha et sommes tombés sous le charme de ce robot. Pour travailler nos sols, il nous aurait fallu un employé supplémentaire et un tracteur. L’avantage avec le robot, c’est que notre employé peut le suivre sur un tracteur, tout en effectuant une autre tâche comme la tonte. »

« Service après-vente très réactif »

Florian Brault ajoute qu’en cas de panne, il ne perd pas : « Le service après-vente est très réactif. Les pannes peuvent être gérées à distance grâce aux données transmises par le robot. »

A Saint-Georges-sur-Cher, au domaine Les Pierres d’Aurèle – 40 ha labellisés Terra Vitis -, Pierre-André Frot et son épouse cherchaient une solution d’entretien du cavaillon économe en énergie fossile lorsqu’ils ont décidé pour convertir 25 ha en bio. « Pour nous, cela ne servait à rien d’échanger 1 litre de glyphosate contre 30 litres de carburant… », explique le vigneron. Très vite, le couple est convaincu par la robotique. Leur choix se porte alors sur le Bakus L.

En 2022, ils investissent 180 000 €, robot et outils de binage compris. Son épouse étant nouvellement installée, ils bénéficient de l’aide aux Jeunes Agriculteurs en plus de celle liée à la conversion au bio. De quoi financer 50 % de l’investissement.

Pierre André Frot l’avoue : « Nous n’avons pas réalisé d’économies avec cet achat, même avec l’aide car nous avons modifié nos parcours techniques pour passer au bio, augmenté la qualité de notre production et commencé à monter en gamme. Ce n’est pas l’économie que nous visions. Notre première réflexion a été : quelle sera notre opération demain ? »

Parmi les co-bénéfices du robot, le vigneron cite son effet d’attraction dans un contexte de recrutement compliqué. « Travailler avec une technologie de pointe et un confort inégalé est inspirant ! », il dit. Pierre-André Frot trouve aussi des avantages très pratiques à son nouvel ouvrier : « Nous sommes constamment à côté des outils ; Il est beaucoup plus facile de les réparer. » Il souligne également la précision du travail effectué « et tout cela sans bruit ! ».

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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