Nouvelles R5, 4L… Et si c’était dans les anciennes motorisations que l’on fabriquait les meilleures voitures ?
DAu volant de cette Renault 5 dont la résurrection médiatique lui a déjà valu 50 000 précommandes, un fort vent de nostalgie semble s’élever sur l’industrie automobile en général, française en particulier. Ainsi, quand le passé deviendra futur, la mode néo-rétro s’affichera dans les allées du prochain Mondial de l’Automobile de Paris (14 au 20 octobre).
Entre autres machines à voyager dans le temps, la R5 trônera en majesté sur le stand d’un constructeur qui prend désormais la responsabilité de faire du neuf à partir de l’ancien. Si une surprenante version « show car » de la Renault 17 (1971-1979) sera dévoilée par le designer français Ora-ïto – sans toutefois être destinée à une reproduction en série – la nouvelle 4L y fera également sa première apparition. public avant sa commercialisation l’été prochain.
Paradoxe français
Sans « paradoxe français » puisque le modèle original n’était guère réputé pour sa beauté durant son long règne débuté en 1961, c’est de cette harpe de facteur que la marque au losange entend faire le deuxième porte-drapeau de sa « Renaulution » lancée en 2021. Rompant avec la stricte austérité du fugitif Carlos Ghosn et ses « voitures à vendre », l’actuel directeur général n’a pas tardé à rappeler les bons souvenirs du slogan des années 1980 : celui de « la voiture pour vivre ». Déjà couronné par la renaissance triomphale de la Fiat 500, l’Italien Luca de Meo a même remis Renault en pole position dans cette course à l’échalote vintage.
Pêle-mêle on peut citer, entre autres engagés, une Volkswagen New Beetle avatar de la mythique Coccinelle, une Citroën C3 prétendument héritée de notre 2 CV nationale, la Ford Mustang Mach-E, la Peugeot E-Legend invoquant le coupé 504, une Mini dérivée de l’Austin riquiqui, ou encore de Chevrolet et sa Corvette.
Quelques grammes de finesse dans une mondialisation brutale, qui aura souvent lissé les carrosseries jusqu’à l’extrême ennui.
Plein gaz sur l’autoroute de la mélancolie froide, tandis que d’autres experts soupçonnent néanmoins une forme de paresse intellectuelle derrière certains modèles refaits comme des voitures volées du passé. Sauf à dire qu’en enclenchant la marche arrière, la plupart des marques sont évidemment obligées de revenir à la source, façon Canada Dry, et d’offrir alors tout le confort et la technologie moderne sous le capot ainsi que dans l’habitacle. Comme dans l’ombre de la R5, avec son sélecteur de vitesses en forme de tube de rouge à lèvres et ce porte-baguette (à pain) pour impressionner, mais aussi une autonomie électrique convenable et un vrai plaisir de conduite. Idem dans le sillage de la Renault 17, où les phares jaunes et les jantes conçues en forme de vinyles côtoient la vitre tactile.
« Comme le moral du peuple »
Quelques grammes de finesse dans une mondialisation brutale qui a souvent lissé les carrosseries jusqu’à l’extrême ennui. Des monochromes sombres aux courbes douces et monotones, tristes de pleurer celles du passé. Longtemps responsable du design chez BMW, le controversé Chris Bangle ne mâche d’ailleurs plus ses mots lorsqu’il s’agit de s’agacer du conformisme des constructeurs encourageant un style « inoffensif, ennuyeux, ennuyeux et inoffensif ».
L’essayiste Thomas Morales est encore plus radical, jurant que toutes les voitures finissaient par se ressembler. « On peut encore trouver quelques lignes aussi anachroniques que splendides en Allemagne ou en Grande-Bretagne, mais globalement on retrouve le même châssis à l’échelle d’une planète automobile obsédée par les économies d’échelle. Autrefois, le design correspondait davantage au moral des gens : des formes gigantesques et rebondies dans les années 1950 – symboles d’un certain appétit de vivre – puis peu à peu des lignes qui se sont tendues et ternes à mesure que les crises économiques progressaient. »
Si la tendance néo-rétro lui redonnera du baume au cœur et quelques couleurs flashy, disons en revanche qu’elle n’est pas une assurance tous risques contre l’échec commercial, comme ce fut notamment le sort réservé à l’embryonnaire nouvelle Peugeot 204. il y a une quinzaine d’années. Et pas plus lorsqu’il s’agit de la simple évocation d’une appellation d’origine plus ou moins contrôlée. La principale clé du succès est que la voiture ainsi redémarrée était déjà une icône en son temps.
Hélas, alors que le Mondial de l’Automobile de Paris voit sa fréquentation se tarir au fil des saisons, le dernier salon Rétromobile affichait complet, avec plus de 130 000 visiteurs. Un signe clair dans un pays qui, sans être une nation automobile, compte tout de même quelque 230 000 collectionneurs de véhicules anciens. L’un des patrons de Stellantis l’a visiblement bien compris, confirmant récemment le projet d’un retour au canal historique et gaulliste Citroën DS, millésime 1955.