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ce documentaire de Mathieu Kassovitz prend le Canada comme exemple vertueux pour la légalisation

Thanasis/Getty Images La légalisation du cannabis au Canada semble porter ses fruits en termes de réduction du trafic.

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La légalisation du cannabis au Canada semble porter ses fruits en termes de réduction du trafic.

CANNABIS – Mathieu Kassovitz n’en croyait pas ses yeux. Lors d’une visite au Canada, il a découvert des entrepôts entiers remplis de plants de cannabis dans une usine. Et dans ce pays, tout cela est… légal. Pratiquement inconcevable pour le réalisateur, alors que la production, la vente et la consommation de cannabis sont strictement interdites en France. Le gouvernement a également lancé ces derniers jours une vaste opération de lutte contre les trafiquants de drogue, et le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, fustige le « des bobos qui fument de l’herbe » et qui ont « du sang sur mes mains « , selon lui.

C’est dans ce contexte que France Télévisions diffuse le documentaire sobrement intitulé Cannabis ce mardi 2 avril sur France 5, réalisé par Mathieu Kassovitz et Antoine Robin. L’objectif : comparer la situation française, » un des pays au monde où la loi est la plus répressive concernant la consommation et la possession de cannabis » à celle des pays où le cannabis est dépénalisé, partiellement ou totalement légalisé.

Première étape, au Maroc, où la situation est floue : la culture du cannabis est autorisée, officiellement à des fins thérapeutiques et médicales, mais inonde le marché illégal européen. Les Pays-Bas ? Même si la vente et la consommation sont tolérées, il est illégal de produire du cannabis. Résultat : d’innombrables coffee shops s’approvisionnent au marché noir et le pays se retrouve en proie à des réseaux mafieux. Quant à l’Espagne, la consommation est autorisée dans un cadre associatif, mais l’achat et la consommation dans la rue sont interdits.

Reste le Canada, un pays qui a légalisé en 2018 » la production, la distribution, la vente, l’importation, l’exportation et la possession de cannabis pour les adultes majeurs », selon le site Web du gouvernement local, à des fins récréatives et médicales. Même si le système n’est pas parfait et qu’il n’y a pas assez de recul pour tirer des conclusions définitives, il semble être le meilleur exemple en matière de légalisation du cannabis, selon le documentaire.

Contrôle de production

Au Canada, le cannabis obéit aux mêmes règles que n’importe quel produit de consommation courante. L’objectif de la légalisation était d’offrir aux consommateurs canadiens un produit contrôlé et de qualité, afin que le pays contrôle sa production et sa vente, et les associe à des politiques de santé publique et de prévention, mais aussi de lutte contre le trafic.

Les usines chargées de produire du cannabis sont donc soumises à des règles strictes, avec des contrôles fréquents. Dans les points de vente, des informations – comme la teneur en THC – sont affichées sur chaque produit, et il est interdit d’en acheter plus de 30 grammes. La limite d’âge est fixée selon les Etats, entre 18 et 21 ans.

Ce contrôle des ventes permet également de lutter contre le marché illégal. Au premier trimestre 2018, avant la légalisation, le marché licite (médical et non médical) représentait 154 millions de dollars canadiens, contre 1,232 millions pour le marché illicite – le cannabis à des fins thérapeutiques était en partie légal avant 2018. La tendance s’est complètement inversée depuis, selon un rapport. Étude du gouvernement canadien : au dernier trimestre 2021, le marché licite représentait 1,333 millions de dollars, contre 660 millions pour le marché illicite.

« Si le marché illégal met un peu de temps à se résorber, c’est parce que certaines personnes ont continué à y acheter du cannabis, pour plusieurs raisons »explique Line Beauchesne, professeure au département de criminologie de l’Université d’Ottawa, que nous avons contactée. « Au début de la légalisation, les prix n’étaient pas encore compétitifs par rapport au marché noir. Certaines personnes ne voulaient pas non plus payer leur cannabis avec leur carte de crédit. Le processus pour les obtenir étant un peu long, les consommateurs se sont tournés vers le marché noir, où la livraison était rapide. »

Campagnes de prévention

Le Canada a également investi dans les politiques de prévention et de santé publique – une partie des bénéfices provenant de la vente de cannabis légal, l’autre partie allant à la recherche scientifique sur le sujet. Une prévention qui semble porter ses fruits. L’Enquête canadienne sur le cannabis (ECC) 2021 révèle également que 78 % des répondants ont convenu qu’ils avaient accès à « suffisamment d’informations fiables sur les risques sanitaires liés à la consommation de cannabis pour prendre des décisions éclairées. »

Cependant, le nombre total de consommateurs a-t-il diminué ? « Chez les jeunes, les choses n’ont pas changé. Mais davantage de personnes de 50 ans et plus consomment. Il s’agit de personnes qui ont fumé dans leur jeunesse et qui ont recommencé avec la légalisation, ou encore des personnes qui consomment du cannabis pour s’automédicamenter. »explique Line Beauchesne.

Peut-il être transposé en France ?

Alors pourquoi ne pas transposer ce système en France ? Pour rappel, la France compte cinq millions de consommateurs réguliers de cannabis, selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Il y a 4 000 points de deal et le « Le cannabis rapporte près de 3 milliards d’euros aux dealers », selon le documentaire. Mais « L’efficacité d’un modèle dans un pays ne présuppose pas son efficacité dans un autre »prévient Renaud Colson, maître de conférences à l’université de Nantes et spécialiste des politiques en matière de drogue.

Selon lui, plus qu’une question de moyens, la légalisation du cannabis est une question de volonté politique. Et il ne voit aucune limite technique qui pourrait faire obstacle à la légalisation. De plus, il estime que le cannabis est entré dans la culture française et qu’il est là pour rester. «  Face à une économie informelle dont on est certain qu’elle ne disparaîtra pas, il semble que la meilleure façon de pacifier un marché qui a vocation à perdurer est de l’organiser légalement.estime l’avocat.

Plutôt que le modèle canadien, Renaud Colson estime que la France devrait légaliser la consommation, et permettre aux usagers de s’organiser en Clubs sociaux, « comme en Espagne ou en Allemagne ». En tout cas, Mathieu Kassovitz a aussi son avis sur la question, et estime que la France pourrait « s’inspirer du modèle canadien »ou au moins « ouvrir le débat » de légalisation basée sur cet exemple.

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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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