Divertissement

« Oppenheimer » diffusé au Japon, le seul pays à avoir été frappé par l’arme atomique

Un employé nettoie un écran montrant une publicité pour « Oppenheimer » à Tokyo, le 29 mars 2024, jour de la sortie du film dans les salles japonaises.

Un film attendu et redouté par les Japonais. Le film Oppenheimer, de Christopher Nolan, est sorti vendredi 29 mars dans les salles japonaises. Dédié au physicien américain Robert Oppenheimer, père de la bombe atomique, le long métrage de trois heures a connu un immense succès à travers le monde. Il a d’ailleurs remporté sept statuettes lors de la dernière cérémonie des Oscars, dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur.

Le long-métrage est sorti dans de nombreux pays à l’été 2023 en même temps qu’un autre blockbuster, la joyeuse comédie de Greta Gerwig. Barbie, déclenchant d’innombrables mèmes sur Internet à cette occasion. Les images combinant les deux films ont choqué l’opinion publique au Japon, seul pays à avoir été frappé par l’arme atomique en août 1945, lors de la Seconde Guerre mondiale. Plus de 214 000 personnes ont été tuées suite au largage de bombes atomiques sur les villes d’Hiroshima et de Nagasaki.

Au Japon, il aura donc fallu attendre près de huit mois pour que le film soit projeté. Aucune raison officielle n’a été donnée pour expliquer ce retard, alimentant les spéculations selon lesquelles le film était trop sensible pour être diffusé dans le pays.

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Un film « centré sur l’Amérique »

Début mars, une avant-première du film a eu lieu dans la ville d’Hiroshima pour évaluer la réaction du public avant sa sortie officielle. L’ancien maire d’Hiroshima, Takashi Hiraoka, s’est exprimé à cette occasion. « Du point de vue d’Hiroshima, l’horreur des armes nucléaires n’a pas été suffisamment décrite »il a déploré, rapporte les médias japonais Asahi Shimbupas. « Le film a été réalisé de manière à valider la conclusion selon laquelle la bombe atomique a été utilisée pour sauver des vies américaines. »

Une autre habitante d’Hiroshima, Kyoko Heya, interrogée par l’Agence France-Presse (AFP), a également estimé que le film était « très centré sur l’Amérique » mais je souhaitais néanmoins « que beaucoup de gens (LE) regarder  » afin d’engager des discussions sur les armes atomiques.

Toshiyuki Mimaki, président d’une association de victimes et qui a survécu au bombardement d’Hiroshima alors qu’il avait 3 ans, a regretté auprès de l’Associated Press (AP) que les conséquences des armes atomiques sur le terrain n’aient pas été abordées : « Pendant tout le film, j’ai attendu et attendu que la scène du bombardement d’Hiroshima se produise, mais cela n’est jamais arrivé »a-t-il confié.

Absence d’images des victimes

Oppenheimer ne décrit pas la dévastation des deux bombes, qui ont tué sur le coup quelque 100 000 personnes avant d’entraîner la mort de milliers d’autres, pour la plupart des civils, dans les jours qui ont suivi dans les deux villes japonaises. Le film se concentre sur le personnage de Robert Oppenheimer, son parcours et ses conflits internes.

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Le long métrage a également été projeté en avant-première à Nagasaki, où Masao Tomonaga, 80 ans, un autre hibakusha (survivant de la bombe), s’est dit impressionné par le film. « Je pensais que le manque d’images de survivants de la bombe atomique était une faiblesse »a déclaré à l’AFP M. Tomonaga, qui avait 2 ans au moment de l’attentat et qui est devenu plus tard chercheur étudiant la leucémie causée par les radiations. «Mais en réalité, les déclarations d’Oppenheimer dans des dizaines de scènes montrent le choc qu’il a ressenti face à la réalité du bombardement atomique. C’en était assez pour moi »il ajouta.

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Découvrir

La diffusion d’Oppenheimer sera peut-être aussi l’occasion pour les réalisateurs japonais de se réapproprier cette histoire. C’est le souhait de Takashi Yamazaki, directeur de Godzilla moins un − Oscar des meilleurs effets visuels en 2024 − qui évoque aussi l’apparition des armes nucléaires. Dans ce film, M. Yamazaki fait de ce dernier un objet fantastique, responsable de l’apparition du Kaiju (« monstre » en japonais). « Je pense que nous avons besoin d’une réponse du Japon Oppenheimer. Un jour, j’aimerais faire ce film », a-t-il déclaré lors d’un échange en ligne avec Christopher Nolan, cité par AP.

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Le Martyre d’Hiroshima a été porté à l’écran avec Hiroshima, mon amour, du réalisateur Alain Resnais, coproduction franco-japonaise sur un scénario de Marguerite Duras. Le film est présenté au Festival de Cannes en 1959, mais est exclu de la compétition en raison de la pression américaine.

Correction le 29 mars à 13h50 : correction du nom du directeur de Hiroshima, mon amour.

Le Monde avec AP et AFP

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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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