Quand on la retrouve dans sa chambre d’hôpital, Sophie (le prénom a été modifié à la demande de la victime, afin de préserver son anonymat) peine à nous saluer.
Presque aphasique, toujours confronté à grande difficulté à avaler, alimenté par sonde gastrique, la quadragénaire azuréenne, mère de deux jeunes enfants, est venue de loin, très loin. Et son visage triste raconte à lui seul les terribles épreuves qu’elle vient de traverser, et tout ce qu’elle doit encore affronter avant de recouvrer la santé.
Trois jours après l’injection, elle s’effondre et menace de suffoquer
Cette santé, c’est un faux injecteur qui lui a fait perdre il y a presque trois semaines. Le 4 avril dernier précisément. Ce jour-là, Sophie a rendez-vous dans un appartement à Nice avec cette femme qui se présente comme une spécialiste diplômée en médecine esthétique, et qui pratique par ailleurs des tarifs au moins équivalents à ceux des médecins. Sophie est pleinement confiante; elle y a déjà eu recours, après que son coiffeur mais aussi d’autres connaissances aient loué ses talents. Et les publications que le « spécialiste » publie sur les réseaux sociaux, Instagram notamment, ont fini de la convaincre.
Ce 4 avril, Sophie va « bénéficier » d’injections de Botox sur le visage et le cou, plus précisément dans les cordons verticaux (cordons platysmal ou cou « de dinde »). Trois jours passent, sans aucun signe avant-coureur. Et puis, un soir, alors qu’elle mâchait du chewing-gum, Sophie menace de s’étouffer. Rapidement, elle n’arrive plus à avaler, ses enfants, âgés de 6 et 8 ans, regardent, effrayés, le drame se dérouler. Le mari de Sophie l’emmène aux urgences de l’hôpital Pasteur.
Pas d’antidote à cette paralysie du larynx et du pharynx
L’entretien clinique permettra aux médecins d’établir immédiatement un lien entre les injections et la paralysie qui s’étend progressivement au visage, au larynx (organe du système respiratoire situé au niveau de la gorge) et le pharynx (par lequel les aliments passent de la bouche à l’œsophage lors de la phase de déglutition).
Des ORL sont appelés à son chevet, tandis que Sophie peine à respirer. Ils sont très inquiets.
Un interne tente de contacter la personne qui s’est injectée, afin d’obtenir des informations sur la toxine. Silence radio. Bien qu’aucun antidote n’existe, ils peuvent seulement placer Sophie sous surveillance, la nourrir par sonde gastrique et être prêts à réaliser une trachéotomie (ouverture de la trachée) en cas d’aggravation respiratoire. Le Botox injecté paralysera-t-il complètement la gorge ?
Le scandale des « faux injecteurs »
Injections illégales (Fake injecteurs) en médecine esthétique donnent lieu à de vives controverses ; Alors que les interventions sont censées être sûres et réalisées par des professionnels qualifiés, chirurgiens ou médecins esthétiques, de nombreuses personnes sont victimes de mauvaises pratiques, après avoir été « harponnées » via les réseaux sociaux. Plusieurs faux injecteurs ont été condamnés en France pour exercice illégal de la médecine.
Une plainte déposée pour exercice illégal de la médecine
Enfin, Sophie franchira le cap fatidique des 10 jours. Mais combien de temps encore devra-t-elle être nourrie par sonde gastrique ? Quand pourra-t-elle à nouveau parler ? Trois semaines, trois mois ? Les médecins ne savent pas répondre à ces questions qui tourmentent Sophie autant que son mari et ses enfants, faute d’informations sur la toxine botulique qui a été injectée au visage et au cou de la jeune femme.
Aujourd’hui, ils peuvent simplement accompagner Sophie. « Ça va un peu mieux ? »demande le professeur Laurent Castillo, ORL à l’IUFC où elle est hospitalisée. Il faut écouter attentivement pour entendre les réponses de Sophie. « Oui »murmure la jeune femme. « Et si on avalait ? » « Ça bloque… »» elle respire avant de cracher dans la bassine qu’elle tient sous son visage. « Lorsque vous avalez, l’œsophage ne peut pas s’ouvrir et il passe dans les poumons. C’est pourquoi vous êtes nourri par sonde gastrique. »commente le chirurgien.
Sophie pourra quitter l’IUFC ce jour là, avec la fourniture d’une hospitalisation à domicile. Le couple a porté plainte par l’intermédiaire de son avocat, Kim Camus. Le Conseil de l’Ordre des médecins des Alpes-Maritimes s’est associé à l’exercice illégal de la médecine.
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