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On vous explique le clash entre Elon Musk et un juge brésilien

Depuis samedi, la tension monte entre le milliardaire Elon Musk et le juge de la Cour suprême du Brésil, Alexandre de Moraes. Accusations de « censure » et de « dictature », enquête pour « exploitation criminelle présumée » du réseau social X et demande de « débat public »… 20 minutes faire le point.

Une « censure » des partisans de Bolsonaro à l’origine du choc ?

Tout a commencé après que le journaliste et activiste américain Michael Shellenberger a accusé le magistrat brésilien de « censure des messages des parlementaires » et des partisans de l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022). Alexandre de Moraes, l’un des onze membres de la Cour suprême brésilienne, est le fer de lance de la lutte contre la désinformation au Brésil. Ces dernières années, il a ordonné le blocage des comptes de personnalités influentes sur les réseaux sociaux pour cause de désinformation, pour la plupart des partisans de Jair Bolsonaro.

Il avait notamment suspendu le compte de l’ancien député Daniel Silveira, condamné en 2022 à de la prison (avant d’être gracié) après avoir déclaré dans une vidéo qu’il aimerait voir des membres de la Cour suprême « tabassés dans la rue ».

Le juge Moraes préside également le Tribunal électoral supérieur (TSE), le même organe qui a déclaré Bolsonaro inéligible en juin 2023 pour diffusion de fausses informations sur le système électoral brésilien.

Samedi, Elon Musk, patron de « Nous allons probablement perdre tous nos revenus au Brésil et devoir y fermer nos bureaux. Mais les principes sont plus importants que le profit », a-t-il insisté. Depuis cette soirée, Elon Musk a lancé une série d’attaques sur le réseau social contre le magistrat brésilien.

Musk exige la « démission » du juge brésilien qui répond par une « enquête »

Dimanche, le milliardaire est revenu à la charge, estimant que le juge Alexandre de Moraes devrait « démissionner ou être démis de ses fonctions » pour avoir « trahi effrontément et à plusieurs reprises la constitution et le peuple du Brésil ».

Le juge de la Cour suprême n’a pas répondu via les réseaux sociaux mais a ordonné le même jour l’ouverture d’une enquête contre Elon Musk pour « incitation au crime » et « entrave à la justice ». Dans une décision de justice, le magistrat a évoqué une prétendue « exploitation criminelle de X » de la part du milliardaire, qui est également patron de Space X et de Tesla. Il a également ajouté son nom à la liste des personnalités visées par une autre enquête déjà en cours, sur les supposées « milices numériques » : un groupe de proches collaborateurs de Jair Bolsonaro soupçonné d’avoir orchestré des campagnes de désinformation en ligne durant sa présidence.

Il a également commandé « les euros du réseau social) par profil réactivé.

Une demande de « débat public »

L’histoire aurait pu s’arrêter là… Mais cela aurait été une mauvaise compréhension d’Elon Musk. Il est revenu à la charge lundi et a convoqué Alexandre de Moraes à un débat public. Sur la plateforme qu’il possède, il a tweeté, sur le ton d’un duel de provocation : « Qu’en dis-tu, @Alexandre ? Débattons-en pour vrai.

Il en a ajouté mardi, toujours sur X : « Comment @Alexandre de Moraes est-il devenu le dictateur du Brésil ? Il tient Lula en laisse. » « La loi s’applique à tout le monde, y compris @Alexandre. Il devrait être jugé pour ses crimes», a insisté Elon Musk sur le réseau social.

L’année dernière, il avait appelé à un combat de MMA (arts martiaux mixtes) contre le patron du Meta Mark Zuckerberg, l’un de ses principaux concurrents, déclenchant une escarmouche qui a enflammé les réseaux.

Deux camps s’affrontent

Face à cette histoire, les utilisateurs du réseau social craignent une suspension de la plateforme dans le pays. D’autres comparent cet affrontement à celui entre Elon Musk et Mark Zuckerberg, qui devait se « régler » autour d’un combat sur un ring qui n’a finalement jamais vu le jour. « Je serais prêt à payer pour voir ce combat », Musk-Moraes, a écrit l’un d’eux sur Supreme, était en tête des sujets d’actualité lundi.

Côté politique, des personnalités ultraconservatrices ont lancé un manifeste pour défendre Elon Musk et son appel au limogeage d’Alexandre de Moraes. L’ancien chef de l’Etat Jair Bolsonaro a notamment déclaré : « Elon Musk est notre salut, notre démocratie est en danger. » Les attaques du milliardaire contre le juge Moraes ont également été largement relayées en ligne par des comptes liés à l’extrême droite brésilienne.

Mais de nombreuses voix se sont également élevées pour soutenir le magistrat. Le président de la Cour suprême, Luis Roberto Barroso, a déclaré dans un communiqué que « toute entreprise opérant au Brésil est soumise à la constitution ». « Les décisions judiciaires peuvent faire l’objet d’un appel, jamais de désobéissance délibérée », a-t-il insisté. Le président du Sénat, Rodrigo Pacheco, a estimé pour sa part que la régulation des réseaux sociaux était « inévitable ». « Ce n’est pas de la censure (…), ce sont des règles d’utilisation de ces plateformes », a-t-il expliqué.

Peu après les premières attaques du patron de Tesla contre le juge samedi, Jorge Messias, le procureur général de l’Union, chargé de défendre les intérêts du gouvernement Lula, a appelé à « réguler d’urgence les réseaux sociaux ».

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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