« Notre système de sécurité sociale n’est plus adapté aux réalités du pays »
FIGAROVOX/TRIBUNE- Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, examiné cette semaine à l’Assemblée nationale, n’apporte que des solutions à court terme et ne suffira pas à redresser nos finances publiques, prévient le député LR de l’Isère, rapporteur général du PLFSS.
Député LR de l’Isère, Yannick Neuder est rapporteur général du PLFSS.
Il est temps de se confronter à une réalité que nous ne pouvons plus ignorer : notre système de sécurité sociale n’est plus adapté aux réalités du pays tout en affichant un déficit abyssal de 18 milliards d’euros. Après sept années d’errance politique, de promesses non tenues et de réformes structurelles constamment reportées, nous sommes à la croisée des chemins.
Cette situation met en danger non seulement la pérennité de notre système de santé, mais aussi celle des retraites et de la prise en charge de la dépendance. En tant que rapporteur général, je pense que le retour du « déficit de sécurité sociale » doit nous amener à nous interroger sur la pertinence des textes que nous votons.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 que nous examinons cette semaine à l’Assemblée nationale ne répond que partiellement aux défis auxquels nous sommes confrontés. Bien qu’il réponde au besoin pressant de protéger notre modèle social, il se contente parfois de procéder à des coupes marginales ou parfois à des transferts de charges injustes sans s’attaquer à des réformes profondes et essentielles. Ces solutions à court terme risquent d’aggraver la situation des plus vulnérables, qui supportent déjà les coûts supplémentaires tout en étant privés d’un service public capable de répondre aux défis du vieillissement et de l’augmentation des maladies chroniques.
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Malgré l’augmentation des dépenses sociales, les Français ont-ils l’impression d’être mieux pris en charge ? Tout le monde connaît la réponse à cette question car chacun vit quotidiennement l’attente aux urgences, mesure le temps nécessaire pour prendre rendez-vous avec un médecin spécialiste ou un médecin généraliste, est déjà allé rendre visite à une personne âgée ou est déjà rétabli. un enfant à la garderie.
Le déficit de la sécurité sociale est alimenté par plusieurs facteurs. D’un côté, les dépenses de santé, dont les deux tiers sont consacrés aux maladies chroniques, continuent d’augmenter. En revanche, la CNRACL, la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, creuse un trou supplémentaire dans les finances publiques, un trou que l’État tente de combler.
retour sur le dos de l’objectif de dépenses (ONDAM) prévu pour nos hôpitaux et cliniques.
Parallèlement, en 2024, 65 % des hôpitaux publics et 40 % des établissements privés et plus de 60 % de nos EHPAD seront en déficit, et le gouvernement choisit de faire porter la charge de ce déficit sur les hôpitaux eux-mêmes. . C’est inacceptable. Consciemment, l’État pousse nos centres de cancérologie entre le paiement des retraites de leurs fonctionnaires et la prise en charge de la chimiothérapie.
La lutte contre la fraude doit s’accompagner d’un message clair sur notre arsenal de prestations sociales qui n’incitent plus à prendre en main son destin.
Yannick Neuder
Je suis également opposé à une réduction du remboursement des soins en augmentant le ticket modérateur et qui entraînerait un transfert de charge de l’assurance maladie vers la complémentaire santé. En 2025, les surprimes pourraient augmenter de 10 %. Cette charge supplémentaire, que nos concitoyens ne devraient pas supporter, est injuste. Nous ne pouvons donc pas accepter les propositions qui imposeraient une double pénalité aux retraités : une augmentation des cotisations supplémentaires qui met à rude épreuve leur pouvoir d’achat, couplée à un report de la hausse de leurs retraites.
D’autre part, ce PLFSS constitue la base des lois exigeantes que nous devons mettre en œuvre dans les années à venir avec trois impératifs : efficacité des soins, révolution de la prévention et protection des solidarités.
En termes d’efficacité, la solution ne réside pas dans une politique de rabotage permanent. Il est nécessaire de repenser fondamentalement l’allocation des ressources, et il est clair que notre système n’est pas aussi efficace qu’il pourrait l’être. En matière de dépenses de santé, la non-soin, la fraude et la surprescription doivent faire l’objet d’un plus grand volontarisme politique et à ce titre, je suis favorable à des mesures qui puissent donner des marges de manœuvre et de nouveaux outils à la CNAM. Cependant, je fais un point
C’est un honneur que d’introduire une différenciation territoriale à chaque fois que nous maîtrisons l’efficacité d’une dépense : les économies réalisées en imagerie, en biologie et en transport doivent être adaptées à la situation de chaque territoire et de chaque patient.
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Au-delà, il faut s’interroger sur la part des actes non médicaux, la contraction du temps médical et la bureaucratie qui pèsent sur nos établissements, notamment publics. Quand nos établissements privés couvrent un volume de 19 % des actes administratifs, le public se voit contraint par 35 % des actes non médicaux. Une mission de la Cour des comptes doit prochainement produire ses conclusions à ce sujet et je serai vigilant.
Deuxièmement, l’État, pris en otage par son financement annualisé et à courte vue de la sécurité sociale, condamne le système à continuer d’apporter des mesures curatives au détriment d’une véritable politique de prévention. Il nous manque de nombreuses révolutions comme le séquençage génomique qui permettrait d’éviter de nombreuses chimiothérapies et d’adapter le diagnostic des cancers de manière personnalisée. Il faut aussi faire confiance au maillage territorial robuste en matière de biologie pour étendre les mesures de prévention à ces acteurs locaux de santé. Enfin, il faut aussi faire de la lutte contre les maladies cardiovasculaires une priorité nationale à travers le dépistage massif des facteurs de risque, comme je le soutiens depuis des années. 15 millions de personnes sont traitées pour des maladies cardio-neurovasculaires ou liées à des facteurs de risque cardiovasculaire comme l’hypertension artérielle, le diabète et la dyslipidémie. Le taux de mortalité reste cependant élevé, avec plus de 140 000 décès par an en France, constituant la deuxième cause de décès après le cancer. Il s’agit d’une question de santé et du solde de nos dépenses d’assurance maladie.
Enfin, le système doit impérativement continuer à protéger notre outil de solidarité avec la lutte contre la fraude sociale comme premier objectif. Estimés à 13 milliards d’euros par le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS), seuls 2,1 milliards sont clairement identifiés, et quelque 500 millions sont effectivement récupérés. Cet écart est alarmant.
Je reste fermement convaincu que nous devrons engager rapidement les réformes structurelles nécessaires pour garantir l’avenir de notre système social.
Yannick Neuder
La lutte contre la fraude doit s’accompagner d’un message clair sur notre arsenal de prestations sociales qui n’incitent plus à prendre en main son destin. La création d’une allocation sociale unique plafonnée, que je soutiens aux côtés de Laurent Wauquiez et de la droite républicaine, s’inscrit dans cette démarche. Dans le même temps, il faut rouvrir le débat sur la responsabilisation en matière d’arrêts maladie, par exemple avec l’introduction de jours de carence, pour plus d’équité et pour lutter contre les abus. Les dépenses liées aux arrêts maladie ont augmenté de 8% au premier semestre 2024, confirmant une tendance à la hausse de 50% depuis 2017.
Dans la continuité de cette responsabilisation pour garantir la pérennité de notre modèle social, il faut repenser certains systèmes de prise en charge des étrangers, comme le titre de séjour pour soins au-delà du seul débat autour de l’AME. Cette dernière représente moins de 1% des dépenses de sécurité sociale et il est indispensable de l’aborder sous un angle médical plutôt que financier. En tant que médecin, je reste attentif à cela
sujet.
C’est avec un esprit de co-construction, de responsabilité et de rigueur que nous aborderons les futurs débats autour du PLFSS mais je reste fermement convaincu qu’il faudra engager rapidement les réformes structurelles qui sont nécessaires pour garantir l’avenir de notre système social.
Pensons à l’après-PLFSS.