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« Nous sommes dans le même bateau », le geste des ouvriers de Mondorien qui prennent la navette tous les jours

Le vendredi 20 septembre, au sud du Mont-Dore, un petit rassemblement a eu lieu alors qu’un marché nocturne se tenait au quai des Dauphins. À la descente d’une navette maritime qui ramenait de nombreux travailleurs, les habitués ont remercié les agents qui ont encadré le système lors de son lancement il y a quatre mois et demi.

À bord du Marie DIl y avait un beau bouquet. C’était vendredi après-midi entre Port-Moselle, à Nouméa, et le sud du Mont-Dore. Après avoir débarqué à Vallon-Dore, une quinzaine d’habitants s’attardaient à quai, le temps de dire un grand merci : ils ont offert des fleurs, des chocolats et un bon cadeau à Sylvana Koroma, accompagnée de son mari Gabriel. Ces deux agents de la province Sud supervisaient les navettes maritimes lorsque le dispositif était activé. Depuis les émeutes de la mi-mai, qui se sont soldées à Saint-Louis par des barrages, des blocages et une insécurité croissante sur l’unique route allant vers le nord.

Les habitués de la navette ont entendu dire que Sylvana avait un problème de santé. « Nous nous sommes organisés »dit un utilisateur.Nous avons passé le message aux personnes qui étaient là entre 2h30 et 4h du matin. Nous nous sommes dit que nous ferions quelque chose pour elle. Elle ne s’y attendait pas. « C’est un cadeau pour la remercier du travail qu’elle fait pour nous, les Mondoriens. Être là tous les matins jusqu’au soir, nous aider, utiliser nos idées… On était une quinzaine à donner les cadeaux, mais une cinquantaine à participer. »

Nous sommes dans le même bateau. Ou le même ponton.

Un habitué des navettes maritimes


Gabriel Koroma s’entretenant avec les Mondoriens qu’il a appris à connaître, le 20 septembre 2024, au quai du Vallon-Dore.


« Ce sont des gens qui vivent là-bas et qui prennent la navette tous les jours », décrit Sylvana. « Ils disent qu’ils sont le groupe de 2 heures, 3 heures, 4 heures du matin »ajoute Gabriel. Car pour essayer de partir à l’heure, beaucoup de Mondoriens se lèvent avant l’aube. Ils attendent à l’embarcadère pour prendre les premiers bateaux. Ensuite, ils parviennent à rejoindre leur lieu de travail dans le nord de la ville, à Nouméa ou dans le reste de l’agglomération.

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Après une journée de travail souvent écourtée, souvent sans pause, ils reprennent la mer et recommencent le lendemain. Depuis quatre mois et demi, pour certains, prêts à tous les sacrifices pour conserver leur emploi. Dans cette énorme épreuve, des liens se sont créés entre les habitants de toutes origines qui ont appris à se connaître. Les passagers, et ceux qui font tourner le système. Une journée festive sera même organisée le 28 septembre, sur la plage de Carcassonne, à Prune.

Le ballet des navettes est devenu beaucoup plus efficace. Mais les « lève-tôt » arrivent toujours à la nuit tombée. Le couple Koroma les a côtoyés tous les jours pendant deux mois, avant d’avoir aménagé les horaires. « Comme nous habitons de ce côté, nous sommes disponibles ici »explique Sylvana. « J’ai d’abord travaillé à la direction « culture, jeunesse et sport ». J’ai été détachée à la DAEM (la gestion de la planification, des équipements et des ressources) pour gérer les navettes le matin, le flux… » Et donc, « Accueillir la détresse, les peurs, les colères, les larmes, les crises… »

On a communiqué avec les gens. Ils avaient besoin de ça. Ils étaient un peu perdus. On était tous un peu perdus.

Sylvana Koroma, une officier de la province du Sud chargée de gérer les navettes


Le 15 juillet 2024, vers 5h30 du matin, les Mondoriens qui travaillent à Nouméa embarquent à bord de la navette organisée par leur employeur pour les transporter depuis Vallon-Dore.


Dans une Calédonie en ébullition et un Sud coupé du monde, il a fallu jongler. Entre les besoins de chacun, le manque d’infrastructures, le couvre-feu, les attentes interminables, la météo… « La crainte de tout le monde était que personne ne parvienne à rien, que les gens soient indisciplinés… Dès le départ, il a fallu forcer un peu pour fixer le cadre. » Les souvenirs mémorables ne manquent pas. Les personnes en deuil, celles qui ont perdu leur emploi, les collégiens qui n’ont pas pu s’offrir une navette privée lorsque le service public a été suspendu…

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« C’est notre travail. Mais humainement, ils ont voulu faire un geste de remerciement. »résume Gabriel, lui-même travaillant au DAEM. « Nous faisons cela tous les deux parce que nous avons appris à être au service du public. La première mission d’un agent qui commence à travailler pour une institution est de prendre soin de la population. »

« Les gens ont besoin que nous les écoutions, ils ont besoin que nous soyons à leurs côtés. »Sylvana insiste, regardant au-delà des sourires. « La détresse psychologique n’est pas forcément quelque chose qui se voit et s’entend. Mais elle est là, elle est omniprésente. Quand on se lève à 3 heures du matin et qu’on se couche à 22 heures ou 23 heures, notre temps de sommeil est réduit. Cela crée de la détresse et avec le temps, elle augmente de plus en plus. »

Nous sommes tous là pour prendre le bateau. Et nous trouvons le temps moins long à partir du moment où nous comprenons qu’il faut se respecter les uns les autres, car ensemble, il faut prendre le bateau.

Gabriel Koroma, agent de la Province Sud, en charge de la gestion des navettes

« Nous sommes tous dans le même bateau »cela a été répété vendredi. « Hier, on se croisait mais l’évènement nous a appris à vivre ensemble. Le quai est devenu un lieu de convivialité et de rencontres. Avant, je prenais ma voiture, j’allais à mon travail, je ne connaissais que ma famille »explique Gabriel, originaire de Yaté. « Là-bas, ma famille s’est agrandie… » Et Sylvana complète : « …en l’espace de quatre mois. C’est clair  » « 


Lundi 19 août à 7h45, par mauvais temps, des centaines de personnes attendaient une navette maritime à l’embarcadère de Vallon-Dore.


Eleon Lass

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